3) Rêve

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- On part maintenant du coup ?
- Oui, tant pis si on arrive tard. Tu dormiras sur la route.
Il charge la voiture. Il va vite. Très vite. Tout s'accélère. Le sol défile à une vitesse ahurissante. Tout ralenti d'un coup.
- Il a besoin d'être en vacances.
Elle amène aussi des affaires. Tout s'accélère à nouveau. Les sons s'entremêlent et les images se chevauchent. La vue de brouille, tout devient flou.

Je n'arrive plus à respirer. J'ai très chaud. Je dégouline de sueur. La seule source de lumière est cet appareil à ma droite. Celui qui fait un bip régulier. J'ai peur. C'est calme. Trop calme à mon goût.

Quand je me réveille à nouveau, il fait jour. Marie est dans la pièce elle aussi. Elle est assise sur la seule chaise.

Juliane : Marie...

Elle n'a pas vu que je suis réveillée.

Juliane : Marie...
Marie : Ju, ça va ?
Juliane : Oui, je... Je crois.
Marie : T'as bien dormi ?

Tout à coup, ça me revient. J'ai fait un rêve bizarre. Il y avait un homme et une femme qui me parlaient.

Juliane : Je crois que je me souviens de quelque chose.
Marie : Vraiment ?
Juliane : Je sais pas mais j'ai fait un rêve. Il y avait deux personnes, un homme et une femme. Ils chargeaient des affaires dans une voiture. Ils m'ont dis... Ils m'ont dis de dormir sur la route parce qu'il allait faire nuit.

Je réalise alors seulement qui sont ces gens. Je ne sais pas pourquoi mais des larmes coulent sur mes joues.

Juliane : C'étaient mes parents pas vrai ?
Marie : Oui. Je pense que oui.
Juliane : Putain !
Marie : Qu'est-ce qu'il y a ?
Juliane : J'arrive pas à me souvenir de comment ils sont ! La seule chose dont je me souviens, c'est les affaires qu'ils transportaient ! Fait chier !

Je sens des bras passer autour de moi. Je ne les vois pas, mes yeux sont trop plein de larmes.

Marie : Ne t'inquiètes pas. Ça reviendra. C'est déjà une bonne chose que tu te souviennes de tout ça.
Juliane : Si tu le dis...
Marie : Ju, si tu veux, je te montres des photos de tes parents. Je dois en avoir deux ou trois sur mon tél.
Juliane : Tu crois ?
Marie : Oui ! Peut-être que ça te rappelera quelque chose.
Juliane : Merci !

Marie est vraiment trop gentille. Elle fait vraiment tout pour m'aider. Elle essuie mes larmes avec sa main et sort ensuite son téléphone. Je l'observe chercher dans sa gallerie. Elle finit par me tendre le téléphone avec une photo d'un couple d'une bonne quarantaine d'années. Il y a une autre fille avec eux. C'est un selfie au bord de l'eau.

Juliane : C'est eux ?
Marie : Oui.

J'ai beau les observer de fond en comble, il n'y a rien qui me rappelle quoi que ce soit. Par contre, l'ado à côté...

Juliane : C'est qui elle ?

Marie me regarde bizarrement.

Marie : C'est toi.
Juliane : Quoi ?
Marie : La photo date un peu, trois ans. Tu es plus jeune.

Incroyable. Je ne me reconnais pas. À vrai dire, je ne sais même pas trop à quoi je ressemble actuellement.

Juliane : Il y a pas un miroir ?
Marie : Je crois pas mais je peux mettre mon téléphone en selfie.
Juliane : Je veux bien s'il te plaît.
Marie : Bien sûr.

Après quelques instants, l'écran du téléphone est face à moi. J'ai peine à croire que la personne qui se trouve dessus est bien moi. J'ai d'énormes cernes et des yeux marrons et des cheveux blonds, comme sur la photo précédente. Je rends son téléphone à Marie. Je n'ai pas envie de me voir plus que ça. J'ai trop honte de moi même.

Marie : Autre chose, aujourd'hui, tu vas avoir de la visite. J'ai réussi à obtenir le droit de te voir tous les jours mais ce n'est pas le cas des autres.
Juliane : Les autres ?
Marie : Oui, tes grands parents et nos amis.
Juliane : D'accord mais...
Marie : Je ne leur ai rien dit sur ta perte de mémoire. Je préfère qu'ils l'apprennent tous de toi même. Ils sont tous venus te voir au moins une fois quand ils ont appris pour ton accident mais tu étais dans le coma. Tes grands parents ont mis du temps à venir. Tu as ceux d'Angleterre qui ont pris un hôtel pas loin d'ici et les autres qui ont emménagé à Paris y'a pas longtemps. Ils sont venus et sont remontés en train. Ils m'ont demandé de les prévenir quand tu te réveillerai. Ils sont pas restés ici parce que ta mamie est un peu malade et qu'elle doit voir un médecin très régulièrement.

Mes grands parents sont venus me voir ? Ça fait le même effet que pour mes parents : rien. Ça ne me fait ni chaud ni froid. Je n'ai pas l'impression de tenir à eux.

Marie : Ils viendront tous en début d'après midi.
Juliane : D'accord.
Marie : Tu dois avoir faim non ?
Juliane : Un peu.

Un peu, ce n'est pas vrai. Je meure de faim.

Marie : Je t'ai fait des pâtes. La bouffe ici est pas ouf.
Juliane : Des pâtes ? Mais il est...
Marie : Midi. Tu ne vas pas manger un p'tit déjeuné à cette heure-ci ?
Marie : Non c'est vrai. Mais je pensais pas qu'il était si tard.

Les pâtes sont excellentes. J'ai l'impression que mon palais n'a rien ressenti depuis une éternité. Comme si je n'avais pas mangé depuis un an.

Juliane : Comment on me nourrissait ?
Marie : Avec une sonde. Ils te l'ont enlevé à ton réveil.

Cette sensation de redécouverte est donc normale.
C'est Marie qui me donne à manger. Je galère trop à le faire moi même. C'est fou, je peux rien faire toute seule. Je bois aussi beaucoup.

Juliane : Est-ce que moi aussi j'ai un téléphone ?
Marie : Oui, tu en avais un. Mais il a été retrouvé inutilisable dans les décombres.

Perdue Dans Ses Souvenirs •[En pause]•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant