Chapitre 1

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Harry voulait mourir.

Perché sur le muret de pierre qui servait de rempart avec le vide, Harry contemplait le ciel. La froideur de la roche constituant les murs de la tour d'Astronomie endolorissait ses cuisses. La brise fraîche venait mordre ses joues et emportait ses mèches rebelles dans une valse désordonnée. Harry avait froid. D'un froid à la profondeur abyssale qui semblait doucement le priver de chacune de ses forces. Et paradoxalement c'était une piqûre de vie. Lui rappelant qu'il était toujours vivant. Le froid n'était destiné qu'aux mortels après tout. Et aussi vide se sentait Harry, il y avait toujours ce froid, qui le brûlait douloureusement, vi(e)vement.

Ses pieds étaient jetés en pâture au vide, se balançant doucement dans l'air nocturne. Sous lui, l'obscurité. Les ténèbres mangeaient les silhouettes des contours familiers du sol. Ne restait plus qu'une masse indistincte d'ombres mouvantes. Attrayantes. Terriblement attrayantes. Au dessus de lui, l'obscurité. Les nuages avaient englouti la pâleur rassurante de la Lune, l'éclat stellaire qui caressait le paysage avec quiétude, ne laissant plus que les ténèbres.

Les ténèbres partout. Sous lui. Au dessus de lui. En lui.

Cette même obscurité qu'il s'efforçait de retranscrire sur une feuille encore blanche, d'une façon presque indécente parmi la noirceur. Plusieurs esquisses abstraites reposaient à ses côtés.

Le noir en maître.

Maculant ses doigts. Son âme. Il pouvait presque sentir le fluide sombre couler en lui, serpentant dans ses veines, glissant le long de son fusain avant de venir engloutir la blancheur de la feuille vierge. Il crachait sa noirceur sur le papier. Mais il savait qu'elle ne tarderait pas à lui revenir. Elle revenait toujours. C'était ainsi dorénavant.

Harry ne savait pas exactement quand les ténèbres avaient commencé à se faire si denses, si étouffantes. Il supposait que c'était après avoir regardé la mort dans les yeux. Il l'avait vu le défier, le narguer en arguant que son heure était bientôt venue. Ce jour-là, au cimetière, là où Cedric était mort. Là où Voldemort avait gagné en puissance. Et à cet instant la mort ne l'avait plus lâché. Elle l'avait hanté. Par le biais de Sirius, puis Dumbledore. Qui allait encore mourir en cette septième année ? Qui allait servir à narguer Harry avant que la mort ne vienne le cueillir lui-même ?

Bien sûr, ce n'était pas seulement pour cette raison qu'Elles -les ténèbres- s'étaient faites plus présentes. Il y avait aussi Voldemort. Il lui envoyait sans cesse des visions dont Harry avait chaque fois plus de mal à discerner véracité et mensonge. Harry sombrait peu à peu dans la folie de ses cauchemars.

Sans compter la pression constante qui menaçait de l'écraser sous son poids mortel à chaque instant. Celle d'être Celui-qui-a-survécu, le Survivant, l'Élu, l'Espoir, du monde sorcier. Celle de devoir sauver un monde auquel on appartient plus. Celle de devoir être fort alors qu'on n'aspire qu'à s'écrouler. Celle de devoir être le héros que tout le monde nous force à être. Celle que Harry connaissait depuis toujours. Mais sans savoir pourquoi, c'était devenu soudainement trop. Bien trop.

Harry contempla cette obscurité omniprésente dans laquelle il baignait. Il observa le vide, les ténèbres à ses pieds qui résonnaient familièrement en lui, battant en rythme avec son coeur épuisé. Le néant l'appelait, Elles l'appelaient, lui chantaient les promesses d'un avenir bien plus simple, bien plus tentant.

Bercé par le chant obscur fredonné dans l'ombre de son esprit, Harry se leva brusquement, faisant s'envoler ses esquisses tout autour de lui. Et les croquis dansaient, virevoltaient à ses côtés, valse funèbre l'accompagnant dans sa chute vers l'infini.

Ténèbres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant