Bianca

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Il pleut. Il pleut comme jamais et je cours. Certainement la pire décision de la semaine. Je n'imagine même pas mon état demain. A bien y réfléchir, ce qui s'est passé dans les douches hier n'était pas non plus une de mes meilleurs décisions. Quoique... Les rumeurs sur le soi-disant amour transi d'Oscar sur Tommy ont rendu cette journée mille fois plus intéressante. Tommy en était tout honteux et même si Oscar ne semblait pas du tout prendre au sérieux cette histoire, sa nonchalance n'avait pas l'air tout à fait réelle. Je ne peux m'empêcher de sourire au souvenir du regard qu'il m'a lancé à midi, j'ai cru qu'il allait m'égorger sur place. Hilarant.

Je me reconcentre sur ma course. Ca doit faire à peu près de 50 min que je me défoule maintenant et je ne ressens toujours pas la moindre fatigue. Même si j'ai l'impression d'avoir eu ma revanche sur Oscar, je reste en reste, comme si ça n'avait pas été suffisant. Alors que j'ai passé ma journée à savourer ma victoire. C'est vrai, deux trois tweets et parler aux filles populaires du lycée n'est pas très difficile. En quelques heures tout le monde était au courant de ce qui c'était passé. Enfin, ce qu'ils croient s'être passé: Oscar serait rentrer furtivement dans les douches pour mecs et aurait vu Tommy à poil. Cette vision l'aurait alors métamorphosé en gamin prépubère de 11 ans, incapable de contrôler ses hormones à la vue de son meilleur ami, celui qui hante ses rêves coquins, en train de se doucher. Evidement, faisant parti des gars les plus populaires et en vue du lycée, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. Ca a été presque trop facile. Le problème c'est que, comme toute rumeur, les gens seront passés à autre chose la semaine prochaine et Oscar continuera de me pourrir la vie. Bien que pour l'instant, il est encore assez sage, rien à voir avec ses actes de l'année dernière. J'en frissonne rien qu'en me rappelant les horreurs qu'il a raconté sur moi.

Je commence finalement à sentir les effets de la fatigue et prend le chemin le plus court pour rentrer chez moi et sors du petit bois qui se trouve au bout de ma rue. On pourrait croire que je déteste me rendre ici pour courir, cet endroit ayant été notre terrain de jeu préféré à Oscar et moi plus jeunes. Mais au contraire, ça me rappelle l'époque où je n'avais rien fais de mal et on était toujours amis. Je sais bien que je n'ai pas l'air comme ça, mais d'une certaine façon ça me manque, mon amitié avec lui. J'évite d'y penser mais il était ma personne préférée sur terre et j'aurais tout donner pour lui. Hors de question de l'admettre à voix haute un jour, c'est certain, plutôt mourir que lui avouer.

J'entend l'orage gronder malgré la musique qui résonne dans mes écouteurs, la tempête ne fait que commencer, parfait. Je me dépêche de rentrer bien que je n'ai aucune envie de voir ma famille. Maman sera certainement furieuse que j'ai osé sortir par ce temps pour courir, surtout à la vue de nos chers voisins et Papa ne dira rien, comme d'habitude. Victor quant à lui, mon frère âgé de deux ans de moins que moi, ne s'arrêtera certainement pas de parler du match de foot que son équipe a disputé hier soir et a, pour la centième fois cette année, encore perdu. Même si il est probablement le seul joueur à peu près correct de l'équipe, il n'empêche qu'il n'arrêtera jamais de croire qu'ils pourraient aller jusqu'aux nationaux. Le problème ici, c'est que tout le monde veut intégrer l'équipe de basket et n'en a rien à battre du foot et puis, les filles ne s'intéressent qu'aux vainqueurs et notre lycée est réputé pour son équipe de basket. Avec Oscar et Tommy en capitaines, c'est évident. En fait, c'est comme un cercle vicieux, les garçons s'intéressent d'abord aux filles et les filles kiffent les basketteurs du lycée. CQFD. Mon frère et ses attardés de potes sont les seuls à ne pas avoir encore compris cette logique. Ce qui, dans un certain contexte désole ma mère; voir son fils constamment échouer alors que tous les fils prodiges de nos voisins gagnent matchs après matchs de basket, ça doit pas être facile pour Mrs. Gillan.
Je m'arrête devant ma maison. L'étalage de la sophistication et l'argent des Gillan dans toute sa splendeur. Enfin, la sophistication de Mrs. Gillan et l'argent de Mr. Gillan, vu qu'apparemment il est trop déshonorant de travailler selon ma mère. Je vous jure, il y a des claques qui se perdent vraiment. Je n'en reviens pas que mon père la laisse toujours autant sortir des conneries pareilles. En fait, je ne comprend pas ce qu'il lui trouve ou ce qu'il a pu lui trouver. Certes, elle est ravissante et ce, depuis qu'elle est née à en croire les photos de son adolescence mais à attendre les rares récits de mon père et la jeunesse tellement enjouée et mouvementée qu'il a eu, je n'arrive pas à croire pourquoi il a décidé de se marier avec une femme aussi superficielle. Enfin bref, je n'ai jamais été très proche de mes parents, au grand daim de ma mère et la constante indifférence de mon père. Je ne suis pas non plus très proche de mon frère. Ce n'est pas qu'on se déteste ou quoi que ce soit, c'est juste comme ça. Plus jeunes, on s'entendait assez bien mais à 7 ans, après le déménagement, j'ai rencontré Oscar et je passais le plus clair de mon temps avec lui, en oubliant complétement mon frère. L'année dernière, quand tout commencer à s'écrouler autour de moi, j'ai essayé de me rapprocher de lui. Je crois que j'essayais désespérément de trouver quelqu'un avec qui parler. A ma grande surprise, Victor ne m'a pas envoyé paître et à même pris ma défense à chaque fois que maman me faisait des réflexions sur le comportement inadmissible que j'avais, surtout au lycée.
J'étais en colère. Et complètement brisée. Mon appel à l'aide n'a pas du tout apparu évident aux yeux de ma mère. En revanche, les appels du proviseur ne sont pas passés aperçus. A force, je me suis habituée à la lueur de honte dans les yeux de ma mère à chaque fois que je rentrais du lycée. Puis un soir, j'ai trouvé Victor et Maman dans le salon, à parler à voix basses, très certainement de moi. Je ne sais pas ce que mon frère a pu lui raconté mais depuis elle me laisse tranquille. Et moi j'essaie d'être plus sage. Du moins, quand on ne m'emmerde pas.

Je passe par le garage, faisant en sorte de pas tacher la précieuse moquette de maman et monte directement prendre une douche.

Une dizaine de minutes plus tard, enrobée dans ma serviette et les cheveux emmêlés je sors de ma salle de bains. La tempête semble être à son comble. Je m'approche de ma fenêtre et l'ouvre pour mieux entendre le bruit. On arrive en automne, ma saison préférée et la météo fait partie des choses que j'aime le plus à propos de cette saison. Ma playlist continue en fond et je commence doucement hocher la tête et bouger mon corps en fonction du rythme. Je ferme les yeux et respire un bon coup. Putain ce que j'avais besoin de ça.

Lorsque je rouvre les yeux, mon souffle se bloque instantanément dans ma gorge. La dernière chose que j'avais envie c'était de voir Oscar Evans sous la pluie, sur ma pelouse parfaitement tondue en train de m'observer, son sourire mesquin au lèvres.

Sûrement pas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant