9) Caca nocturne

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Océane a apporté un Uno. C'est sympa, on fait quelques parties, j'oublie enfin pendant quelques instants tous mes remords et mes peurs. J'en oublie même la visite désastreuse de mes grands-parents.

Anna : Uno !
Océane : Déjà ?
Marie : Vas-y Ju ! Met lui un +2 !
Juliane : Voilà ! +4 !

On s'amuse bien. Ça me remonte le moral.
J'ai gagné ! Trop... Bien...

Il y a une femme face à moi qui me sourit. Je ne distingue rien d'autre que sa bouche et une partie de la table.
- Bravo ! T'es trop forte ! Tu as gagné !
- Merci !
Une petite voix enfantine a émergé de quelque part.
- On recommence ?

Marie : On recommence ?
Anna : Ouais.
Océane : Pourquoi pas.
Marie : Ju ?

C'est à moi qu'elle parle ? Qu'est-ce que c'était ?

Anna : Ju, ça va ? Juliane ?

Je les regarde mais aucun son ne sort de ma bouche. Mes yeux se ferment si fort pour m'empêcher de pleurer, en vain. Au passage, ma vessie se vide.

Marie : Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle me prend dans ses bras.

Juliane : Ma maman... Elle... Elle a déjà joué avec moi... Je me souviens d'une partie...
Océane : Mais c'est génial !
Juliane : Nan ! Non c'est pas génial ! Je me souviens pas d'elle ! Que de la partie ! Je m'en fiche de savoir que j'ai gagné ! Putain ! J'en ai ma-arre...
Anna : Ne t'en fait pas. Ça finira par te revenir. J'en suis certaine.

Finalement, on a pas relancé de partie. En fin de journée, mes yeux se ferment tous seuls. Le trop plein d'émotions m'a crevé. Mes trois amies m'observent m'endormir. En pleine conversation je baillais déjà. La fatigue a fini par avoir raison de moi.

Je me réveille au milieu de la nuit dans le noir avec une furieuse envie d'aller aux toilettes. C'est très pressant mais comment y aller seule ? Il n'y a personne pour m'aider. Marie est parti pour la nuit et les docteurs ont sûrement d'autres choses à faire en pleine nuit. J'essaie de me relever mais pour mettre le corset seule, impossible, surtout que je suis encore dans les vapes. Tant pis, je prends que les béquilles. Le temps est compté. J'essaie de me dépêcher mais j'ai extrêmement mal au dos en me déplaçant comme ça. J'aperçois mon fauteuil roulant. Je m'assois dedans et c'est parti pour deux mètres. J'ai le trône en visuel, je m'appuie dessus et je peux enfin me soulager.
Même pas besoin de pousser, ça sort tout seul. Au lieu d'un bruit d'eau, j'entends du frottement de plastique. En sortant, la deuxième crotte touche bizarrement mes fesses. C'est parce que la troisième est plus difficile à sortir que je me rends compte du problème. J'ai toujours ma couche ! Je suis en train de me faire caca dessus ! C'est pas vrai ! J'ai envie de pleurer une énième fois. Pourquoi est-ce que j'ai oublié ma couche ! Putain ! Je continue de chier, je ne peut pas arrêter ce carnage. J'en rajoute une caisse en faisant pipi. Je ne fais pas exprès !
C'est dégueulasse. Ça colle sur mes fesses, c'est lourd, ça pue.
Après m'être calmée et avoir réalisé ce qu'il s'est passé, je me rassoie difficilement sur le fauteuil roulant. Toute la merde s'étale. C'est un coussin qui va de mon vagin jusqu'au haut de mes fesses. Ça me dégoute au plus haut point. J'arrive à me hisser dans mon lit et de nouvelles pensées négatives surgissent. Est-ce que je suis vraiment qu'un bébé comme l'a dit Marie ? Sûrement.
En m'allongeant, j'étale encore plus cette masse chaude. Je pleure toutes les larmes de mon corps avant de me rendormir.

Pdv Marie :

J'arrive une nouvelle fois à l'hôpital. J'espère que Juliane a bien dormi. À l'accueil, on m'autorise à aller la voir, je me dirige donc jusqu'à sa chambre. En rentrant, je sens une forte odeur dans l'air. Qu'est-ce que c'est ? Ça sent la merde. J'ai un pressentiment. Je soulève la couette qui laisse s'échapper une vague nauséabonde. C'est pas vrai...

Pdv Juliane :

On me pousse.

Juliane : Hein... Qu'est-ce qui a ?

Je suis toujours endormie.

Marie : Réveille toi ! Ju, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Juliane : De quoi ?
Marie : Tu... Tu as... Tu as fait caca.

Quoi ? C'est vrai ! Je ne suis pas arrivée à temps aux toilettes ! Enfin si... Maintenant qu'elle le dit, ça pue.

Juliane : Je sais.
Marie : Comment ça tu sais ?
Juliane : Je me suis réveillée, j'ai voulu aller aux toilettes mais j'ai galéré sans mon corset. Et une fois assise, j'ai oublié de retirer la couche...
Marie : Juliane... Pleure pas, tu pouvais pas faire autrement. C'est pas grave tu sais.
Juliane : Mais Marie... Je me suis fait caca dessus...
Marie : Ne t'inquiètes pas, je vais te changer sous la douche. Tu dois avoir besoin de te nettoyer.
Juliane : Oui.

En me redressant, j'écrase une nouvelle fois le caca. C'est tout froid maintenant. La couche pend dangereusement en étant debout. Elle est énorme et elle me gène même pour boiter avec les béquilles.

Marie me fait rester debout pour me changer. Elle détache les attaches de la couche et la retire. Elle lâche un petit "Ha oui" en visualisant son contenu. Mais a part ça, aucune remarque. De mon côté, je dois être rouge pivoine. Avec un gant de toilette, elle me nettoie les parties et le reste du corps sous la douche. Elle me remet ensuite une couche et des vêtements identiques à ceux d'hier.

A partir de ce moment, plus un mot de cet accident.

Anna et Océane viennent manger avec nous le midi. On parle de tout et de rien.

Océane : Tu sais combien de temps tu gardes ton plâtre à la jambe ?
Juliane : Non, ils ne m'ont rien dit.
Marie : Encore une semaine. Ta jambe n'avait que de faibles fractures.
Juliane : D'acc merci.
Anna : Je sais pas pourquoi je pense à ça mais c'est bientôt la rentrée d'ailleurs.
Marie : Ouais, j'espère qu'on sera ensemble.
Océane : Moi aussi.

C'est difficile de les voir toutes les trois aussi complices. J'ai l'impression d'être à part. Je ne sais rien d'elles...

Perdue Dans Ses Souvenirs •[En pause]•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant