CHAPITRE 11 -EMILY

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Emily

Après être rentrée chez moi pour déjeuner, je décide de me rendre à l'étang de Maxey Pond pour une partie de pêche. J'ai grandement besoin de m'isoler quelques heures afin de faire le point. Nick m'a désorientée avec sa réaction plus qu'excessive. Sur le chemin, j'en profiterai pour m'arrêter quelques minutes chez Nana qui est très bonne conseillère. Je sais que ma tante m'aidera à me remettre les idées au clair. Par chance, je retrouve mon panier et ma canne à pêche au fond du garage, délaissés derrière un amas de cartons poussiéreux. J'enfile un débardeur puis un short et enfonce mon chapeau de paille sur le crâne. Me voilà parée pour un après-midi au grand air, entourée par les oiseaux et les animaux.

Pendant que j'emprunte le petit sentier qui relie ma maison à celle de ma tante, mes pensées se bousculent. Qu'est-ce qui a pu déclencher un tel accès de colère chez Nick ? Si physiquement je le trouve changé, son côté psychologique me préoccupe. J'ai du mal à reconnaître en lui le jeune homme que j'ai aimé par le passé. Ce jeune homme serein qui savait temporiser ses émotions... et surtout les miennes.

Tandis que j'arrive chez Nana, je la trouve confortablement installée sur sa chaise à bascule en train de tricoter quelque chose de rose. Dès qu'elle m'aperçoit, son visage s'illumine. J'abandonne au pied des marches mon panier et ma canne à pêche avant de la rejoindre sur le perron. Je l'embrasse avec tendresse sur le front et m'appuie sur les balustres en bois, ceinturant la terrasse.

Le cottage est identique à celui de mes souvenirs : pittoresque, accueillant et chaleureux. Le banc suspendu dans le perron avec sa table basse en bois blanc me rappelle les nombreuses heures que j'ai passées à gribouiller sur mes livres de coloriages. Des jardinières blanches emplies de toutes sortes de fleurs colorées ornent le verger qui regorge d'arbres fruitiers. Des nains de jardin dans différentes postures parsèment la pelouse. Ces décorations folkloriques ne désemplissent pas au fil du temps, ils sont encore plus nombreux qu'autrefois. C'est kitch, mais ils égayent la propriété avec leurs barbes blanches et leurs petits chapeaux pointus. Une balançoire, fixée au vieux chêne, oscille au gré du vent printanier. J'avais oublié combien cet endroit était aussi ressourçant et relaxant. La vue insaisissable sur l'océan est thérapeutique. L'eau scintille comme un miroir sous le ciel bleu parsemé de quelques nuages cotonneux, nous faisant voyager avec le reste du monde.

— Qu'est-ce que tu tricotes ? demandé-je avec curiosité.

— Un pull bien chaud, me répond-elle. Il fait un froid de canard l'hiver. Je ne veux pas que tu attrapes froid.

Je hausse un sourcil amusé.

— Un pull rose... bébé ? Pour moi ?

— Oui, je viens de te le dire. Serais-tu devenue sourde ?

Elle coule un sourire malicieux dans ma direction puis se remet à l'ouvrage. Je croise les bras en la regardant faire. Je dois avouer qu'elle est douée. L'année dernière, elle nous a offerts, à Pablo et moi, des cardigans merveilleusement doux et chauds. Mon meilleur ami en avait été très touché. Ayant perdu ses parents il y a plusieurs années, nous sommes pour ainsi dire sa seule famille, aujourd'hui.

— Tu sais que je ne suis plus une enfant ? la taquiné-je. D'autant plus que je ne porte plus du rose.

— C'est faux, me contredit-elle, en relevant un instant les yeux vers moi. Tu en portais à ce spectacle de fin d'année où tu jouais dans Casse-Noisette.

Je me mets à rire en secouant la tête.

— Nana, je n'avais que sept ans !

Elle me pointe avec son aiguille d'une mine faussement contrariée.

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