Amour et... Pot de miel! (WATTYS2022)

Chapitre 24

Nous sommes aujourd'hui à trois mois du mariage de mes amis, Marylou et Jean, et les préparatifs vont bon train. J'ai fini par les laisser tranquille. Ils ont bien essayé de me retenir mais je ne pouvais décemment pas continuer à squatter leur vie amoureuse en pleine essor. À croire qu'ils sont déjà en lune de miel alors que le mariage n'est même pas acté. De vraies bêtes sauvages que je n'en peux plus d'entendre presque chaque soir ! Marylou, la petite fille sage est en réalité une vraie tigresse, qui l'aurait cru ? Depuis je vivote entre les appartements de Mylane et Zoé. J'ai l'impression d'être en garde alternée entre deux mamans séparées. De supers mamans qui me dorlotent et me préparent de bons petits plats.

Guillaume a fini par revenir travailler et nos rapports s'en tiennent douloureusement à un professionnalisme presque grotesque. Il essaie de prendre un air détaché chaque fois qu'il doit m'adresser la parole mais je sens que ça lui en coûte pas mal. Je n'en mène pas large moi non plus, d'autant plus que je le surprends souvent en train de m'observer, de loin. Un jour, j'ai bien cru qu'il allait m'inviter à sortir mais il s'est dégonflé. Il fallait le voir venir vers moi, se balancer d'un pied sur l'autre, les mains enfoncées dans les poches comme chaque fois qu'il se sent mal à l'aise, ouvrir la bouche puis se raviser et faire demi-tour en murmurant un «non, oublie». J'ai presque eu envie de rire devant tant de maladresse mais je me suis retenue, pour ne pas le vexer. Il ne faudrait pas qu'il pense que je prends tout ça à la légère. J'ai quand même été touchée par sa vaine tentative.

Antoine, lui, est beaucoup plus explicite. Il a fini par apprendre, plus vite que je ne l'aurais souhaité, que Guillaume et moi nous sommes éloignés. Je jurerais qu'il s'en félicite rien qu'au ton de ses SMS enflammés. Il n'a pas pris de gants pour m'inviter à sortir et ce, une multitude de fois, mais j'ai toujours poliment refusé. Il a fini par comprendre et semble s'être calmé.

Dans cette réalité, mon ex a beaucoup changé et j'ai un peu de mal à le reconnaître. Il n'a jamais été si imbu de sa personne comme actuellement. Il n'était pas très sociable et cultivait un petit côté réservé. Il aurait pu être prétentieux. Après tout, sa vie était toute tracée. Il savait quelle carrière embrasser, quel chemin de vie suivre. Je n'ai eu qu'à mettre les pieds dans ses pas et me laisser guider. Je le vénérais presque. Après ses études de droits, il a intégré le cabinet d'avocats de son père et a très vite trouvé sa place tout en haut de l'échelle sociale. Au delà de ça, il se complaisait dans son cocon. Nous n'avons jamais pris notre envol de l'appartement que nous prêtaient ses parents. Nous n'avons jamais eu d'enfants. Nous avons fait quelques voyages mais nous n'avons rien fait de... fun. Malgré tout, c'est une bonne personne. Il ne m'a jamais maltraitée, n'a jamais été violent verbalement. Il s'est juste contenté d'être lui, concentré sur sa carrière florissante. Je l'ai encouragé, c'était aussi mon rôle mais qu'a-t-il fait pour moi ?

Je n'ai pas toujours été malheureuse avec lui, mais est-ce que j'avais la moindre idée de ce qu'est vraiment le bonheur ? Avec le recul, je ne peux pas affirmer que j'étais épanouie. L'époque du lycée et même le début des années fac, c'est sûrement ce que l'on a vécu de mieux dans notre vie de couple. Les soirées entre copains à l'appartement étaient ce qui ressemblait le plus à une vie sociale. Pour le reste, je me suis aussi contentée d'être moi, la petite-amie amoureuse et conciliante, prête à accepter une soirée à bûcher dur, plutôt que de s'offrir une soirée au cinéma. Puis en entrant dans la vie professionnelle chacun à notre tour, j'ai accepté de le regarder travailler d'arrache-pied pour gravir les échelons au cabinet, plutôt que de se détendre en allant au restaurant. Je l'aimais et son bonheur m'importait plus que tout le reste. Je me sentais chanceuse d'être avec un homme aussi sûr de ce qu'il désirait et qui mettait tout son être pour atteindre ses objectifs.

La contre-partie c'est qu'Antoine a fini par ne plus me voir. J'ai fait l'erreur de vivre à travers lui et je suis devenue un meuble. Un jour, il en eu marre et a eu envie de changer de mobilier

.

Je repense à cette fille que je l'ai vu embrasser peu de temps après mon arrivée dans cette réalité. Qu'est-elle devenue ? Est-ce qu'elle aussi il l'a jeté comme une vieille chaussette ? Ou est-ce qu'il oserait jouer sur deux tableaux ?

Cette rétrospective me pousse à remettre en doute les sentiments que je pensais encore avoir pour lui.

Néanmoins, il y a toujours cette petite boule qui s'installe régulièrement dans mon estomac. Tantôt, elle apparaît quand je croise le regard furtif de Guillaume au travail. Et aujourd'hui, elle est là parce que je sais que je vais bientôt revoir Antoine.

Marylou et Jean organisent un dîner des témoins ce soir-même. Antoine y sera forcément puisqu'il a l'infime honneur de faire partie de cette troupe.

Marylou s'est confondue en excuse pendant plusieurs jours après qu'ils m'aient annoncé, Jean et elle, que mon ex serait de la partie. Elle assure avoir essayé de le faire changer d'avis mais ce dernier est resté catégorique. Il veut que son ami soit son témoin, autant que Marylou a besoin de nous. Dans d'autres circonstances et si je n'avais pas perdu la mémoire, elle ne doute pas que la pilule serait passée, mais dans la mesure où j'ai oublié de qui je suis censée être amoureuse désormais, elle estime que la situation est quelque peu embarrassante. Je ne vais pas la contredire.

J'ai quand même tenu à la rassurer en jurant que tout se passerait bien et que je ferai abstraction de ce que je traverse actuellement, parce que seul son bonheur à elle compte à mes yeux. Je ne sais pas si elle m'a cru et je ne veux pas le savoir, je dois déjà essayer de me convaincre moi-même. Ce qui n'est pas une mince affaire, croyez-moi.

La soirée approche à grands pas et le stress monte doucement jusque dans ma gorge. J'essaie de me rassurer en me disant qu'il ne peut rien arriver de malheureux à ce dîner. J'imagine que personne n'aura la merveilleuse idée de m'installer à côté de lui à table. Mes amies ne sont pas idiotes à ce point, n'est-ce pas ?

Je termine de ranger mon bureau et m'apprête à quitter le cabinet lorsque Guillaume s'approche de moi, l'air décidé.

— Tu t'en vas ? demande-t-il, étonné.

Je jette un œil à l'horloge murale qui surplombe mon bureau, inutilement car je sais déjà l'heure qu'il est.

— Il est dix-sept heures. J'ai terminé ma journée.

— Oh, bien sûr. Je suis bête...

Le silence s'étend entre nous, encore et toujours, comme si nous avions perdu nos langues. Même Maurine ne fait aucun bruit. Je la soupçonne de nous espionner de façon peu discrète. Guillaume ne me lâche pas du regard, m'obligeant à baisser les yeux. Je me concentre pour ne pas rougir.

— Je me demandais si... reprend le docteur. Je me demandais si tu accepterais de sortir boire un verre ce soir. Avec moi. Enfin, pas que moi, il y aura quelques collègues en fait. Quatre ou cinq.

Il est mignon quand il redevient un adolescent empoté.

— Je suis désolée, je suis déjà prise ce soir.

Son regard change, s'assombrit. Je me sens alors obligée de préciser la nature de mes occupations, ce qui semble le rassurer.

— C'est vrai, le mariage est pour bientôt. Les préparatifs avancent bien ? Je n'ai pas beaucoup eu l'occasion de parler à Jean et Marylou ces derniers temps. Avec tout ce qu'il s'est passé.

Guillaume a certainement perdu de nouveaux amis dans cette histoire de dingue. Je me demande si Antoine et lui ont déjà fréquenté les mêmes soirées. Ça me semblerait étrange tout de même. Je prends note pour moi-même d'en discuter avec les filles.

— Tout se goupille plutôt bien. Je pense qu'un point sera fait ce soir justement.

— Très bien. Eh bien, passe une bonne soirée. Salue tout le monde de ma part. J'ai vraiment hâte de voir ce que vous allez nous concocter ce jour-là.

Mon air étonné ne lui échappe pas mais il se contente de m'adresser un clin d'œil complice et s'en retourne vers son bureau, me laissant dubitative.

J'ai donc la réponse à ma question silencieuse. Je ne l'ai jamais posée aux principaux intéressés et personne n'a jugé bon d'aborder le sujet. Je comprends alors pourquoi les mariés ont décidé de confier la tâche du plan de table à Mylane et Richard. Il ne fallait pas que j'ai accès à la liste des invités.

Au moins, je suis fixée. Mes deux ex vont se retrouver au même endroit. Au même moment. J'adore l'idée.