17/ Cours de thé

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Les mots du médecin résonnent dans mon esprit, comme si on m'assommait d'un coup de massue.

- Dites moi qu'il va bien...

- On a réussi à stabiliser son état et lui permettre de respirer, mais au vu de l'avancée de la maladie, il y a peu de chances que le traitement fonctionne.

Un poids énorme s'évade de mon corps, comme si ma poitrine avait été écrasée depuis plus de vingt minutes. Un léger malaise me prends lorsque toute la pression redescend, je n'ai pas d'autre choix que d'appuyer ma main contre le mur. Le médecin s'approche de moi mais je met mon autre main entre lui et moi pour lui signifier que je vais bien.

- Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'il lui ait arrivé ?

- Une insuffisance respiratoire, suivit d'un arrêt cardiaque. Nous avons réussi à le réanimer et à le mettre sous oxygène. Le mois qui va suivre sera sûrement décisif. On saura si le traitement fonctionne ou non, mais la maladie est beaucoup trop avancée pour espérer obtenir des résultats positifs. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs.

- Bien... Est-ce que je peux le voir ?

- Évidemment, allez-y.

Il s'en va après m'avoir souhaité bon courage, mais je vais avoir besoin de beaucoup plus que ça. J'entre lentement dans la pièce, et le calme accompagné du bruit des machines me fait frissonner. Je déteste les "bip" qui retentissent sans arrêt... Livaï est branché à tout ça, allongé sur le dos, inconscient et un masque à oxygène sur le visage. Après avoir refermé la porte je me laisse glisser contre celle-ci, incapable de rester debout plus longtemps.

Pourquoi il a fallu que ça tombe sur lui ? Pourquoi Livaï ? Il a des projets, des envies, il est heureux et il a enfin trouvé la paix et un équilibre dans sa vie. Même si avec Kenny ça reste tendu, je sais qu'il le considère comme son père. Seulement, si il ne reçoit pas une greffe, alors... Alors il... Je n'arrive même pas à penser correctement. En réalité je ne veux même pas penser... En trente ans d'existence, Livaï a prit une place très importante durant la moitié de cette période. Ça fait quatorze ans qu'on se connaît, presque dix ans qu'on vit ensemble, cinq ans qu'on est mariés, et trois mois qu'on a acheté notre maison... Il est le centre de tout, le pilier de tout ce que je construis. Alors si il n'est plus là, je n'ai pas de raisons de construire quoi que ce soit. Mais je garde espoir, il va survivre, c'est un battant. Livaï recevra cette greffe, j'en suis certain. Et il continuera de vivre.

PDV Livaï :

Je me réveille pour la seconde fois de la journée, le même plafond blanc s'offre à moi. Cependant je me sens bien plus fatigué, et quelque chose sur mon visage me gêne. Avec beaucoup d'efforts, je tourne la tête vers le fauteuil dans l'espoir d'y voir mon mari. Même si ma vue est encore un peu floue, je devine Erwin sur le siège, endormi. Il commence à faire sombre dans la pièce, il doit faire nuit dehors. La dernière chose dont je me souviens c'est d'avoir eu du mal à respirer, j'appelais intérieurement Erwin. J'ai cru mourir, les machines s'étaient mises à s'affoler, beaucoup de monde a accouru dans ma chambre, sauf Erwin qui n'était pas là. Je veux mourir avec ma main dans la sienne, je le veux près de moi. Mais c'est putain d'égoïste comme pensée...

Je ne veux pas le réveiller, alors je ne fais rien, je reste ainsi à le regarder. Pour une fois qu'il semble avoir un sommeil plutôt paisible... Ce serait si facile pour lui si tout ça s'arrêtait, il doit être épuisé... Je sais qu'il dort mal la nuit depuis que je lui ai annoncé ma maladie. Il fait des cauchemars fréquemment, il est incroyablement cerné et parfois, je le vois même pleurer dans son sommeil. Tout ce que je fais, c'est lui faire vivre un enfer. Il ne mérite pas ça. Je suis tellement désolé... J'ai l'impression de lui gâcher la vie, c'est insupportable. Erwin mérite d'être heureux, et je ne lui apporte plus du tout de bonheur.

Rester encore un peu [Eruri] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant