Oscar

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Je ne pensais pas qu'elle accepterait. Je sais qu'elle me déteste, elle en a le droit, j'ai tout fait pour. 

C'est pour ça que lorsque je m'approche d'elle, je m'attend à ce qu'elle recule, qu'elle me repousse ou me frappe. Mais elle n'en fait rien, se tourne juste un peu vers moi et me fixe de ses magnifiques yeux émeraudes. Je sais alors que je vais craquer.

Je veux l'embrasser, j'en meurs d'envie. Et je sais qu'elle n'est pas contre non plus. Ca serait stupide de notre part de nier l'attirance entre nous, elle est là, présente depuis notre adolescence et ne nous a jamais quitté. Mais je repense soudain à ce qu'il s'est passé sur le parking, il y a quelques jours. On vient enfin d'avoir un moment sans se crier dessus. Je ne veux pas gâcher ça parce que si quelque chose se passe entre nous maintenant, l'un de nous va fuir l'autre et ça sera un cercle sans fin. J'ai vu dans les yeux de ma mère à quel point c'était important pour elle et je compte bien me tenir autour de Bianca, au moins jusqu'à dimanche.

Je recule donc et me tourne mon regard vers le coucher de soleil. Je sens encore son regard vers moi.

- Tu te souviens de ce qu'on faisait à ce moment précis chaque fois qu'on était ensemble ? je demande.

Elle regarde devant elle, soupire avant de répondre : - Oui, on comptait ensemble les vingt dernières secondes avant qu'il n'y ai plus du tout de soleil à l'horizon.

Je souris, content qu'elle s'en souvienne et lui murmure quelques minutes après : - C'est le moment là. Vingt, dix neuf...

Elle ramène ses jambes contre sa poitrine et se met à compter avec moi. C'est ridicule, on dirait des gamins mais j'en ai rien à faire. Lorsque le soleil disparaît complètement, le vent se fait bien plus frais et je remarque que Bianca frissonne. 

- Tu veux mon pull ?

- Hors de question, rit-elle doucement, je ne suis pas une de tes groupies. 

- Mmmh  je ne suis pas si sûr de ça. 

- Sérieusement ? elle arque un sourcil en me regardant avec une certaine condescendance et sourit en ajoutant : Tu sais très bien que je n'ai jamais pu vraiment te saquer. Je jouais avec toi parce que tu étais le petit nouveau sans ami puis c'est toi qui a commencé à me coller partout. Manque de chance, il a fallu que tu emménages en face de chez moi. 

Bien que je sais qu'elle rigole, elle n'a pas tort. Plus petit, je ne savais pas me faire d'amis tandis qu'elle était tout simplement adulée par tous les enfants de notre école. Bianca est le genre de personne qui dégage une aura bien particulière, le genre qui donne envie de s'approcher et d'apprendre à la connaître. Avant qu'elle ne vienne à moi dans la cour de récréation en primaire, je n'aurais jamais osé l'aborder vu la tonne d'admirateurs qu'elle avait. C'est bien elle qui a d'abord voulu jouer avec moi. Elle me faisait peur. Je l'avais déjà vu le jour où on avait emménagé dans notre maison dans son jardin avec son père. Je crois que c'était le jour où des ouvriers finissaient de construire la piscine dans le jardin des Gillan. Elle sautait partout tant elle était excitée, elle avait l'air d'être la plus gentille fille de la terre et j'aurais tout fait pour trouver le courage d'aller lui parler. Deux jours plus tard, quand la maîtresse m'a introduit devant toute la classe, j'ai gardé les yeux rivés au sol parce que je savais qu'elle se trouvait dans la même pièce que moi. Elle aussi venait de s'installer dans la ville pourtant elle semblait parfaitement s'être intégrée ici. Quand j'ai eu enfin le courage de relever les yeux, elle me souriait de toutes ses dents, à tel point que je me souviens avoir pensé que son sourire prenait toute la place sur son visage. Ca ne m'a pas empêché de la dévisager jusqu'au moment de la récréation, lorsqu'elle venue me demander si ça ne me déranger pas de jouer avec elle. Elle sait sûrement ce que c'est d'être nouveau et elle a pitié de moi, avais-je déduis. Mais quand je l'ai regardé de plus près, je n'ai vu aucune trace de pitié sur son visage, simplement de la pure joie. C'est là que j'ai remarqué l'étonnante couleur de ses yeux, et je n'ai pas su m'en passer durant les dix dernières années. 

- Oui, sérieusement, je vois très bien comment tu me mates des fois en anglais, lui dis-je pour la taquiner, bien que ce  qu'il s'est passé au dernier cours à alimenter tous mes derniers fantasmes.

Elle rigole, comprenant l'illusion et dit en me poussant gentiment l'épaule : - Tu n'avais qu'à détourner les yeux si ça t'embêtait autant. 

- Ca ne m'a pas du tout embêter, je lui répond en la regardant droit dans les yeux. 

Un long silence s'installe. Je vois qu'elle a froid mais elle ne frissonne plus. Au contraire, ses joues ont un peu rosies. 

- Mais maintenant admet que tu as un petit crush sur moi, je lâche en combattant l'envie de lui sauter dessus. 

- Dans tes rêves Evans. 

Sûrement pas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant