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Dans mes derniers souvenirs, je me suis endormi sur la banquette arrière de Chifuyu

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Dans mes derniers souvenirs, je me suis endormi sur la banquette arrière de Chifuyu. Je crois que je lui ai posé quelques questions. Pas des questions de genre 'Dis comment ça se fait que je sois vivant et comment ça, c'est ta faute ? Et aussi comment tu as fait pour me retrouver ? Et sinon Mikey a buté Kazutora ou ça va ?' mais plutôt du genre 'Tu as quel âge' ou 'On est où là' ?

Je crois avoir vomi plusieurs fois, je ne me souvenais pas avoir le mal des transports. Je ne me souviens pas non plus de la dernière fois que je suis monté dans une voiture, alors je n'en ai absolument aucune idée. Apparemment, je n'étais qu'à une cinquantaine de kilomètres de Tokyo et il a 28 ans. Et moi aussi. Je suis censé être mort. J'aurais dû mourir.

— Je reste derrière la porte, si tu as besoin, je viens.

— Merci.

Je sens l'eau couler sur mon corps et se noircir de crasse. Je suis assis dans cette eau presque croupie, étant incapable de me relever. Je laisse alors la couche de crasse se ramollir et se décoller de ma peau. Le bruit de l'eau est apaisant. La présence de Chifuyu derrière la porte aussi.

Vous avez déjà entendu l'histoire du gars qui était tellement sale que son corps avait été complètement perturbé par un décapage et qu'il en avait fait un choc toxique ? Si ça se trouve, cette douche me coûtera la vie. Je ne peux pas mourir pour un truc aussi débile, j'ai raté le moment opportun.

Derrière le mur fin de la salle de bain, Chifuyu doit être en train de fouiller mes papiers. Ma carte d'identité est périmée depuis 2009. Je suis un fantôme, comme si je n'existais plus. Je n'ai pas de compte en banque, je n'en ai jamais eu. Sur le papier, le monde m'a oublié. Pourquoi pas lui ?

J'essaye de me relever de toutes mes forces, mais mon corps refuse coopérer. Le savon est trop haut. Tant pis. Au moins j'ai de l'eau chaude, c'est un luxe. Le temps s'écoule et l'eau s'éclaircit laissant apparaitre les égratignures et ecchymoses recouvrant mon corps. Mes cheveux sont impossibles à laver. Je crois qu'ils m'arrivent au milieu du dos. Une colonie de larve a sûrement fait son nid dedans.

— Chifuyu...

J'aurais bien aimé sauver le peu de dignité qu'il me restait en sortant de la douche sans son aide, mais ça n'allait pas être possible. J'étais complètement vidé. Un ou deux jours de plus et c'était un cadavre qu'il aurait retrouvé dans ce bunker. Il entrouvrit la porte. Je plonge ma tête dans mes bras honteux. Il m'entoure d'une serviette avant de m'aider à m'installer sur une chaise en face d'un grand miroir.

Je ferme instinctivement les yeux, craignant de croiser mon propre regard. Il ne s'est pas une seule fois moqué de moi ou de mon comportement étrange. Il n'a pas posé de questions, après tout c'est moi qui en ai le plus.

— Demain, tu verras médecin. On refera tes papiers quand tu seras suffisamment en forme pour marcher normalement.

Je le laisse parler. On fera ce qu'il voudra. Peu importe, quoiqu'il advienne, je suis coincé. Il est le seul à pouvoir s'occuper de moi. Je crois que mes parents m'ont oublié. Ça les arrange. J'entends Chifuyu trafiquer quelque chose avec le miroir.

𝐔𝐍𝐃𝐄𝐀𝐃Où les histoires vivent. Découvrez maintenant