Bianca

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En conduisant vers la librairie après le lycée, je repense à ce qu'il s'est passé hier. Je ne sais pas comment j'ai réussi à avoir une discussion constructive avec mon cher voisin mais j'ai l'impression d'avoir fait du progrès avec lui, peut-être même qu'on est sur la bonne voie pour redevenir amis. Je souris encore lorsque je sors de ma voiture rien qu'en me remémorant notre complicité retrouvée. Rien de spécial ne s'est passé bien que la tension était palpable et j'ai cru à plusieurs moments qu'il allait m'embrasser mais au fond je suis contente qu'il ne l'ai pas fait. C'est donc toute pleine d'ondes positives que j'entre dans le seul endroit intéressant de la ville. Steph, la gérante de la librairie, m'accueille avec le plus grand des sourires, je suis toujours contente de la voir, surtout quand je sais qu'elle me met de côté ses dernières trouvailles. 

- Bonjour Bianca ! Comment vas-tu aujourd'hui ?

Je n'ai même pas le temps de répondre qu'elle me donne une pile de livres dans les bras. 

- Tiens, c'est ce que j'ai reçu cette semaine et je t'ai même mis les deux livres que tu m'avais commandé il y a dix jours. Heureuse ? 

- Tu es bien trop gentille, lui dis-je en riant, merci beaucoup. As-tu reçu le recueil de poèmes dont tu m'avais parlé la dernière fois ? 

Steph est une grande romantique et essaie depuis toujours de me convertir, alors que j'aime bien mieux les histoires d'aventures ou de fantaisies. Mais j'ai toujours bien aimé les poèmes, alors pour une fois, je n'y vois pas d'inconvénient. 

- Malheureusement non mais je t'envoie un texto dès que je l'ai !

Elle secoue sa queue de cheval brune alors qu'elle coure dans tous les sens entre les rayons de livres pour me chercher un sac. Lorsqu'elle revient, ses lunettes papillons sont à deux doigts de tomber et elle semble toute essoufflée. J'éclate de rire alors que je met les livres dans le sac qu'elle me tend. J'adore cette femme et regrette qu'elle ne soit pas plus jeune et dans mon lycée. Du haut de ses 29 ans, elle a réalisé son grand rêve d'ouvrir une vraie librairie dans sa ville d'enfance il y a 2 ans pour mon plus grand bonheur. Alors que mon monde s'écroulait, elle était ma seule source de bonheur, avec ses livres et sa bonne humeur communicative. 

- T'as prévu quelque chose pour les prochaines vacances ? me demande t-elle alors qu'elle m'encaisse. 

- Non, pas vraiment.

Je marque un silence avant d'enfin ajouter : J'avais envie de partir un peu voir ma sœur mais je doute pouvoir. 

Steph était la seule personne, en dehors de ma famille à savoir que mes parents avaient envoyé ma sœur je ne sais où il y a deux ans. Les derniers temps, j'avais essayé d'espionner un peu les mails de mon père pour voir si il y avait quelconque informations à propos de l'endroit où Nera pourrait être. Mon amie me regarde et je vois que la joie dans son regard a disparu. 

- J'espère vraiment que sauras bientôt où elle est et que tu pourras enfin la voir, je sais à quel point c'est important pour toi. 

Alors que je sens que cette conversation va tourner à l'émotionnel, je décide de changer de sujet. 

- Mais sinon, je me demandais si tu avais besoin d'aide et, au quel cas, je pourrais travailler pour toi pendant les vacances. Tu pourrais du coup prendre un peu de temps pour toi, non ? 

J'ai sincèrement espoir qu'elle dise oui car j'aime vraiment me trouver ici et il n'y a rien de mieux pour se changer les idées que lire. De plus, je ne serais pas contre me faire un peu d'argent sans avoir l'impression de devoir quelque chose à mes parents après. J'aspire à mon indépendance le plus rapidement pour préserver ma santé mentale de mon hystérique de mère. 

- Oh mais bien sûr, me répond elle en retrouvant son sourire. Tu es sûrement l'une des personnes en qui j'ai le plus confiance et je ne vois personne de plus qualifiée toi pour m'aider. On en rediscute plus tard ? 

Nous parlons pendant quelques minutes avant que je ne sorte de la librairie et me dirige vers ma voiture. 

- Mais dites donc, qui voilà ?

Je me retourne et voit Isaac s'approcher de moi. Je ne l'avais pas vu depuis la soirée de Liza où j'ai fini par dormir chez lui. J'avoue que j'ai essayé un maximum de l'éviter depuis. J'ai peur qu'il se fasse des idées sur notre proximité et, avec toutes les rumeurs qui ont couru sur moi l'année dernière, je n'ai plus envie d'avoir cette réputation d'allumeuse. 

- Salut Isaac.

Etant donné que je ne sais pas quoi dire d'autre, je déverrouille ma voiture et pose mes affaires sur le siège passager. Je sens le regard d'Isaac sur moi et ne sais pas comment agir lorsqu'il prend enfin la parole :

- T'es sûre que ça va ? Je veux dire entre nous ?

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? je répond alors que je sais exactement ce qu'il veut dire, je suis juste en train de paniquer, l'évocation de ma sœur avec Steph encore trop fraîche dans ma tête. 

- J'ai l'impression qu'on se parle moins qu'avant, et tu ne réponds plus à mes messages. 

- Tu sais pourtant que je mets toujours du temps à répondre, mais les derniers temps j'avoue que j'ai été un peu débordée. 

- Oui c'est vrai, pardon, je m'inquiétais juste. 

Visiblement il me croit. Et maintenant, je me sens mal de lui mentir. Alors que je m'apprête à lui dire aurevoir et à partir, il propose joyeusement ;

- Ca te dirait de boire un verre ou un milkshake avec moi ? Ca fait longtemps. 

Ma culpabilité répond à ma place : - Oui, bien sûr. 

Il ferme ma portière entrouverte, me tend mon sac à main et marche vers le diner qui se trouve à quelques mètres de la librairie en me parlant comme si de rien n'était. Alors que je trouvais la situation bizarre, je ne peux pas nier le fait que j'aime passer du temps avec Isaac et que parler de tout et de rien avec lui me fait toujours du bien. C'est donc en lui rendant son sourire que je le rejoins. 

Sûrement pas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant