18.

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La première chose que vit Kei en se réveillant après la soirée film fut son plafond. Sa bouche s'ouvrit aussitôt pour laisser ses lèvres former un :

— Merde.

Il fixa la peinture encore quelques instants avant de se redresser, les yeux légèrement écarquillés. Kuroo avait disparu, la TV était éteinte, et son dernier souvenir l'incluait lui, bavant presque sur l'épaule de son voisin qui l'avait gentiment soulevé du sol à cinq heures du matin pour le poser sur son lit.

Une couverture le recouvrait, ce qui voulait dire que Kuroo avait fait ça aussi avant de partir.

Il fixa le vide un instant, pas vraiment certain de ce qu'il devait faire de l'information : c'était un peu beaucoup, tout d'un coup. Bien sûr qu'il ne le détestait pas (s'il l'avait fait un jour, à ce stade il n'en était même plus certain). Il appréciait sa compagnie. Les soirées balcons et les soirées films et gâteaux étaient sympas.

Agréables. Elles lui retournaient un peu le ventre, de la meilleure des façons. Ce qui n'annonçait rien de bon pour lui, et tout à coup il s'en rendit compte : c'était trop tard. Trop tard pour faire comme si de rien n'était, pour espérer que chacun de ses sentiments ne s'étale pas sur son visage au moment même où il croiserait Kuroo. Tsukishima se sentait piégé, et perdu, car pendant un moment il avait sérieusement pensé que ce genre de choses se contrôlaient.

Au lycée, il avait laissé ça arriver. Il s'était senti à l'aise, il s'était senti en confiance, et il avait laissé ça arriver. À présent, il eut l'impression qu'aucun contrôle n'était plus possible.

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Il essaya d'éviter Kuroo.

Cela semblait être la réponse la plus logique : il l'avait déjà fait. Il pouvait très bien le refaire. Kuroo aurait dû comprendre le message. Kei évitait le balcon, marchait plus vite dans les couloirs, ne prenait plus l'ascenseur, et sortait de toute manière rarement de chez lui.

Des mots pleuvaient sur son balcon. Des petits papiers qu'ils avaient tellement envie d'ouvrir, mais qu'il laissait s'envoler sans rien faire. La forte pluie les emporta un soir. Kei les observa disparaître.

Kuroo vint toquer à sa porte trois fois en deux jours. Il envoya encore plus de papiers. Il laissa un gâteau sur son paillasson, comme si c'était la réponse à tout. (Il ne devait rien y comprendre, Kei voulait bien admettre que même lui était perdu : un jour il le laissait s'approcher, et le lendemain il faisait le mort).

Mais c'était effrayant. L'idée que ses sentiments puissent à nouveau être ridicules, inutiles, non réciproques : ce qu'il voyait ou entendait ne comptait pas, ne pouvait pas compter. Il s'était fait confiance une première fois, avec le même garçon, et même si depuis ils avaient pris quelques années, ça ne voulait rien dire.

Aucun mot n'avait été dit. Sa fierté ne pouvait se permettre de se prendre un nouvel amour à sens unique en pleine figure.

Kuroo s'invita quand même. En revenant des courses, un après-midi, la porte qu'il avait commencé à fermer s'ouvrit à la volée et Kuroo Tetsurou trouva le chemin jusqu'à son salon pour lancer un nouveau film. Il le défia, en articulant avec un sourcil haussé :

— Un problème ?

Et Kei aurait facilement pu répondre. N'importe quoi, à commencer par « vous vous croyez chez vous ? » mais sa bouche était restée close. Il avait rangé ses courses, puis s'était approché du lit en gardant ses distances, avant de s'asseoir par terre contre l'encadrement.

Kuroo avait levé les yeux au ciel, presque amusé.

Puis il avait lancé une comédie romantique entre voisins. Le message n'était pas encore assez clair : aucun mot, aucune valeur.

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Tsukishima envoya un message. Il hésita, très franchement, mais se rappela finalement des mots écrits de Kuroo : Vous l'avez vu ? Ouais, on peut dire ça. Je crois qu'il m'aime pas beaucoup.

Il tapa, effaça, tapa encore.

Kei [01H32] : t'as rencontré Kuroo ?

Tadashi [01H40] : c'est lui qui te l'a dit ?

Kei [01H42] : plus ou moins

Kei [01H42] : pourquoi tu m'as rien dit ?

Tadashi [01H44] : pourquoi toi tu m'as rien dit ?

Kei [01H44] : je pensais maîtriser

Kei [01H44] : j'avais tort, je crois

Tadashi [01H46] : il s'est passé quelque chose ?

Kei [01H47] : pas vraiment

Kei [01H47] : je m'en suis juste rendu compte

Kei [01H47] : je fais quoi si tout recommence exactement comme avant ?

Tadashi [ 01H50] : tu sais quoi ? Y'a un truc que vous avez pas fait la première fois

Kei [01H51] : quoi ?

Tadashi [01H56] : parler

Tadashi [01H56] : une bonne discussion, ça vous ferait pas de mal

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Des bisous !

Neighbors || KurooTsukiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant