Yeni Hayat〘 Eldarya 〙

Chapitre 18 ; أمل

    Nevra, adossé contre l'un des murs en pierre, jetait son dévolu sur sa gourde de sang. Son regard croisa celui de la Kitsune qui l'avait rapidement rejoint. Il referma sa bouteille en cristal et s'essuya le coin des lèvres d'un geste sec.

     — Erell est au courant pour la prisonnière.

     Sa poigne se referma sur son bâton, elle s'y attendait. Les lèvres de Miiko s'entrouvrirent; elle lâcha un soupir tout juste perceptible.

     — Où est-elle maintenant?
     — Je l'ai laissée avec un Garde. Elle s'est ramenée pour "sauver l'humaine de nos griffes" selon ses dires, dit-il dans un ricanement.

     Tous deux, ils allèrent retrouver Erell. Nevra fut autant surpris que Miiko de retrouver l'humaine menottée et enfermée dans une cellule à son tour. Leur surprise augmenta d'autant plus en voyant le Garde chargé de la surveiller couvrant son nez de sa main, le bas de son visage en sang.

     — Qu'est-il arrivé pendant notre absence? demanda Miiko d'une voix forte et autoritaire, plus à l'attention d'Erell qu'à l'homme blessé.

     Le Garde eut du mal à articuler sa réponse tant il avait mal à chaque mouvement de sa mâchoire. Il leur expliqua brièvement qu'Erell était parvenue à libérer ses poignées à l'aide d'une dague qu'il n'avait pas repéré lors de la fouille. En la rattrapant, elle se défendit en lui foutant son coude en plein visage.

     Il craignait d'ailleurs qu'elle ne lui ait brisé l'arête du nez tellement le coup qu'elle lui avait acéré était fort.

     Miiko battit plusieurs fois des paupières face à ces aveux, son expression gagnant en profondeur. Elle était épuisée par les derniers évènements et là c'en était trop.

     — Tu peux aller à l'infirmerie te faire soigner. Dis leur que tu as eu affaire à un jeune satyre turbulent du refuge. Le reste des ordres te parviendra directement par ton supérieur hiérarchique.

     Le Garde lui remit le trousseau de clé et prit le chemin de sortie après son salut militaire. Miiko s'occupa elle-même de décadenasser la cellule et y entra en laissant la porte grande ouverte.

     Erell, les poignets liés derrière son dos, avait suivi toute leur conversation. La tête baissée, ses cheveux lisses d'un noir profond lui couvraient la totalité du visage. La Kitsune se mit à genoux au niveau de la femme -chose qui surprit Nevra- et lui fit relever la tête en appuyant sur le bas de son menton.

     Leurs yeux d'un bleu parallèle se confrontèrent durement. La tension était palpable, et Nevra préféra se tenir à l'écart.

     — Tu n'aurais pas dû faire ça.
     — Tu m'avais pourtant promis Miiko.
     — Qui t'a mise au courant de la situation?

     Erell scruta rapidement la femme, elle ne put retenir un ricanement fort qui rendit ses échos dans la cellule.

     — Tu t'attends sérieusement à ce que je te réponde? Après tout ce que vous m'avez fait? Tout ce que j'ai dû subir à cause de toi?

     Elle avait lâché ces mots avec un sourire aux lèvres, Miiko ne se sentit pas émue pour autant. Encore une fois, elle s'y attendait. Erell bouillonna encore plus en voyant le silence indifférent de la Kitsune. Là, elle explosa.

     — Je me dis que j'aurais très bien pu être à sa place, que je vous sers uniquement d'appâts à cristaux! Mais là, cette humaine, elle a pas de chance, il n'y aura aucun Oracle pour la sauver! Alors l'Étincelante va laisser ça secret, ils peuvent pas prendre le risque de rajouter une deuxième humaine et attirer les foudres de leur FOUTU Conseil!

     Contre toute attente, le regard de la Cheffe se fit tendre. Sa main chaude voyagea du menton de l'humaine vers la joue de cette dernière, essuyant une larme qu'Erell n'avait pas senti couler le long de sa peau claire.

     — Erell, il y a énormément de choses qui te dépassent encore à propos de notre monde. T'intégrer à la Garde a certes été difficile mais on a tenu tête au Conseil pour y arriver. Je ne te demande pas de nous être reconnaissante, c'est à l'Oracle que tu dois ta vie.

     L'humaine se contenta de soupirer tandis que la Kitsune la regardait toujours avec tendresse et compassion, ses quatre queues animales calmement posées derrière elle.

     — Vous êtes loin d'être pareilles elle et toi. Tu te souviens de ta mission sur les îles Kappa pour ramener Elliot à son village? Une partie de leur forêt a été brûlée, et les flammes allaient bientôt se propager jusqu'à eux s'ils ne s'y étaient pas opposés à temps. Un des protecteurs Kappa est toujours entre la vie et la mort, tu sais autant que moi à quel point les flammes peuvent être mortelles à ses créatures de mer. On redoute que ce soit la prisonnière derrière tout ceci.

     La soudaineté de l'annonce heurta l'humaine comme une gifle. Bouche bée, elle continua de regarder sa Cheffe, le regard brouillé par des larmes incontrôlées. Tout ce qu'elle avait gardé en elle depuis sa venue à Eldarya refit surface en quelques heures seulement.

     Ce n'était pourtant pas ce dont Ashkore lui avait fait part.

     Des bruits de pas empressés se firent entendre plus loin, Nevra reconnut rapidement la présence d'Ezarel.

     Quelque peu essoufflé, l'elfe se stoppa net en voyant Erell puis leur Cheffe à ses côtés. Il jeta un rapide regard questionneur à Nevra et préféra ignorer celui meurtrier que lui lançait Erell.

     — Miiko, c'est important, je dois te parler..seule.
     — Si c'est à propos de la prisonnière, tu peux en parler, elle est déjà au courant, lui répondit la concernée en le voyant hésiter.
     — Le test a été négatif, la prisonnière est bien humaine.

     Erell lâcha un soupir de soulagement, elle était à mi-chemin de sa mission de sauvetage.
Askhore ne l'avait jamais trompée depuis qu'elle le connaissait. Toutes les fois où la Garde lui avait menti, il avait été présent pour rétablir la vérité. Alors s'il disait que cette prisonnière était une humaine innocente, c'est qu'elle l'était, et Erell était prête à tout pour sauver l'une des siens dans ce monde où la miséricorde était pénible à obtenir.

     — Miiko, une humaine ne pourrait jamais causer des dégâts d'une telle ampleur, le vrai coupable erre encore au dehors à l'heure qu'il est. Tu ne peux pas punir une innocente à sa place, tenta Erell d'un regard implorant.

     Puis elle se tut. Elle espéra, elle crut trouver dans le regard inquisiteur de la kitsune, dans ses sourcils froncés, dans son silence lui-même, une sorte de remise en question; et bien que l'humaine savait qu'il ne fallait pas brusquer les choses; elle reprit parole:

    — Vous pourriez peut-être..me laisser la voir.

     Miiko redevint brusquement sérieuse, et posant la main sur l'avant-bras d'Erell elle murmura:

     — Ne précipite jamais ton jugement.

     Elle se leva, dépoussiéra ses genoux et appuya de son bâton sur le sol d'un coup calculé.

     — Nevra, détache Erell et raccompagne-la dans ses quartiers, il se fait tard.

     Le vampire acquiesça d'un hochement de tête. Elle lança un dernier regard à Erell avant de quitter la cellule, et rajouta:

     — Si tout se passe bien, tu pourras la rencontrer demain. En attendant, je te prie de me promettre le secret absolu de cette histoire, jusqu'à ce que je me décide. Je n'ai nul besoin de te prévenir de ce qu'il en adviendra si jamais tout ceci parvient aux oreilles du Conseil.

     Ses quatre queue de renards caressaient l'air calmement derrière elle, Miiko se mit au côté de l'elfe et plaça une main gantée sur son épaule.

     — En ce qui nous concerne Ezarel, retournons voir l'humaine.