Chapitre 8 ناجية ؛

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    Ma fin.

    J'en étais convaincue.

    La douleur n'importait plus. La dernière bulle d'air s'échappa de mes lèvres, et je la vis rejoindre calmement la surface, pendant que je continuais de sombrer, dans cette eau de ténèbres qui me semblait infinie.

    — Ne partez pas ! Ouvrez les yeux !

    Mes yeux s'étaient ouverts d'un coup. Ma bouche aspira instinctivement une grande goulée d'air. Mes poumons émirent une protestation et je dus tousser pour recracher toute l'eau que j'avais avalé. Je pus aspirer de nouveau, avidement. J'étais vivante. Je respirais avec peine mais j'étais en vie.

    Mes yeux voyaient encore flou mais je pus distinguer les traits de la personne qui m'avait sauvée, enfin, ce que je pus percevoir avant qu'il ne remette son masque.

    Je n'avais pas cessé de tousser alors qu'il m'aidait à m'asseoir en m'adossant contre un arbre. Mes vêtements, certes brûlés, étaient alourdis par l'eau et m'alourdissaient en retour. Les bras inertes le long du corps, je fermai les yeux, toujours quelque peu haletante, essayant de reprendre mes esprits. Il me fallut bien un moment pour me remettre les idées en place. Le bruit de la cascade me paraissait comme un marteau piqueur dans les oreilles.

    — Merci, puis-je formuler faiblement.
    — C'est à cause du poison.

    Je le dévisageai d'incompréhension suite à sa réponse. Il porta une de ses mains parées de gants à mon cou.

    — La blessure que vous avez là..je vous ai vu avec les Kappas, vous avez reçu l'une de leurs flèches. Leur poison n'agit pas sur le corps mais plutôt sur la conscience.

    En voyant toujours que je ne saisissais pas tout, il reprit parole.

    — Qu'est-ce qui vous a poussé à vous noyer? demanda-t-il, je mis un léger moment à lui répondre.
    — C'était..une femme. Je la voyais souvent dans mes cauchemars. Je ne sais pas d'où elle est apparue mais, elle m'a tirée avec elle dans l'eau..J'essayais de remonter mais je n'y arrivais pas.
    — Vous dîtes qu'une femme vous a tiré mais personnellement je vous ai vu vous jeter par vous-même. Le poison cause des hallucinations suicidaires. Il fait ressortir les peurs les plus profondes jusqu'à mener la personne à se tuer par elle-même.

    Je portai avec dégoût mon regard vers la cascade à quelques mètres de nous. La simple idée de m'en approcher de nouveau après m'être presque noyée dedans me procura une décharge des plus désagréables. Je remerciai intérieurement mon Dieu de m'avoir sauvée par cet homme.

    J'essayais de me relever mais j'étais grandement épuisée. Mon corps m'implorait de le laisser se reposer. Mes pensées ne purent s'empêcher de repenser à cette "dame du lac"...même si elle n'était que le fruit de mon imagination, une hallucination presque suicidaire.

    — Vous feriez mieux de vous reposer, m'avait-il dit.

    Je n'avais pas le courage de me rendormir...Non, je ne pourrais pas supporter de la revoir dans mes rêves.

    Une douleur soudaine au crâne me coupa le fil de mes pensées. Je ne comprenais toujours pas ce qui m'arrivait, encore moins où j'étais. Ma main se retrouva à caresser par elle-même là où le cristal était accroché auparavant. Je n'avais aucun signe de brûlure, ma peau était intacte. Se pouvait-il que les fruits bleus soient également empoisonnés ? Je ferai mieux de retrouver Diane, je lui avais promis de revenir aussi rapidement que possible.


    J'étais toujours adossée contre l'arbre lorsque je sentis une langue familière me lécher le visage. Il faisait jour, et Diane se tenait juste devant moi.

    J'avais été tellement épuisée que je ne me sentis pas m'assoupir. Je regardai rapidement autour de moi, à part la présence de Diane, rien n'avait changé. J'avais pourtant une couverture légère me réchauffant le corps.
    Ma douleur au cou me fit arracher une grimace, et mes doigts effleurèrent du tissu à cet endroit-là. Ma blessure avait été pansé.

    Un aboiement de la part de Diane me sortie de mes pensées. J'étais heureuse de la revoir. Ma main se retrouva directement dans son pelage pour la caresser avec amour. Dieu merci, elle allait bien.

    — Ma chérie ! Tu m'as retrouvée ! Tu ne sais pas à quel point je suis soulagée de te revoir. Viens contre moi, ma voix s'était presque brisée de chagrin en serrant la chienne contre moi. Elle était tout ce qui me restait.

    Aucune de nous deux ne voulut mettre fin à notre étreinte, mais je dus la lâcher en me sentant observée. Ma conscience me cria garde. Je ne voulais pour rien au monde croiser un autre de ces monstres. Les sens en alerte, je regardai discrètement à ma droite.
    Une silhouette se tenait entre les arbres, un peu plus loin de Diane et moi, qui se mit à grogner sur la défensive. Il était totalement habillée de gris et de noir, son visage était toujours caché par son masque étrange aux yeux rouges aussi éclatants que le sang nouveau. Je me détendis un peu en le reconnaissant.

    C'était l'homme de la veille.

    Que me voulait-il?

    — Vous êtes revenu..
    — Je voulais m'assurer que vous allez bien. Je vois que vous avez retrouvé votre...familier.
    — Mon familier ? Oh, vous parlez de Diane, oui, c'est elle qui m'a retrouvée ici..je me mis à la caresser pour la calmer. Un je-ne-sais-quoi de mes paroles lui mit la puce à l'oreille.
    — Vous n'êtes pas d'ici ?
    — Non je...en réalité je ne sais pas comment j'ai atterri ici. Je me promenais avec Diane et, j'ai eu un incident, j'ai perdu connaissance et en me réveillant...j'étais là.

    Un bref flash-back me ramena à tout ce que j'avais dû traverser depuis avoir osé pénétrer dans la maudite grotte.

    — Si vous n'êtes pas d'ici, d'où viennent vos pouvoirs?
    — Pardon? Mes pouvoirs? 
    — L'incendie de la veille, vous en êtes responsable. De quelle race de faerie êtes-vous?
    — Faerie?..Désolée, je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez..l'incendie, ce n'était pas moi..ça ne peut pas être moi...

    Il y eut un moment de silence. Je ne pouvais ni voir son expression facile, ni ses yeux, mais j'étais persuadée qu'il était en train d'analyser profondément mes paroles. Je n'avais pas la force d'assimiler ou d'essayer de comprendre tout ceci de mon côté. Tout ce que je voulais, c'était rentrer chez moi.

    — S'il vous plaît, expliquez-moi. Ces choses que vous appelez les " Kappas ", ils sont uniquement déguisés n'est-ce pas? C'est à cause de leur fête de la veille je suppose. Puis, vous êtes déguisé aussi non? Vous portez un masque vous aussi..

    Je m'arrêtai de parler en voyant qu'il ne réagissait pas. Un autre moment de silence s'en suivit où il sembla encore méditer mes paroles avant de me répondre.

    Encore une autre, en si peu de temps.

    — Tu es une humaine?
    — Hm..oui je suis bien humaine? lui répondis-je sans dissimuler mon étonnement. Parce que vous n'en êtes pas un?
    — Tu es sur les terres de Jade, l'incendie que tu as provoqué était proche du village des Kappas. Ils vont bientôt venir te chercher.
    — Me chercher? Attendez! Vous parlez des monstres?! en remarquant qu'il s'apprêtait à partir, je me relevait d'un coup pour m'avancer vers lui sans crainte, suivit de près par Diane. Il reprit parole quand je fus à un mètre de lui.
    — Ne dis à personne que tu m'as vue. Et quoiqu'il arrive, ne donne ta confiance à personne, encore moins aux gardiens d'Eel. On se reverra bientôt.

    Et je n'eus pas le temps de lui répondre qu'il me tourna le dos pour partir.

    — Non! Attendez ne partez pas! S'il vous plaît ne me laissez pas seule!

    J'essayai de le rattraper, en courant presque, mais je n'avais pas été assez rapide. L'homme en noir avait déjà disparu parmi les arbres. Maintenant, seule à nouveau, je craignais le pire.

    Mon attention se posa sur une pile de vêtements un peu plus loin, destinés à moi. J'en avais grandement besoin, au moins du positif. Je ne pus m'empêcher de sourire face au geste de l'homme masqué, préférant faire abstraction des sentiments confus et craintifs à son égard. Après tout, il m'avait sauvée la vie.

Yeni Hayat〘 Eldarya 〙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant