Bianca

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Assise sur mon lit, j'observe de loin la maison où il habite. J'ai changé l'entière disposition de ma chambre. Rituel du dimanche soir. Et je ne suis clairement pas fan de mon travail. 

J'ai pleine vue sur sa chambre, à peine éclairée mais je distingue quand même son ombre. Je kifferais avoir un flingue là et lui tirer dessus. Pas pour le tuer mais au moins pour l'effrayer, j'imagine la scène et j'esquisse un sourire. Trop piquée par l'idée, je me renseigne sur les stands de tirs qu'il y a aux alentours et même si je suis trop jeune pour être acceptée quelque part, je vais bien trouver un moyen. Quand on a la motiv', on peut tout faire après tout.

Alors que je suis en pleine recherche, j'entend Victor qui rentre de son entraînement et suis surprise de l'entendre monter à mon étage. Les seules pièces qui sont à cet étage sont la chambre de Nera, ma salle de bains et ma propre chambre. Au moment où je ferme tous les onglets de mon ordi, Victor rentre, sans même toquer. Pas étonnant. 

Je n'ai même pas le temps de l'engueuler d'être rentré comme un malotru qu'il me sort :

- J'abandonne. T'avais raison depuis le début, je veux bien l'admettre. 

- De quoi encore ? je répond et rangeant mon ordi en comprenant que ça va être quelque chose.

- Le soccer. J'arrête. Mon équipe est en train de me lâcher, enfin c'est pas comme si la majorité d'entre eux ne savaient vraiment pas jouer au foot mais là, tu ne devineras jamais ce qu'il s'est passé. 

- Déballe et je dirais sûrement que "j'en étais sûre", dis-je dans un sourire pour essayer de dédramatiser la situation en voyant son découragement. 

- Tu es déjà au courant de  l'admiration que tout le monde, et quand je dis tout le monde c'est vraiment tout le monde, porte à l'équipe de basket. Ce sont les "vrais champions, les vrais hommes de la ville, voire du conté", commence-t-il en mimant la majorité des habitants d'ici. Et même si je savais que Maman n'étais pas particulièrement enthousiaste quand je lui ai dit que je voulais reprendre l'équipe de soccer et tâcher d'en faire quelque chose, je pensais que, à défaut de ne pas vraiment me soutenir, elle allait restée en dehors de tout ça. 

- Oh, murmurais-je alors que Victor s'assis sur mon lit en face de moi, l'air épuisé. Je crois que je commence à comprendre où tu veux en venir.

- Tu l'as connais aussi bien que moi après tout, mais ça, je ne m'y attendais pas. Elle est allée voir le coach Fellner et lui a proposé une somme astronomique couvrant tous les frais sportifs de l'année au nom de l'association des parents des élèves. Apparemment, les frais pour l'équipe de foot sont beaucoup trop élevés pour des joueurs qui ne savent pas jouer. La moitié de mes potes vont donc essayer de s'inscrire au club de basket. Je suis trop fatigué et découragé pour être énervé à vrai dire mais bon dieu que je hais cette salope. Je ne sais même pas comment elle a réussi à les convaincre aussi facilement, c'est à croire qu'elle les ensorcèle je te jure. 

Victor ne semble pas remarquer mon haussement de sourcil. Je ne m'attendais pas à ça. Enfin, je savais qu'un jour ou l'autre, Maman allait faire imploser son projet mais je ne pensais pas que Victor oserait parler d'elle comme ça. 

- N'utilise pas ce langage, c'est ta mère quand même, lui dis-je en lui lançant un coussin.

- Et ? répondit-il sans même prendre la peine de l'enlever de son visage.

- Je sais pas, c'est ce que je suis sensée te dire en tant que grande sœur sage et conciliante. 

- Oui parce que ça, c'est tout toi, hein ? ricane-t-il. 

- Je suis désolée, dis-je en essayant de changer de sujet et le réconforter, je sais à quel point tout ça comptait pour toi. 

Pas de réaction. Bon. 

- Tu n'as qu'à tenter le coup dans l'équipe de basket, tu es très grand et athlétique après tout. Et tu ferais fureur avec les filles, continuais-je dans l'espoir de le dérider. 

Je n'ai vraiment pas envie d'un autre repas en famille où Maman nous gueulerait dessus, chose qui arriverait si Victor décide de lui dire ses quatre vérités; et vu comme je me suis déjà pris la tête avec elle cet après-midi, c'est hors de question. Pas envie d'un autre drame familial pour ce week-end. 

Je jette un coup d'œil à l'horloge au dessus de mon bureau et voit qu'il est déjà 7 heures, la sorcière ne va pas tarder à nous appelé pour manger et Victor n'est toujours pas douché ni changé et se présenter comme ça à table est un motif de 3e guerre mondiale pour notre génitrice. 

- Tu penses vraiment que j'ai une chance dans l'équipe de basket Bianca ? me lance mon frère en retirant le coussin et le reposant sur mon lit. 

- Pourquoi tu me demandes ça ? Tu sais aussi bien que moi que le coach Fellner ne t'as permis de remettre en marche le club de foot parce qu'il te voulait aussi dans l'équipe. T'es certainement un des gars les plus sportifs du lycée et tu n'es quand première année. Tu devrais te lancer, fais moi confiance. 

Victor me lance un faible sourire. 

- Depuis quand t'arrives-t-il d'être gentille comme ça ? Normalement, tu m'aurais déjà viré de ton espace personnel depuis longtemps. 

Je lui fait un sourire taquin. 

- Dépêche-toi de prendre une douche ou je t'enferme dehors, sous la pluie. 



Plus tard après le repas, qui s'est relativement bien passé, Victor m'a de nouveau pris à part pour que je me renseigne sur les dispositions de l'équipe de basket pour accueillir un nouveau membre de première année. Je me doute qu'il a entendu les rumeurs sur Tommy et moi mais il n'a pas fait de commentaire sur ça. D'abord surprise par sa demande, j'ai compris ensuite pourquoi il m'avait demandé cette faveur. 

Enfin, je pense savoir. Premièrement, cet échec d'avoir tenté quelque chose avec le club de soccer ne lui fera probablement pas la meilleure des réputations auprès des basketteurs et il compte donc sur moi pour tâter le terrain avant tout. Et peut-être, je dis bien peut-être, veut-il que l'on resserre nos liens de frère et sœur voire juste les serrer puisque nous n'avons jamais était tellement proches. Plus jeune, Victor préférait resté avec Nera qui était bien plus maternelle que moi, donc je ne lui en veut pas du tout, limite je comprend. 

Et puis moi, pensais-je en levant la tête vers la maison d'en face, ou plus précisément, la chambre d'en face, je passais mon temps avec celui que je considérais comme mon meilleur ami.


Sûrement pas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant