La salle de cérémonie de la mairie est déjà bondée. Les agents communaux peinent à faire entrer tout ce petit monde et beaucoup sont contraints de rester debout. D'autres ont déjà fait le choix d'aller boire un verre au café d'en face, histoire de passer le temps, en attendant le moment le plus intéressant de la journée : la grosse fiesta.
Je soupçonne les parents des mariés d'avoir envoyé des invitations en leurs noms, aux quatre coins de la ville, du collègue de bureau Jean-Michel, en passant par le facteur du quartier Bernard, dit Bébér pour les habitués.
Une ambiance bon enfant règne dans les lieux. Les mariages sont toujours un moment de joie pour tout le monde. La consécration d'un amour peut-être tout récent, tandis que parfois il aura fallu plusieurs années aux protagonistes pour se lancer dans l'aventure. Dans tous les cas, c'est toujours un moment de communion entre tous. On retrouve de vieux amis, des membres de la famille que l'on ne voit qu'en de rares occasions. C'est à dire aux mariages et aux enterrements, en se promettant de se faire une petite bouffe rapidement. Promesse qu'on oublie une fois la soirée terminée, qu'on se le dise.
Après mon discret tour d'inspection, je retourne dans un petit bureau attenant où le reste des témoins et moi-même attendons le signal de départ.
Antoine s'approche de moi tranquillement, très élégant dans son costume champêtre. Jean a grandi à la campagne et n'a pas manqué d'affubler ses témoins d'un béret, un nœud papillon et une paire de bretelles assortie pour rappeler ses origines.
— Cette robe te va à ravir, tu es chaque fois plus jolie.
Nous n'avons pas beaucoup échangé la veille et je devine que tous les moyens sont bons pour tenter une approche. J'essaie de me détendre pour ne pas laisser paraître les doutes qui m'assaillent depuis quelques temps.
— Ça te va bien aussi cette tenue, très vieille France mais élégant, dis-je d'un ton exagérément badin, en redressant son nœud papillon pourtant très bien fait.
Ses yeux brillent soudainement d'une lueur coquine et je le vois s'approcher dangereusement de moi. Il me susurre à l'oreille d'une voix douce :
— Je donnerais cher pour te débarrasser de tout ce tissu. Tu me manques Lila. Quand est-ce qu'on se voit ?
Je tente de me reculer en riant gauchement mais me heurte à la porte derrière moi. Le choc sourd ameute le reste de la troupe qui se tourne vers nous comme un seul homme. Antoine s'écarte, conscient de me mettre mal à l'aise vis à vis du reste de l'équipe. Par chance, une main anonyme frappe contre le battant. Évitant le regard accusateur de Mylane, je m'empresse d'ouvrir la porte et laisse le passage au futur marié.
— Super, vous êtes tous là. On va pouvoir y aller.
Il semble surexcité et réellement heureux de vivre ce moment. Nous le suivons dans le couloir et nous mettons en rang derrière lui, deux par deux. Il a été convenu que je forme un binôme avec Antoine. Je m'accroche à son bras tandis qu'il pose affectueusement sa main sur la mienne. Je ne me sens pas très sereine et appréhende l'entrée dans la salle des mariages, avec tous ces invités tirés à quatre épingles qui auront les yeux rivés sur nous. Heureusement, Marylou nous suivra de peu, accaparant toute l'attention sur elle, comme à chaque fois qu'une mariée tout de blanc vêtu débarque.
Jean est le premier à entrer au bras de sa mère et à remonter la travée qui sépare deux rangs de chaises blanches parfaitement alignées les une à côté des autres. Ils marchent lentement sur l'air de « Perfect ». Quand ils arrivent devant le pupitre, Jean embrasse sa mère, déjà en larmes et se tourne vers l'assemblée. Il nous adresse un petit signe de tête pour nous signifier qu'à notre tour nous pouvons avancer vers lui et prendre place, les filles d'un côté, les garçons de l'autre.
Alors que nous passons le pas de la porte, je sens un regard peser sur moi. Je tourne la tête et aperçois Guillaume, adossé contre le mur du fond. Son attitude se veut cool et détendue mais son regard blessé me transperce le cœur. Ses yeux avisent la main d'Antoine posée sur la mienne et je vois ses mâchoires se crisper durement. Une veine palpite sur sa tempe. Je me force à détacher les yeux de Guillaume et regarde droit devant moi. J'ai envie de pleurer et de partir en courant alors je pense à Marylou, certainement prête dans le couloir, accrochée au bras de son père comme une petite fille apeurée. C'est un grand moment qu'elle attend depuis tellement longtemps. Je n'ai aucune idée de ce qui peut bien se passer dans sa tête à cet instant mais je peux imaginer le stress qu'elle doit cependant ressentir. Les préparatifs ne nous ont laissé que peu de répit et les délais si courts n'ont pas été évident à gérer. Ni pour les mariés, ni pour les témoins.
Alors que résonnent les premières notes de la marche nuptiale, un classique auquel Marylou n'a pas voulu déroger, tous les regards se tournent vers l'entrée de la salle.
Elle est là. Magnifique dans sa robe blanche. Telle une princesse, elle avance lentement, la tête droite mais les yeux larmoyants de bonheur. Avec mes copines, nous évitons de trop nous regarder au risque de voir nos maquillages se liquéfier. Nous étions là quand Mary a choisi sa robe. Nous étions là pour chaque essayage et nous l'avons aidée à l'enfiler ce matin même. Mais la voir remonter l'allée, la voir se diriger lentement vers l'homme qu'elle a choisi d'épouser n'est pas sans me rappeler mes propres rêves de petite fille. L'aura de bonheur qui émane de ma meilleure amie à cet instant est presque palpable. Je me demande quand viendra mon tour.
Le reste de la salle semble aussi ému que nous. Les parents pleurent des larmes de bonheur. Les amis affichent de grands sourires jusqu'aux oreilles. Certains sermonnent en chuchotant leur progéniture survoltée.
Un invité au fond de la salle a les yeux braqués sur moi. Lui aussi semble avoir les yeux plein de larmes. Mais ce n'est pas de bonheur.
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Amour et... Pot de miel! (WATTYS2022)
RomanceLila vient de se faire larguer après dix ans de vie commune. C'est un coup dur pour celle qui pensait finir ses jours auprès d'Antoine, son amour de lycée. Elle pourra compter sur le soutien de ses fidèles amies, et même sur leurs conseils un peu lo...