Oscar

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Je défonce mon sac de frappe accroché dans ma chambre, sans réelle conviction. Je ne suis même plus en colère contre elle. Je suis bien plus en colère contre moi car je me souviens bien avoir été à deux doigts de l'embrasser, et ça, ça ne doit jamais arriver. 

Trempé de sueur, je fonce prendre ma douche avant le dîner. J'en sors à peine quand j'entend mon père m'appeler manger. Je m'assois à table et commence à servir ma mère. A part Tommy et Eric, personne ne sait que ma mère est très malade. Enfin, il y avait Bianca aussi mais elle choisi d'arrêter d'en avoir quelque chose à faire apparemment.

Lily Evans est la maman que chaque enfant du monde rêverait d'avoir et je m'estime très chanceux de l'avoir eu comme mère. Malheureusement, une maladie la fragilise depuis bien avant ma naissance et s'est gravement empiré il y a un peu plus d'un an. Putain, mieux ne vaut pas recommencer à penser à tout ça sinon je risque de péter un câble. 

- Comment était ta journée, fils ?

Mon père est le mari parfait pour ma mère puisqu'ils ont le même caractère ; ils sont tous les deux bien trop gentils avec tout le monde. Contrairement à ce que mes poussées de colère pouvaient laisser penser, je n'avais absolument aucun problème avec mes parents. Au contraire, je les aime plus que tout au monde et nous avons toujours été très proches. Je me souviens d'ailleurs qu'un jour Bianca m'avait dit à quel point elle me trouvait chanceux de vivre dans une maison remplie d'amour comme la mienne. Je n'avais pas su quoi répondre à l'époque et puis j'ai compris ce qu'elle voulait dire par là lorsque je venais jouer chez elle et comme, en effet, ça se faisait plutôt rare. 

Penser à elle ne m'aidera pas non plus à me détendre, pensais-je, alors je décidais de répondre à mon père tout en le regardant aider ma mère à manger et lui raconta ma journée en évitant délibérément l'épisode du parking. 

C'est comme ça que la plupart des repas se passaient chez nous. Pas de télé, de cris ou de tensions. Et bien que les interventions de ma mère dans la conversation se faisaient de plus en plus rares, j'aimais ces moments. Mon père était quelqu'un de bon est gentil et je le respectais pour ça. Leur parler de ma journée me permettait de prendre du recul sur ce que j'avais fait de bien ou non et j'imagine que ça me permettait de devenir encore meilleur, comme eux. 

J'avais envie de parler à ma mère de Bianca car elles avaient toujours entretenu un certain lien, jusqu'à l'année dernière. La vérité c'est que ma mère l'adorait, comme une deuxième fille et mon père adorait l'embêter. Les jours où l'on jouait ensemble et qu'elle venait manger chez nous resteront les plus joyeux que j'ai connu. 

Je soupire en repensant à notre confrontation. Je vois ma mère me lancer un drôle de regard alors que mon père, dans la cuisine, faisait la vaisselle. 

- Maman ? me lançais-je enfin.

- Oui mon garçon ? dit-elle d'une voix faible. 

- J'ai parlé avec Bianca aujourd'hui. 

L'éclat dans ses yeux me fit m'interrompre. Cela faisait un moment qu'on en avait pas parlé et j'en ressens la culpabilité maintenant. 

- Oh mais c'est une incroyable bonne nouvelle ça Oscar. Va-t-elle revenir de temps en temps nous voir ? me demande-t-elle en joignant ses mains, pleine d'espoir.

Je me sentais complètement partagé. J'avais une envie profonde de faire du mal à ma chère voisine, de la ravager comme elle avait fait avec moi, et c'est que j'avais fait durant les derniers mois. Tout comme j'avais envie de la prendre dans mes bras à chaque fois que je la voyais et lui dire à quel point elle manquait à ma mère, à quel point elle me manquait. 

- Je ne sais pas maman, dis-je dans un nouveau soupir, on s'est beaucoup éloigné et... on ne partage plus grand chose en commun maintenant.

Je pensais à comme elle restait dans son coin alors que je passais mon temps à me pavaner au lycée, comme elle flirtait avec tous les mecs de terminale alors que je faisais gaffe à la moindre tâche à ma réputation et tous ces détails qui me montraient à quel point on avait changé, l'un éloigné de l'autre. 

- Oh je vois, soupira ma mère en baissant la tête. Tu sais, des fois j'aimerais pouvoir sortir quand je la vois passer devant la maison et lui parler quelques instants. Mais je suis  coincée dans cette foutue chaise roulante, ajoute-elle en riant doucement.

- Je sais Maman. Moi aussi j'aimerais que tu ne sois pas coincée là-dedans, lui dis-je en lui retournant son sourire. 

- Oscar, fit mon père en me lançant un torchon propre que je rattrapai en me levant du fauteuil en face de ma mère ; je devais aller ranger la vaisselle. Tu pourrais demander à Bianca de venir ce dimanche, non ? 

Il avait donc entendu la conversation. Et il savait comme c'était important pour ma mère. 

Alors que je considérais sa proposition et que ma mère bondit presque d'enchantement à l'idée de revoir sa voisine préférée, mon père s'approcha de moi et me murmura, comme si avait lu dans mes pensées :

- C'est aussi important pour elle que pour toi, j'en suis convaincu. 

Alors que je lui lançais un regard d'incompréhension, il expliqua :

- On n'a jamais vu deux personnes aussi proches que toi et la petite lionne, fit-il en référence au surnom qu'il utilisait pour la désigner. Il serait temps que vous vous rendez compte du temps que vous perdez. 

Alors que, comme plus tôt dans la journée, je restais pantois sans savoir quoi ajouter, mon père sourit à ma mère et alluma la télé en terminant l'anecdote qu'il avait commencé à raconter lors du repas. 

Putain de bordel de merde, voilà que je vais devoir inviter ma meilleure ennemie à manger chez moi ce dimanche. 

Sûrement pas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant