CHAPITRE 4 - EMILY

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Deborah Lurie - No Safer Place

Seize ans

Nantucket, Massachusetts

Emily

Les rayons de soleil s'infiltrent à travers les voilages de ma chambre, éclairant ma peau qui s'éveille sous leur douceur matinale. Les mouettes ont entamé leur sérénade habituelle, criant et tournant autour de la maison avant de s'envoler dans le ciel en quête d'aventures. Je m'étire de tout mon long en levant les bras au-dessus de ma tête, me demandant comment je vais placer un pied l'un devant l'autre, aujourd'hui.

Nicholas Sparks, l'auteur préféré de ma mère, m'a tenue éveillée jusqu'à trois heures du matin. Ce roman vous met le cœur à l'envers, comme si vous étiez projetés sur des montagnes russes. Je suis bouleversée par cette histoire. Ouvrir un livre est toujours une incroyable aventure. Nous ne savons jamais à l'avance si nous allons être emportés par un tourbillon d'émotions, mais quand cela se produit, c'est une sensation extraordinaire. La lecture est dotée de pouvoirs magiques. Elle nous offre le bonheur de voyager à l'autre bout du monde rien que par la pensée. Grâce à la féerie de l'imaginaire, nous pouvons nous évader loin de notre quotidien. C'est une réelle richesse pour l'âme.

L'horloge au-dessus de ma coiffeuse indique neuf heures du matin. Le manque de sommeil m'arrache un bâillement et une larme paresseuse. Si seulement je pouvais rester dans le cocon douillet de mon lit pour reprendre ma lecture. Je n'ai aucune envie de sortir de ma chambre ni de braver la mauvaise humeur de mon père. Je me rallonge confortablement et tire la couverture jusqu'à mon menton, profitant encore de quelques minutes de répit.

Le clocher de notre église ne tarde pas à retentir sur l'île, annonçant à sa communauté que la messe va bientôt débuter.

Quoi, déjà ?

— Nom d'un chien ! m'exclamé-je, en me redressant. Mon père va encore me passer un savon sur la ponctualité et l'importance des traditions !

Je soulève ma couette et quitte précipitamment mon lit, faisant tomber mon livre par terre. Je me penche pour le récupérer et le repose soigneusement sur ma table de nuit. À cet instant, je me fais violence pour ne pas reprendre la suite des aventures de Jamie et Landon.

Comment toute cette histoire va-t-elle se terminer ?

J'ai le pressentiment que ma boîte de mouchoirs va y passer. Et moi, sensible comme je suis, je me plonge à corps perdu dans cette romance au sujet tellement difficile. Si je termine en larmes avec une tablette de chocolat sous le bec et un kilo de plus sur les hanches, je ne pourrai m'en prendre qu'à moi-même !

Une fois prête, je me penche par-dessus la rambarde d'escalier. J'appréhende la réaction de mon père, tout est sujet de discorde entre nous. Vu les cernes que j'arbore, mon état de fatigue ne va pas lui échapper. Quoi qu'il en soit, il trouvera quelque chose pour me pourrir la journée, il excelle en la matière. J'en ai plus qu'assez de supporter sa mauvaise humeur.

— Papa ? l'appelé-je, tout en descendant l'escalier. Tu es là ?

— Je suis dans la cuisine avec Nana ! lâche-t-il d'un ton sec. (Je blêmis en m'arrêtant sur la dernière marche.) J'espère que tu es prête ! Tu sais combien je déteste arriver en retard à l'église.

— Montre-toi plus agréable envers ta fille, Paul, le reprend ma tante. Nous en avons maintes fois discuté. Tu dois te montrer plus chaleureux envers cette petite.

L'écouter prendre ma défense m'apporte la force suffisante pour me montrer. Mon père pose sa tasse de café sur le plan de travail, une main sur la hanche. Les sourcils froncés, il me toise de pied en cap. Son expression sibérienne me fige sur place, semblable aux vagues gelées qui affluent sur nos plages durant l'hiver, prenant des airs de lacs glacés. Je me sens épiée, diminuée et plantée au sol tel un clou que l'on viendrait d'enfoncer sur une planche en bois. Avec lui, j'ai toujours l'impression d'avoir commis une erreur. D'avoir oublié de refermer correctement le robinet ou d'avoir un énorme bouton au milieu de la figure. Un bouton qui lui filerait la nausée.

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