Le baiser avait inévitablement changé les choses entre Severus et Harry. C'était étrange, aucune parole concrète n'avait été échangées. Pourtant, cela avait été le déclencheur de beaucoup d'événements. Ce n'était peut-être pas énorme d'un point de vue extérieur, mais c'était un assortiment de petits détails qui changeaient inévitablement leur quotidien. Comme la façon muette dont ils veillaient l'un sur l'autre, échangeant un regard discret à chaque entrée dans la Grande Salle, ou encore, le frôlement volatil d'une main lorsque les capes noires de Severus tourbillonnaient dans le recoin sombre d'un couloir. Ce n'était jamais exprimé de façon explicite. Mais c'était là, preuve tangible de l'affection étrange qui les liait.
C'était autre chose dans le cadre privé. Harry avait presque élu domicile dans les cachots dorénavant. Les deux hommes apprenaient à cohabiter ensemble. Parfois, il y avait des disputes, mais généralement, cela se passait relativement bien. C'était presque étonnant au vu de leur fort caractère à tous deux. Il y avait entre eux une connexion insoupçonnable, et Severus en était le premier étonné.
Il se doutait bien que son étrange relation avec Harry ne pourrait pas durer. Si le gosse ne décidait pas d'aller voir ailleurs avant, il y avait toujours un Seigneur des Ténèbres qui souhaitait leur mort à tous les deux. C'était d'ailleurs d'autant plus étrange que nous étions maintenant au mois de mars, soit trois mois après la découverte de la trahison de Severus, et le Mage Noir n'avait toujours pas frappé. Quand Severus autorisait ses pensées à vagabonder, il s'inquiétait secrètement de ce silence. Puis il était rattrapé par son impuissance. Il n'y avait rien à faire. Le plus sage était d'attendre tranquillement que le Seigneur des Ténèbres vienne leur trancher la gorge à tous les deux. C'était une pensée étrangement réconfortante dans son horreur. Au moins, Severus pouvait s'adonner sans trop grande culpabilité à l'instant présent.
Nous étions fin mars et le soleil refaisait sa timide apparition après un hiver glacial. Harry et Severus étaient installés face à la large fenêtre du bureau directorial donnant une vue superbe sur le paysage sauvage.
Harry posa deux mains taquines sur les épaules de Severus qui était lui assis sur une chaise. Harry se pencha pour murmurer à l'oreille du plus âgé avec un ton sournois :
« Allez Severus, mon tour de t'enseigner quelque chose. L'élève va enfin prendre sa revanche sur le Maître. »
Severus laissa échapper un léger grognement.
Après que Severus l'ait entraîné dans la confection d'une potion dans le seul but de l'humilier la semaine dernière, Harry avait insisté pour donner à Severus les cours de dessin promis quelques mois plus tôt. Severus avait été vicieusement provocateur, jouant d'un contact rapproché avec Harry. Harry n'avait jamais été autant distrait dans la confection d'une potion de toute sa vie. Ce qui n'était pas peu dire. Il était bien décidé à lui rendre la pareille.
Harry chassa de son esprit l'odeur de Severus et la chaleur de son corps drapé autour du sien alors que ses élégantes mains guidaient les siennes d'un geste caressant. Il installa deux chevalets et une toile sur chacun d'eux devant leur deux sièges. Il donna à Severus un crayon et s'assit à ses côtés.
« Bon alors déjà comme pour tout dessin, il nous faut un croquis, expliqua-t-il d'une voix professionnelle. Celui-ci nous servira de base et de repères lorsqu'il s'agira d'appliquer la couleur.
- Je sais ce qu'est un croquis, Potter, renifla-t-il avec mépris.
- Enfin professeur, soyez un peu coopératif ! Si vous ne faites pas d'effort, nus n'arriverons jamais à quoique se soit ! Le réprimanda-t-il avec un sourire moqueur.
- Sale gosse. Tu es vraiment insupportable. »
Mais le tressautement de sa lèvre disait le contraire.
