13/ État inquiétant

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Trois mois me séparent maintenant depuis le rendez-vous avec le pneumologue, où Erwin était présent. Après ça j'ai dû y retourner le mois dernier pour un contrôle. La maladie grandit, et dans dix jours, on arrive déjà en novembre. Ça, je le ressens tres bien. J'ai des vertiges régulièrement, aux moindres faits et gestes "brusques" je tousse sans m'arrêter, je ne peux même plus passer l'aspirateur, c'est beaucoup trop fatiguant. J'ai l'impression d'être de plus en plus impotent, c'est Erwin qui s'occupe de tout à la maison. Le ménage, la cuisine, les courses, il m'emmène au travail pour éviter que je conduise, il s'occupe du linge, et parfois je suis incapable de prendre ma douche. Un soir, je me suis senti si faible et fatigué que j'ai eu beaucoup de mal à soulever le pommeau de douche pour me laver. J'avais si honte d'appeler Erwin pour qu'il me lave... Alors au final j'ai remis le pommeau à sa place et j'ai juste allumé l'eau pour qu'elle coule sur mon corps.

Heureusement qu'on est en maison et qu'il y a une chambre et une salle de bain en bas, comme ça je n'ai pas à monter les escaliers. C'est beaucoup trop épuisant. Le stress et la peur me prennent de plus en plus, le pneumologue m'a conseillé de me faire hospitaliser mi-octobre pour éviter d'y finir parce que mon corps aurait atteint sa limite, mais j'ai refusé. Plus tard j'irais, mieux je me porterais. Et puis tant que j'y suis pas, je me dis que je vais bien, le déni est encore bien présent...

Pour le moment, je dois me concentrer sur mon oncle, car Erwin et moi venons de partir de la maison pour aller le voir. Tous nos amis sont au courant, je les ai prévenus après l'avoir annoncé à Erwin. Et d'ailleurs, comme prévu, on a emménagé fin juillet, et j'adore cette maison. On y a prit nos marques, et je passe beaucoup de temps sous le saule pleureur à lire, parfois simplement boire une tasse de thé auprès d'Erwin, ou même seul. Il m'arrive d'avoir besoin de calme pour me ressourcer. On y a d'ailleurs gravé nos initiales au centre d'un cœur... C'était l'idée d'Erwin. Je trouvait ça niait et très cucu, mais ça ne m'empêche pas de ressentir une sensation étrange lorsque je vois cette gravure. Je me sens heureux et triste à la fois, je me dis qu'on y laisse une trace de nous, aux futurs propriétaires ou locataires.

On arrive devant le vieil immeuble, toujours aussi glauque, de mon oncle. Grande Perche a trop insisté pour que je parle à Kenny, et j'ai fini par craquer et accepter, mais je commence à me dire que j'aurais dû être plus fort que ça et continuer de lui tenir tête. Je ne sais pas comment lui annoncer la nouvelle, même si ce sera sûrement plus facile qu'avec mon mari. Je compte faire simple, lui dire la vérité, ce que j'ai sur le cœur, puis me barrer.

- Ça ira ?

Erwin est à deux doigts de frapper, le poing levé, à quelques centimètres de la porte.

- Bien sûr.

Je n'attends pas qu'il frappe, je le devance et martèle la porte le plus fortement possible, en y mettant toute ma colère dedans.

- Kenny c'est moi, ouvre !

Il me fait faire trop d'efforts, forcément mes poumons n'aiment pas et me le font savoir.

- Livaï calme toi...

Erwin pose doucement sa main dans mon dos pour me le caresser tandis que je tousse quelques instants. Je suis essoufflé, j'en ai marre d'être fatigué pour un rien. Cependant les mouvements circulaires d'Erwin dans mon dos m'aident à me calmer petit à petit, je parviens alors à reprendre une respiration à peu près normale. 

- Merci Erwin...

On entend alors grogner de derrière la porte ainsi que quelqu'un qui traîne des pieds. J'espère que c'est pas le foutoir dans sa maison, parce que ça va me gonfler très vite. Enfin, ce que j'espère surtout, c'est qu'il était pas en train de roupiller après s'être enfilé quatre canettes de bière.

Rester encore un peu [Eruri] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant