| THE DRIVERS & THE DRIVING INSTRUCTOR |

06.

Le lendemain matin, le pilote et la monitrice sont réveillés par des voix qui résonnent dans la chambre. Emmy est la première à ouvrir les yeux et crie à la vue de Pierre et Max, penchés sur elle, à quelques centimètres de son visage.

— MAIS ÇA NE VA PAS LA TÊTE !!
— Emmy rendors toi... marmonne Daniel en resserrant son bras autour du corps de la jeune femme, toujours endormi sur le ventre.
— Daniel, Max et Pierre sont là, tu devrais te réveiller, répond la brune.

En entendant le nom des deux pilotes, l'Australien se redresse aussitôt en se retournant. Seulement, en faisant cette action, sa main vient butter contre le nez de la brune qui met immédiatement ses mains autour de ses narines.

— Pardon, pardon, pardon, pardon, se confond en excuse Daniel en se précipitant vers la jeune femme.
— Emmy, ça va ?, demande Pierre en lui tendant un mouchoir.
— Tu parles d'un réveil agréable, grogne la brune en prenant le bout de papier pour le passer sous son nez.
— Je suis vraiment désolé Emmy, je voulais pas.
— Encore heureux ! Du coup je vais me préparer.
— Désolé.
— Il faut vraiment que tu arrêtes de t'excuser pour rien, sourit la brune en s'enfermant dans la salle de bain.

Une fois la porte claquée, les deux pilotes se précipitent pour s'asseoir sur le lit et interroger l'Australien.

— Alors qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'on te retrouve dans le lit d'Emmy ?, lance le Néerlandais.
— Doucement les gars, elle a fait un cauchemar cette nuit et je suis juste venue la réconforter.
— Mais comment ça se fait qu'on ait rien entendu ?, demande le Français.
— Je vous rappelle que vous avez un sommeil de plomb et que c'est limite s'il ne faudrait pas utiliser une bombe pour vous réveiller !
— Ouais c'est pas faux, grimace Pierre.
— Mais comment tu as pu rentrer dans sa chambre ?, demande Max en plissant les yeux.
— Elle n'avait pas claqué la porte hier soir. C'est aussi simple que ça.
— Elle t'a raconté son rêve ?, questionne Pierre, curieux.
— Oui, c'est par rapport à l'incident d'Hartley pendant les FP2, elle s'est vue à sa place, sans que personne ne puisse l'aider. Elle s'est vu mourir...
— Oh non la pauvre, souffle le Néerlandais.
— Et du coup, pour pas qu'elle refasse de cauchemar, je suis resté là pour la rassurer. Bon c'est pas que je n'aime pas notre petite discussion, mais moi aussi je vais aller me préparer, dit Daniel en sortant du lit.

Max et Pierre restent sur le lit alors que l'Australien est déjà dans sa chambre. La porte de la salle de bain s'ouvre, laissant apparaître Emmy vêtu d'un jean noir ainsi que du polo de l'écurie Sauber.

— Hop hop hop hop, c'est quoi ce polo ?, demande Max en levant un sourcil.
— J'ai promis à Charles que j'allais suivre les FP3 dans son box, avoue la brune en baissant la tête.
— Oh d'accord, dit Max, légèrement déçu.
— Mais ne vous inquiétez pas, je vous soutiens toujours, je regarderai les qualifs avec vous...
— Emmy, Emmy... Hey ! Calme toi !, intervient le Néerlandais. Ce n'est pas grave. Tu fais ce que tu veux, on n'a pas l'exclusivité sur toi.
— Et tu devrais penser à respirer pendant tes monologues, rigole Pierre. Aller on va déjeuner.

Les deux pilotes se lèvent du lit pour prendre la direction de la porte suivi de la brune qui leur emboîte le pas après avoir récupérer la carte de sa chambre ainsi que son téléphone qu'elle glisse dans la poche arrière gauche de son jean. Elle sort de sa chambre en même temps que Daniel, qui vient la prendre dans ses bras.

— Merci encore pour cette nuit, rougit la brune.
— C'est normal. Et désolé encore pour ton nez.
— T'inquiète.
— Je vois que tu ne seras pas dans notre box pour les FP3.
— Oui, désolée j'ai promis à Charles que j'allais les regarder dans son box.
— Mais y a pas de soucis, tant que tu viens nous encourager avant le départ.
— Évidemment.

Les trois pilotes et la jeune femme se dirigent vers la salle de restauration où ils retrouvent les autres. Le Monégasque sourit immédiatement en voyant le polo porté par la brune, qui prend place à ses côtés après s'être servi son premier repas de la journée.

— Tu vas bien ?, demande Charles en embrassant la joue de la monitrice.
— J'aurais préféré un autre réveil mais bon.
— Hein ? Comment ça ?

La jeune femme lui fait part de toutes les péripéties qui lui sont arrivées depuis qu'ils ont échangé des messages la veille au soir. Le brun ne la quitte pas du regard tout en dégustant son petit déjeuner. Il fronce les sourcils quand elle lui raconte son cauchemar et ses yeux se posent sur son nez lorsqu'elle explique que le numéro 3 lui a mis involontairement un coup. Le petit déjeuner se termine quelques minutes plus tard et tout le monde regagne sa chambre. Emmy récupère son éternel sac après s'être brossé les dents, puis redescend pour rejoindre le numéro 16 qui l'attend dans un des fauteuils de l'accueil.

— Prête ?
— Toujours !

Le pilote et la monitrice prennent la direction du circuit pour la première fois de la journée. Après avoir badgé à l'entrée, ils se rendent au stand de l'écurie « Sauber Ferrari ». Charles disparaît quelques instants pour revenir par la suite avec un morceau de tissu entre les mains.

— Tiens, vu ce qui arrive, ça ne peut te faire que du bien.
— Merci Perceval.
— Mais de rien Gertrude.

Le jeune femme rigole et déplie la veste qu'elle ne tarde pas à enfiler. Charles lui indique qu'il part se changer et qu'elle peut se balader dans la pit-lane. Emmy, son sac sur le dos, reproduit le même chemin que la veille. Alors qu'elle arrive devant le stand RedBull, elle se fait percuter de plein fouet par un des deux pilotes.

— Oh Emmy ! Je suis vraiment désolé !
— Tu sais tu peux me le dire si tu as décidé de me faire mourir aujourd'hui, rigole la brune.
— Vraiment je suis désolé.
— C'est pas grave Daniel. Je suis venue vous encourager.

L'Australien sourit en entendant la dernière phrase de la jeune femme et la tire avec lui dans son box. En voyant la brune, Max sourit également à travers son casque. Elle s'approche de lui en premier pour faire ce qui est désormais son rituel avant chaque départ. Elle fait de même pour Daniel et rebrousse chemin pour retrouver le Monégasque près de sa monoplace.

— Désolée, je suis partie encourager Max et Daniel.
— Je m'en doutais ne t'inquiète pas. Tu m'encourages aussi ?, demande Charles en mettant son casque.

Emmy sourit, puis répète les mêmes gestes. Le départ de la FP3 est donné et quinze pilotes sont en piste. Au bout de seulement dix minutes, une averse s'abat sur le circuit Paul Ricard et inonde la piste. Tout le monde est rappelé aux stands. Charles ressort de sa monoplace, puis regarde dehors avant de poser ses yeux sur la jeune femme qui sourit.

— P3.
— Hein ?
— Tu as fait le 3ème temps Charles ! 1.35.012. Tu finis derrière Bottas en P1 et Sainz en P2.
— YEEEEESSSS !, s'exclame le pilote en prenant la jeune femme dans les bras. Ça c'est parce que tu m'as porté chance !
— Non, c'est grâce à ton talent.
— Arrête de dire des bêtises !
— Charles, n'oublie pas ce que je t'ai déjà dit !
— Oui. Bon, je pense que c'est mort pour reprendre les FP, déclare Charles en posant son casque sur le plan de travail du garage. Je me change et on va boire un truc chaud à la cafétéria ? Je pense qu'il doit y avoir d'autres pilotes, vu que les qualifs ne sont que dans 2h30.
— Avec plaisir.

Le jeune pilote disparaît puis revient moins de 5 minutes plus tard, habillé comme un peu plus tôt dans la journée. Il revêt la même veste que la monitrice et saisit un parapluie. Il fait un signe de tête à la jeune femme qui le rejoint rapidement. Il ouvre l'ombrelle Sauber et abrite leurs deux corps en dessous pour traverser le paddock pour arriver à la cafétéria.

— Brrr, que j'aime pas ce temps, râle le brun en fermant le parapluie et s'essuyant les pieds sur le paillasson à l'entrée.
— Mais tu râles tout le temps toi ! , rigole la brune en ouvrant sa veste.
— Je ne te permets pas !
— T'inquiète je me permets toute seule. Tu veux boire quoi ?
— La même chose que toi, dit-il en s'affalant sur une chaise à une des tables.
— Deux chocolats chauds, s'il vous plaît, demande poliment Emmy à l'employé présent derrière le comptoir. Merci beaucoup, dit-elle en les récupérant. Et voilà !
— Merci Miss.

Le pilote et la monitrice commencent à siroter leur boisson chaude tout en discutant, comme ils savent si bien le faire.

— Ah Ben elle est là ! Je t'avais dit que si elle n'était pas chez nous ou ToroRosso, soit elle était chez Sauber, soit à la cafétéria !! Mais tu ne m'écoutes jamais !

Emmy et Charles rigolent en voyant les deux pilotes RedBull débarquer comme des fous dans la pièce. Ces derniers s'installent à la table du numéro 16 et de la monitrice, tout en prenant également une boisson chaude.

— On te cherchait vraiment partout !, avoue Daniel en prenant une gorgée de son verre.
— Ah Ben bravo ! Ça se voit que vous m'écoutez quand je parle !, rigole la brune. Mais les gars, je vous l'ai dit que j'allais suivre les FP3 de chez Charles !
— Désolé, on a pas dû faire attention.
— Ne vous inquiétez pas, je comprends tout à fait. Il faut que vous vous concentriez sur les qualifs de tout à l'heure !

Les trois pilotes et la monitrice continuent de rigoler et de discuter tous ensemble. Leur conversation est subitement interrompue par l'arrivée en trombe du pilote Néo-zélandais ToroRosso dans la pièce.

— Les gars, il faut aller se préparer, on ne va pas tarder à débuter les qualifs. Oh et Emmy ?
— Oui ?
— Pierre te demande.
— D'accord. Attends-moi, je te suis.

La jeune femme se lève après avoir remercié les garçons pour ce petit moment. Elle met son sac sur son épaule gauche et emboîte le pas au numéro 28. Ils traversent d'un seul et même pas le paddock avant de rejoindre les garages de l'écurie ToroRosso.

— Il est dans sa Driver's room, c'est par là, sourit le blond en montrant la direction de son index.

Emmy acquiesce d'un hochement de tête et disparait dans le garage du numéro 10 en suivant les instructions précédemment données par son coéquipier. Elle traverse le box tête baissée tout essuyant les regards mauvais et les commentaires de certains membres de l'écurie qui la dévisagent de la tête au pied. Au détour d'un couloir, elle parvient à mettre la main sur la fameuse Driver's Room dont la porte est grande ouverte, laissant ainsi apparaître le numéro 10, casquette à l'envers, en pleine concentration. Emmy sourit en le voyant, et prend appui avec son épaule contre l'encadrement de la porte.

— Alors comme ça, un des meilleurs pilotes du monde demande une simple monitrice d'auto-école ?

A l'entente de la voix de la jeune femme, Pierre sursaute et manque de tomber de sa chaise. Emmy se retient de rigoler tant bien que mal en voyant la maladresse du Français, qui sourit en déposant ses prunelles azur sur la silhouette de cette dernière. Il esquisse une grimace en voyant la tenue de la brune, ce qui n'échappe pas à cette dernière.

— Ça ne va pas ?, demande Emmy en voyant la tête du pilote.
— Si, si, t'inquiète. Je présume que tu as suivi les FP3 du box de Leclerc.
— Oui, je le lui avais promis hier soir.
— Oh d'accord.
— Tu voulais me voir ?
— Oui, je me disais que tu pouvais me faire faire l'exercice avec les balles, sourit maladroitement Pierre.
— Oh... euh oui, bien sûr !, bégaye la jeune femme en se redressant.
— Et ça te dit de suivre les qualifications de mon box ?
— Pourquoi pas. Après tout, j'ai suivi les FP1 et 2 avec RedBull, les 3 avec Sauber... mais je n'étais pas encore venu te voir.
— Nickel, par contre, il va falloir changer ça, sourit malicieusement le numéro 10 en pointant du doigt la tenue de la brune.
— Je veux bien., sourit Emmy en regardant son polo. Je comprends mieux pourquoi tout le monde me regardait mal dans le garage.

Le jeune homme rigole puis sort de la pièce après avoir donné le polo de son écurie. Emmy se change rapidement, son sourire ne quittant pas ses lèvres en repensant au nombre de fois où elle a dû se changer au cours du week-end. Elle enferme la pièce de tissu blanc et rouge dans son sac qu'elle dépose au pied du canapé présent dans la Driver's Room puis récupère la veste qu'elle plie sur son avant-bras avant d'ouvrir la porte. Elle se présente dans l'encadrement de cette dernière et trouve Pierre, les bras croisés et une jambe appuyés sur le mur.

— Il est évident que le bleu te va mieux, rigole le pilote.
— Est-ce que j'ai le temps d'aller rendre la veste à Charles avant de faire l'exercice ?, demande Emmy, gênée.
— Oui, bien sûr. Il nous reste encore une bonne vingtaine de minutes avant le départ. Je vais me préparer en t'attendant.
— Merci, par contre j'ai laissé mon sac dedans si ça ne dérange pas.
— Absolument pas !
— Bon ben, je reviens.

Pierre disparaît derrière le pan de bois orné de son patronyme, laissant en plan la jeune femme dans le couloir. Emmy rebrousse chemin sous les regards surpris des membres de la deuxième écurie aux taureaux rouges. Elle sort du garage pour se retrouver en plein milieu de la voie des stands. Elle remonte cette dernière pour retrouver les stands Sauber. Elle s'arrête devant l'entrée du box du Monégasque, n'osant pas rentrée au vu de son accoutrement. Elle se contente d'admirer la monoplace portant le numéro 16, espérant ne pas déranger les mécaniciens qui s'affairent autour.

— Oh Emmy !, l'interpelle une voix qu'elle connaît bien.

Elle se retourne, et sourit en voyant le pilote monégasque en train d'enfiler tant bien que mal sa cagoule de protection.

— Je présume que tu vas suivre les qualifs chez ToroRosso, lance le brun en regardant son polo.
— Oui, je suis juste venu te rendre la veste.
— Oh mais tu peux la garder ! On en a plein en stock, sourit malicieusement le pilote.
— Non, tiens tu me l'as prêté !
— Emmy, je t'assure que tu peux la garder !
— Tu es sûr ? Je ne veux pas que tu aies des embrouilles à cause de moi !
— Puisque je te le dis ! Tu ferais mieux de m'encourager au lieu de te prendre la tête pour une veste.

Emmy rigole et pose la veste sur l'établi où se trouvent les affaires du Monégasque. Ce dernier enfile son casque et se met face à la brune quand ce dernier est correctement attaché. La monitrice tape trois fois sur le casque avant de prononcer les mots qu'elle a dit à ses pilotes favoris depuis le début du week-end, en le regardant droit dans les yeux : « Cours, accélères, mais reviens en entier ». Elle termine en embrassant le haut du casque.

— Merci Emmy.
— Tu vas tout déchirer, sourit Emmy en quittant le box tandis que le Monégasque prend place dans son baquet.

La monitrice remonte la pit-lane pour rejoindre le box du pilote numéro 10. Elle constate qu'il l'attend à l'extérieur et qu'il a enfilé ses vêtements ainsi que la combinaison dont les manches retombent sur ses hanches. Il tient notamment deux balles de tennis dans ses mains, et il sourit en voyant la jeune femme s'approcher de lui.

— Je croyais que tu devais lui rendre la veste.
— Il a pas voulu la récupérer et pourtant j'ai insisté, mais apparemment il est plus têtu que moi.
— Tu m'aides ?, demande Pierre en lui montrant les balles.
— Avec grand plaisir.

Emmy part rapidement poser la veste de Charles dans la Driver's Room avant de prendre place devant le pilote Français qui lui tend les deux balles jaunes. Elle les saisit, puis se met en position. Naturellement, les mains du pilote viennent se poser délicatement sur les siennes et son regard bleu s'ancre dans les prunelles marron foncées de la jeune femme. Un frisson parcourt l'échine des deux personnes qui arrivent tant bien que mal à passer outre. Ils prennent une profonde inspiration puis Emmy lâche aléatoirement les balles que Pierre arrive à récupérer en une fraction de seconde. L'exercice dure quelques minutes avant que le pilote se redresse et la serre dans ses bras pour la remercier. Un sourire idiot se dessine sur les deux visages, puis les deux corps se séparent. Pierre rejoint son box pour finir de se préparer tandis que la brune s'échappe rapidement vers les box RedBull situés à quelques mètres.

— J'en connais une qui va suivre de près les qualifs du Français !, lance Daniel en rigolant.
— Et oui ! Mais je suis quand même venue vous encourager !
— Encore heureux !, s'exclame Max, casque sur la tête.
— Allez venez ici vous deux !

Les deux coéquipiers s'approchent de la monitrice qui réitère ses encouragements. Ils font un câlin groupé avant que Daniel et Max rejoignent leurs monoplaces respectives et qu'Emmy rebrousse chemin vers le box de Pierre. Ce dernier est sur le point de prendre place dans sa voiture mais il s'arrête en voyant la monitrice. Il récupère rapidement un casque aux couleurs de l'écurie puis le pose sur la tête de la brune, sans la quitter une seule seconde du regard. Il ajuste correctement les protections au niveau des oreilles tout en souriant.

— Et voilà, comme ça tu ne deviendras pas sourde et tu pourras entendre tout ce que l'on dit.
— Merci Pierre.

Et comme pour les autres, elle tape trois fois sur le casque du jeune pilote qui est surpris par le geste d'Emmy. Il comprend rapidement qu'elle est en train de l'encourager quand elle murmure ses six petits mots. Il ferme les yeux quand elle vient embrasser son casque, imaginant la sensation de ses lèvres sur sa peau. « Foutu casque ! » pense-t-il. Il jette un dernier regard vers la monitrice avant de prendre place dans son baquet et de se concentrer pleinement sur les qualifications qui débutent dans quelques minutes.

Le départ de la Q1 est donné à 16h00 précise. Emmy est sollicitée rapidement par un des responsables de l'écurie.

— Oui ?
— Tu veux donner les conditions météo ?
— C'est vrai ?
— Bien sûr ! Si on te le propose.
— Avec grand plaisir.

Emmy abaisse le micro présent sur le casque puis fait signe à l'ingénieur de cours, les yeux rivés sur l'écran devant elle. L'ingénieur appuie sur le bouton ouvrant le micro de la brune qui annonce alors les conditions météo pour cette première phase de qualifications.

— Ok guys, conditions météo. Température de l'air : 22°C ; Température de la piste : 30°C ; Humidité : 66% ; Vent 1.1 km/h.

Pierre, pensant écouter son ingénieur de course, sursaute dans son baquet lorsqu'il entend la voix de la jeune femme. Inconsciemment, il sourit de son intervention.

— Reçu fort et clair, répond-il à son tour à travers la radio.

Les monoplaces sont désormais sur la piste pour une première phase qualificative d'une durée de 18 minutes. Emmy surveille de près les voitures qui défilent devant ses yeux, mais porte un peu plus son attention sur celles qui portent les numéros 3, 10, 16 et 33. Elle esquisse une grimace quand la voiture 18 de l'écurie Williams saute le vibreur en faisant un tout droit, mais souffle de soulagement en voyant que Stroll parvient  quand même à revenir en course. Le temps écoulé, toutes les monoplaces rentrent au box. Sont éliminés à l'issue de cette phase qualificative Hartley, Alonso, Vandoorne, Sirotkin et Stroll.
Tous les pilotes s'autorisent un court temps de répit avant de revenir dans les baquets pour les Q2, qui vont, cette fois-ci, durer 15 minutes. Alors que le départ est sur le point d'être donné, Gasly croise le regard de la jeune femme qui lui sourit, appuyée contre l'établi sur lequel il a l'habitude de poser ses affaires de courses. Il lui fait un léger signe de tête qu'elle lui rend avant de rejoindre la pit-lane. 
La Q2 vient de débuter qu'à la 14 minute, Emmy reconnaît la voix du Néerlandais dans son casque lui indiquant de la pluie. Le décompte des dernières secondes est lancé, et les résultats tombent : Perez, Ocon, Ericsson, Hulkenberg et Gasly resteront au box lors de la troisième et dernière phase des qualifications.
La tension est palpable dans l'écurie ToroRosso qui ne voit aucune de ses monoplaces dans le top10. Pierre sort son baquet et Emmy ressent qu'il est déçu de ne pas avoir pu mieux se placer pour la course à domicile. Il pose avec énervement ses gants et son casque sur l'établi où Emmy y est toujours appuyée.

— Je suis dégoûté...
— C'est pas grave Pierre. Tu as bien roulé aujourd'hui, et demain ce sera la vraie course, tu pourras y montrer tout ton talent. Et puis tu pourrais être heureux pour ton meilleur ami ! Il est en Q3.
— Tu as raison, sourit le pilote en s'installant à ses côtés.

12 minutes. C'est la durée de la dernière phase de qualifications. Les conditions météorologiques ont légèrement changé, et les nouvelles indications ont été données aux 10 derniers pilotes encore en lice. Le départ est donné, le pilote et la monitrice suivent avec attention le déroulement de la Q3.
Il reste exactement 7 minutes 49 lorsqu'Emmy lâche un petit cri qu'elle étouffe rapidement. Pierre est tiré de ses pensées et tourne la tête vers la jeune femme qui se tient à ses côtés. Il la retrouve les yeux grands ouverts, les mains sur sa bouche. Il reporte ses yeux sur l'écran devant lui et découvre que le Red Flag a été mis en place.

— Mais qu'est-ce...
— C'est Grosjean.  Il s'est pris le mur au virage 4, annonce l'un des mécaniciens.

Emmy, qui a trouvé refuge dans les bras de Pierre, regarde les images de l'accident qui repassent en boucle et sous tous les angles. Sur les vidéos, on voit clairement les quatre roues se bloquer et faire glisser la monoplace dans le mur...