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J'ai l'impression de passer mes journées à dormir

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J'ai l'impression de passer mes journées à dormir. Il ne se passe rien pourtant le temps continue d'avancer inlassablement. Au moins je mange et je bois. Ma tête tourne moins, je peux marcher jusqu'aux chiottes en me tenant à peine. Je dois être ici depuis une semaine, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus.

Je devrais être heureux, me sentir revivre. Au lieu de ça, mon esprit semble vide. J'ai l'insupportable sensation de ne pas avoir vécu les treize dernières années, comme si l'on m'avait implanté des souvenirs de situations que je n'ai pas vraiment traversées. J'ai l'impression que l'Halloween Sanglant était hier. Il n'y a rien de plus réel à mes yeux que le moment où je suis mort.

Il doit y avoir un bug dans les voyages de Takemichou. C'est possible que ce soit moi qui suis resté coincé entre deux temporalités. À moitié dans cette vie, à moitié dans la mort. Parfois, quand je ferme les yeux, je vis cette scène à nouveau. La douleur me prend par surprise dans le dos, à l'endroit précis où Kazutora m'a frappé. Je ressens la lame froide traversant mon corps chaud.

Je vois Manjiro. Il frappe Kazutora de toutes ses forces, ses poings sont inarrêtables, il veut le buter du plus profond de son âme. Je sais ce qu'il me reste à faire. Je sens mon corps agir par automatisme, enfonçant la lame à travers mon ventre. Je suis pris d'une quinte de toux, Chifuyu bouge à côté de moi. J'ai l'impression que chacun de mes organes est lacéré.

— Baji, tu trembles.

J'entends sa voix, mais je suis coincé dans mon propre corps, je n'arrive pas à sortir de cette boucle infernale. C'est mon enfer. Je sens la vie me quitter sans mourir pour autant. Mon corps a enregistré chaque sensation. Chaque seconde de cette nuit est gravée dans mes cinq sens. Les cris, la douleur, l'odeur du sang, leur visage, le goût métallique. Tout est clair.

— Restes avec moi.

La voix de Chifuyu est teintée d'inquiétude. J'aimerais être avec lui, mais je ne suis pas là. Je ne peux pas lui répondre, je ne peux rien faire. Juste l'écouter, attendant que ce souvenir en redevienne un. Je sens ses bras m'entourer, m'empêcher de me bouger n'allait pas calmer mes tremblements. Si j'en étais capable, je l'aurais repoussé.

C'est bientôt fini.

Mourir n'est pas la sensation la plus agréable. Je ne pensais pas avoir à la ressentir plusieurs fois dans ma vie. J'aurais dû mourir une seule fois. Je ne sais pas si j'ai peur. Je ne sais plus rien. Je sais juste que je n'ai rien à faire là.

— J'ai été égoïste, s'excusa-t-il.

Mon corps se détend enfin, mais Chifuyu ne me relâcha pas pour autant. Je n'ai pas la force mentale ou physique de le repousser, alors, je le laisse, essayant de m'endormir à nouveau. Les images tournent en boucles sous mes paupières, j'ouvre les yeux pour les faire disparaître. Je vois que sa main cherche la mienne. Je le laisse faire à nouveau, rassuré par sa présence concrète. Je ne sais pas si ça me dérange tant que ça. Son contact parait suffisamment réel pour me rappeler que je suis vivant.

𝐔𝐍𝐃𝐄𝐀𝐃Où les histoires vivent. Découvrez maintenant