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Yamaguchi revint quelques jours plus tard.

Il n'habitait pas la ville, n'avait pas tout à fait choisi la même voie que Kei, mais profita des vacances pour rester avec son meilleur ami (Tsukishima n'aimait pas vraiment l'appeler comme ça, parce qu'ils n'avaient plus six ans, mais c'était et cela avait toujours été plus ou moins le cas). Avec Tadashi, pas besoin de vraiment réfléchir à ce qui sortait de sa bouche. Ce dernier l'avait vu s'attendrir plus d'une fois face à certaines situations, et son air détaché ne le trompait plus vraiment.

— Je dois aller faire des courses en ville, lui dit-il en arrivant.

Ses sacs encombraient l'entrée : il ne lui avait pas dit combien de temps il comptait rester, et Kei ne lui avait pas demandé. En général le message était clair. Reste autant que tu veux.

— Ah ?

— Il fait chaud, mais je dois récupérer quelque chose pour ma mère dans une boutique du centre-ville....

— Hmmm.

— Je compte prendre le bus.

Il attendit quelques secondes, lui lançant un petit regard. Kei finit par soupirer exagérément.

— Je dois y aller aussi, de toute manière.

— Oh c'est vrai ? Comme ça tombe bien.

Le grand sourire sur les lèvres de son ami lui donnait parfois envie de le balancer par la fenêtre. Dire « je t'accompagne parce que je suis un gars sympa » est bien plus difficile à dire que « ouais je vais au même endroit ». Kei leva les yeux au ciel.

— Arrête de faire cette tête ou tu dors sur le paillasson.

Il commença tout de même à mettre ses chaussures.

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Au bout de quatre jours, Yamaguchi était encore là.

Ils regardaient des films, avaient même été au cinéma, et faisaient les nombreuses choses qu'ils n'avaient pas forcément eu le temps de faire pendant l'année. Se parler, par exemple : réellement, avec des informations sur leurs nouvelles rencontres (à la fac, ou au lycée où se trouvait la prépa) et quelques photos.

Il ne lui fallut que deux jours et demi pour tomber sur Kuroo dans l'ascenseur. Enfermés ensemble pour quelques longues secondes, Yamaguchi ne fit même pas l'effort de détourner le regard : il le fixa jusqu'à l'étage afin d'être bien sûr que c'était bien le Kuroo Tetsurou du lycée.

En le voyant déglutir avec gêne puis s'enfuir dès l'ouverture des portes en direction de l'appartement voisin à celui de Kei, Tadashi ne put s'empêcher de hausser les sourcils.

— Oh, souffla-t-il.

De toute évidence, son meilleur ami ne lui avait pas exactement tout raconté.

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Tadashi tenta une approche, quelque chose comme « ça va dans ton immeuble ? » ou encore « vous faites des trucs entre voisins, dans une résidence comme ça ? ». Kei n'eut pas l'air de vouloir réellement en parler, et se contenta de lui répondre que non, ils ne faisaient pas grand-chose et qu'avec son boulot pour la prépa, il n'avait pas vraiment eu le temps d'aller faire du porte-à-porte.

— Le gars d'en face m'a déjà demandé du sel, une fois.

Yamaguchi ne commenta pas : aucune chance pour que Kei ignore l'identité de la personne dans l'appartement d'à côté. Il ne dit rien, alors Tadashi n'insista pas. S'il n'avait pas envie d'en parler, c'était son choix, et lui n'avait réellement aucune envie de revoir l'air étrange (triste ? En colère ? Dépité ?) de son ami, celui qu'il avait eu en arrivant chez lui un soir.

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Un soir, Yamaguchi vit un papier atterrir sur le balcon.

Il le vit du coin de l'œil, et se retint de toutes ses forces de ne pas simplement relever la tête pour montrer son étonnement : tourner la tête, se lever, aller le chercher, et le lire. Le papier venait de l'appartement d'à côté, aucun doute là-dessus. Il se mordit la lèvre, lança un coup d'œil discret à Kei qui l'avait immédiatement vu, ce papier.

Il se leva avec une expression neutre, et marcha jusqu'à la salle de bain pour aller aux toilettes. Une fois la porte refermée dans son dos, il écouta sans un mot, l'oreille tendue. Sans grande surprise, il entendit rapidement la porte-fenêtre s'ouvrir : Kei sortit sur le balcon, et ramassa certainement le morceau de papier.

Ce à quoi Tadashi ne s'attendait pas, en revanche, c'était le petit « pffff » amusé que son meilleur ami laissa échapper en lisant ce qui de toute évidence était inscrit.

Kei rit, discrètement et en silence, mais Yamaguchi l'entendit depuis la salle de bain entre-ouverte. Les sourcils haussés, la mâchoire décrochée, il resta figé un instant, jusqu'à ce que son temps aux toilettes paraisse normal et qu'il puisse sortir sans surprendre Kei sur le balcon.

Il le trouva à l'exact endroit où il l'avait laissé, comme si rien ne s'était passé.

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Ce fut lors de son dernier jour, alors que Kei était parti prendre sa douche (et cela durait longtemps, en général : une fois entré dans la salle de bain, Kei n'en ressortait qu'une heure plus tard, minimum) que quelqu'un toqua à la porte.

Un petit coup léger, pas excessif ou pressé : Yamaguchi releva la tête de sa console, qu'il avait apportée avec lui, et fronça les sourcils.

Il attendit quelques secondes, pas très certain d'avoir bien entendu, mais le bruit revint rapidement alors il décida de se lever : en passant devant la salle de bain, il put s'assurer que la douche coulait encore.

La porte de Kei possédait un judas, pourtant Tadashi rassembla ses derniers élans de motivation pour abaisser la clenche sans même regarder ou vérifier. Ce qui lui valut de tomber nez à nez avec Kuroo Tetsurou.

— Oh, souffla l'ancien capitaine de Nekoma.

Ils se fixèrent un instant, et Yamaguchi serra les lèvres. C'était une chose de soupçonner que quelque chose était en train de se tramer. C'en était une autre de voir Kuroo sur le palier, avec un gâteau dans les mains et une très visible surprise de trouver quelqu'un d'autre que Kei ici.

Il eut envie de dire quelque chose, de soudain se transformer en ami protecteur et de dire des gros mots et des insultes, de le menacer un peu, peut-être, car ce garçon (cet homme, maintenant, ils ne sont plus vraiment des ados) a enlevé à Kei le peu de confiance en lui qu'il avait. Agir de manière détachée, agir comme si on se considérait comme le meilleur, alors qu'on a l'impression d'être le pire. Spécialité Tsukishima Kei, que Yamaguchi a réussi à dénicher, sous toutes ces couches de sarcasme, de calme, d'irritation. Un garçon solitaire, qui n'a pas vraiment envie qu'on s'approche trop prêt car s'il ne supporte pas les autres, il se supporte lui-même encore moins.

Yamaguchi eut envie de lui dire, à ce type trop sûr de lui, que Kei était humain et qu'il fallait faire un minimum attention.

Mais ça serait outrepasser ses droits. Ce n'est pas son genre. Kei est quand même un grand garçon, et Kuroo se serait pris un poing dans la tronche depuis longtemps s'il s'était montré incorrect.

À la place, il inspira profondément et se contenta de le fusiller du regard. Pendant de longues secondes, jusqu'à ce que Kuroo déglutisse bruyamment, légèrement intimidé. Ses doigts se crispèrent autour du moule du gâteau, et enfin, Tadashi referma la porte.

Très lentement.

Jusqu'à ce qu'elle se claque presque sur son nez, et que Tadashi sourît d'un air satisfait.

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Des bisous !

Neighbors || KurooTsukiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant