Rester encore un peu [Eruri]

10/ Des enfants ?

- De quoi tu veux me parler ?

Je le fixe, un peu inquiet. Il a l'air vraiment sérieux, j'espère que ce n'est rien de grave.

- Tu sais, on va avoir trente et un an tout les deux, et je me demandais... Si il n'était pas temps d'adopter ? J'y ai beaucoup réfléchi, et je me sens prêt. Je veux une famille avec toi, dans cette nouvelle maison.

Mon visage se décompose, je ne sais même pas quoi répliquer. Il est obligé d'être aussi sérieux et aussi solennel pour parler de ça ? Moi aussi je veux fonder une famille avec lui... Je veux des enfants, j'aimerais bien une avoir fille. Je veux voir Erwin s'amuser avec elle dans le jardin, la rattraper lorsqu'elle tombe et lui poser un petit pansement avec des dessins moches pour gamin. Je veux tout ça, moi aussi. Mais c'est impossible, lui et moi n'aurons jamais de famille. Rien que notre mariage se brisera. Erwin sera un homme veuf, il devra trouver quelqu'un d'autre pour fonder une famille... Moi je ne peux pas lui offrir toute cette belle vie, juste des funérailles. Ça fait mal. Tellement de mal, je ne veux pas qu'on m'arrache à mon mari.

Mes yeux se sont remplis d'eau sans que je m'en rende compte tant mes pensées m'engouffraient.

- Livaï, ça va pas ? Qu'est-ce qu'il y a chéri ?

Il me caresse la joue, assez perturbé par ma réaction. Je suis tellement désolé, du plus profond de mon cœur.

- Je ne peux pas... On ne peut pas...

- Pourquoi ça ? Tu sais il y a l'adoption mais on peut aussi-

- Non, je ne parle pas de ça... Je sais qu'on peut. Mais on peut pas...

- Je ne saisis pas... Il y a quelque chose dont tu veux me parler ?

Oui... Je suis prêt. Je me tourne face à lui et prends ses deux mains dans les miennes, le regard baissé. Je ne peux pas le regarder dans les yeux, pas pour lui annoncer ça. C'est impossible.

- En faite-

Le téléphone sonne et m'interromps dans mon élan. Putain ! J'étais enfin prêt, j'allais passer le cap. Fais chier.

- J'y vais.

Je lâche les mains d'Erwin pour aller répondre, maudissant du plus profond de mon cœur ce putain de téléphone.

- Allô ?

- Oui, M.Smith ?

- Y a deux M.Smith. Vous voulez lequel ?

- Oh, oui c'est vrai. Je voudrais parler à Erwin. Vous êtes Livaï ?

- Oui. C'est qui ?

- Je suis son éditeur, j'aimerais lui parler.

Je met ma main sur le téléphone pour éviter que l'homme m'entende, légèrement énervé.

- Erwin, c'est ton éditeur. Il veut te causer.

À la base c'était moi qui avait quelque chose à lui dire...

- Ah oui ? J'arrive.

Il prend le téléphone et s'en va dans la cuisine pour parler alors que toute ma motivation est partie. L'éditeur pouvait pas avoir un timing plus merdique que ça. Qui l'a envoyé me faire chier sérieusement ? En plus il est tard, il peut pas voir ça demain ? Je soupire tout en prenant mon pyjama pour aller me changer les idées sous la douche.

Je sors de la salle de bain alors qu'Erwin est encore au téléphone. Ce foutu éditeur... D'abord il dit que son livre a de bonnes chances de marcher puis après il dit que c'est un échec et que y a pas de ventes. Tss... Je sais pas si je suis en colère ou simplement triste de ne pas avoir pu lui en parler. Je m'étais déjà imaginé ce poids en moins sur mes épaules après le lui avoir dit, mais maintenant tout va recommencer. Les cachoteries, les mensonges, lui briser le cœur... Je n'en peux plus, mais en même temps je ne veux pas le détruire plus que ça. Je me sens vraiment triste, alors j'arrive doucement derrière lui et entoure mes bras autour de son corps, même si il est au téléphone. Il ne me rejette pas, au contraire, une de ses mains se pose sur les miennes et un doux sourire prend place sur son visage.