6) Visite douloureuse

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Marie : Je les fais entrer ?
Juliane : Heu oui.

Je sais même pas de qui elle parle.
Elle passe la tête par la porte et appelle des gens. "Vous venez ?" Mais qui ?

Je vois ainsi deux jeunes filles de notre âge entrer dans la chambre.

Fille 1 : Ça va Ju ?

Elle me prend la main en s'agenouillant le long du lit.

Fille 2 : On a eu si peur. Et puis, on avait pas le droit de te voir. Juste une fois on a pu venir. Heureusement qu'on avait Marie pour nous tenir au courant.

Juliane : Oui ça va. J'ai mal partout mais tranquille.
Fille 1 : Et... Et tes parents ?

Je baisse les yeux. J'ai honte. Je ne sais pas quoi lui dire. À la simple mention de mes géniteurs, je devrais fondre en larmes mais ce n'est pas le cas.

Fille 1 : Je suis désolée, je voulais pas...
Juliane : Non t'inquiètes. Je... Je dois vous dire quelque chose. Je... Je sais pas qui vous êtes. Je... Pardon.

Cette fois, je pleure. Je portes ma main à ma bouche tellement les pleurs sont intenses. Pourquoi faut-il que ces deux filles soient absentes de mes souvenirs ? J'en ai plus qu'assez de cette putain de perte de mémoire !

Fille 2 : Qu'est-ce que... Tu dis ?

Pdv Marie :

Je vois bien que Juliane ne va pas être capable de s'expliquer. Il y a trop d'émotions pour elle.
Je fais signe à Anna et Océane de me suivre. Je les amène dans le couloir en laissant seule avec ses pensées Juliane.

Anna : Qu'est-ce que ça veut dire ?
Marie : Calme toi. C'est pas facile pour elle.
Océane : Alors vas-y. Accouche.
Marie : Quand elle s'est réveillée, elle était perdue. Elle comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Au début, j'ai cru que c'était parce que elle se retrouvait là, choquée par son accident. Mais y'avait autre chose.
Océane : Elle... Ho mon dieu.

Océane a compris. Elle ne continue pas ses paroles mais réalise avec des gestes et ses expressions des tas de choses.

Océane : Pourquoi tu nous l'as pas dit plus tôt !
Marie : Je voulais que ce soit elle qui vous le dise.
Anna : Mais qui dise quoi, bordel ! Je comprends rien !
Marie : Anna... Ju te reconnait pas. Elle a perdu la mémoire.

C'est dur de dire ça. Cette grande révélation les bouleverse. Océane montre sa colère et Anna fond en larmes. Elles sont un peu comme des opposées mais elles se complètent bien. J'étais pareille à leur place.

Marie : Allons la voir.

Pdv Juliane :

Elles reviennent. Les deux filles ont les larmes aux yeux. Marie a dû leur dire. De toute façon, j'en étais incapable. La première s'approche avec énergie. Je prends la claque de ma vie. Elle m'a giflé ! Ça fait très mal mais je suis incapable de réagir. Je suis comme sonnée. Je ne pense plus à rien, la douleur prend le dessus. Pourtant je ne pleure pas. J'ai l'impression de mériter mon sort.

Marie : Anna ! Qu'est-ce que tu fais !

Je la vois s'échapper en courant et s'enfermer dans les toilettes.

Marie : Ju, ça va ? Juliane ?
Juliane : Pour.... Pourquoi m'a-t-elle giflé...
Marie : Elle est choquée. On se connait depuis des années et d'un coup, on lui dit que tu la reconnais plus. C'est dur. Pour moi aussi c'est pas facile tu sais.
Fille 2 : Juliane... C'est vrai... ?
Juliane : Pardon... Je suis désolée...
Fille 2 : Tu te souviens vraiment de rien ?
Juliane : Même pas mon nom. Je me suis réveillé, il y avait Marie qui m'a tout expliqué. Mais... Je sais pas comment tu t'appelles... J'ai cru entendre qu'elle s'appelle Anna mais toi ?
Fille 2 : Moi c'est Océane. J'arrive pas à y croire. Par contre tu vas avoir une marque.

C'est vrai que ma joue me picote fortement. Donc elles aussi je les connais ?

Marie : Tu devrais aller voir Anna.

Océane se dirige vers les toilettes. Elle ouvre la porte, ce qui dévoile Anna debout, face à elle. Contre toute attente, elle attrape les épaules d'Océane et approche son visage du sien. Elle l'embrasse. Marie et moi sommes tout autant étonnées qu'Océane.

Océane : Idiote.

Anna se sépare d'Océane et s'approche de moi. Elle me fait un peu peur, j'avoue.

Anna : Ne t'avise plus jamais de nous faire un coup comme celui là ! On a cru que tu allais mourir ! Et là tu nous dis que tu sais plus rien ! Ju !

Elle a pas tord. Ça doit être dur pour elles aussi. Limite je suis la moins à plaindre.
Aucun mot par contre sur ce qu'il vient de se passer entre elles deux, je veux pas remuer le couteau dans la plaie.

Océane : Tu vas bien quand même ?
Juliane : A part que j'ai le dos en compote et le vide dans ma mémoire, tout va bien.
Anna : Rigole pas avec ça ! C'est pas drôle putain !
Juliane : Parce que tu crois que c'est drôle ? Que c'est facile pour moi ? Je suis là à parler avec des inconnues comme si je les connaissais depuis un bail ! C'est peut-être le cas pour vous mais pas pour moi ! Mes parents sont morts et je n'arrive même pas à les pleurer ! Essaie d'imaginer ne serait-ce qu'une seconde ce que je ressens !

Pourquoi je m'énerve comme ça ? Y'a pas de raison...

Juliane : Je... Pardon.
Anna : Non, t'excuses pas. C'est ma faute.

On reste donc toutes les quatres à parler pendant à peu près une heure de tout et de rien.
Anna et Océane me préviennent qu'elles reviennent demain. Ça ne fait que peu de temps, pourtant j'ai l'impression d'avoir comme une sorte de complicité avec elles deux. Moins qu'avec Marie mais un peu quand même.
Maintenant, il faut que j'essaie de faire les exercices que m'a donné l'infirmière de tout à l'heure. Il y a quelques étirements, de la marche et de la respiration. C'est vraiment pas facile, mais heureusement, j'ai le soutien de Marie.
Finalement, il est à peine 19 heures quand mes paupières se ferment après avoir grignoté quelques pâtes.

Perdue Dans Ses Souvenirs •[En pause]•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant