Chapitre 2

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Tout en roulant, je repense à cette matinée qui vient de défiler. C'est presque irréel. Antoine, merde, qu'est-ce-qui t'a pris ? J'ose espérer que les choses peuvent encore s'arranger. J'ai accepté de partir sans faire de scandale, enfin presque. Une petite insulte au passage, c'était vraiment anodin comparé à ce que j'aurais pu faire. J'aurais très bien pu saccager son appartement, déchirer les rideaux, balancer sa collection de CD par la fenêtre ou que sais-je encore ?

Une femme en colère peut faire des ravages.

Non, vraiment, j'estime avoir été parfaitement cool parce que quelque chose me dit qu'il a besoin de faire le point et c'est légitime. J'imagine que prendre cette décision n'a pas forcément été facile pour lui. Même si, en y repensant, il n'a vraiment pas eu l'air affecté le salaud.

Peut-être a-t-il besoin d'un peu de temps pour réfléchir à nous, à l'avenir. C'est vrai qu'en dix années, nous n'avons pas construit grand chose. Pas d'achat immobilier, pas d'enfant, même pas de chat ou de tortue. En dix ans, on n'a pas beaucoup évolué, pas vraiment grandi. Nous nous sommes comportés comme d'éternels adolescents. Il m'aura fallu trois heures pour m'en rendre compte alors que ça fait dix ans que ça dure. Il faut croire que ça me convenait parfaitement.

Antoine a-t-il eu une prise de conscience tardive ? Dans ce cas là, pourquoi ne m'en a t-il pas parlé ? Je ne comprends rien à ce qui nous arrive. Je l'aime et il semblait m'aimer lui aussi. Au bout de dix ans, c'est peut-être normal de ne plus être aussi « amoureux », je veux dire, plus autant qu'à nos débuts. On n'est plus vingt-quatre heures sur vingt-quatre scotchés l'un à l'autre, à se faire des papouilles et à faire l'amour tous les soirs comme des sauvages, mais c'est normal, non ? Si ça le dérangeait, alors pourquoi quand j'allais vers lui pour une séance de galipettes, il ne donnait pas suite à mes attentes ? Il a bien évoqué le fait que l'on ne se regardait plus, ne se touchait plus. Il est gonflé quand même ! Il n'a rien fait pour entretenir cette flamme, lui non plus. A croire que tout est de ma faute.

Mes doigts se crispent et s'agrippent très fort au volant. Si fort que mes articulations en deviennent blanches. Je respire à fond et tente de me concentrer sur la route.

J'arrive enfin devant l'immeuble où vit Mylane, ma plus vieille amie. Je trouve une place pas trop loin de son entrée et me gare. Je souffle un bon coup. Avec tout ça, je ne l'ai même pas prévenue que je débarquais chez elle avec mes cartons et mon chagrin d'amour.

Oui, parce qu'il ne faut pas se mentir, il est bien là le chagrin. Il n'a pas encore eu l'occasion de se manifester vraiment mais je le sens, tapi dans l'ombre, tenu à distance par la colère et l'incompréhension.

Je coupe le moteur, défais ma ceinture et sors de ma voiture. Lançant un coup d'œil rapide aux cartons, je décide de venir les récupérer plus tard. Je ne prends même pas le temps de refermer la capote de mon cabriolet. De toute façon, qui voudrait de mes vieilles loques ? On est dans un quartier plutôt calme, la voiture elle-même ne risque rien.

J'avance vers l'entrée tandis qu'une boule me noue la gorge. Je suis pressée d'entrer et de retrouver ma copine. Elle trouvera sûrement les mots réconfortants dont j'ai besoin. Je tape le code que je connais par cœur et pénètre dans le vieil immeuble. Il devait avoir une certaine allure dans le temps. Mais aujourd'hui les murs sont un peu décrépis, et l'ascenseur est en panne depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il vaut mieux s'engager directement dans les escaliers plutôt que de perdre son temps à l'attendre. Par chance, Mylane vit au premier étage alors que le bâtiment en compte six. J'ai un peu honte d'avouer que je prenais souvent l'ascenseur quand il fonctionnait encore. Je suis une piètre sportive et partisane du moindre effort. S'en ressentent les quelques kilos en trop qui se sont installés depuis quelques années. Est-ce que ce sont d'ailleurs ces petits bouts de gras qui auraient poussé Antoine à me quitter ? Il n'est pas aussi superficiel. Du moins, je l'espère. On peut tout imaginer car à part quelques banalités, il ne m'a fourni aucune explication plausible. J'aurais même préféré qu'il me dise clairement qu'il ne m'aime plus, au moins j'aurais été fixée. Ou qu'il a rencontré une autre gonzesse. Bon là, j'aurais peut-être pété un plomb, on ne peut jurer de rien.

Amour et... Pot de miel! (WATTYS2022)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant