Chapitre 7 سم ؛

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    Mes mains étaient en feu.

    Et bizarrement, mon sentiment de peur se transforma rapidement en une sérénité absolue.

    Ce feu, il me calmait, exactement comme le cristal au départ.

    Je ne ressentais plus aucune douleur, l'impression de me perdre dans les flammes valsant sur mes mains. Tellement envoûtée par la beauté du feu, je ne sentis même pas qu'il se propageait autour de moi. Avalant l'herbe fine en rampant avidement vers les arbres.

    Je ne savais pas combien de temps était passé, mais c'était sûrement assez pour qu'une dizaine d'arbres, les plus proches, prennent feu, alertant réellement les monstres villageois d'une présence étrangère sur leurs terres. Et vu l'ampleur des flammes, ils ne mirent pas longtemps à me retrouver.

    Un craquement se fit entendre derrière moi, me permettant enfin de détacher mes mains clouées au sol par douleur. Je pus, malgré ma myopie et les flammes autour, les voir distinctement. Ils étaient quatre, tous habillés d'une sorte d'armure et tenants fermement des arcs. Leurs flèches avaient toutes la pointe noire.

    Du poison.

    Je ne pourrais décrire à quel point je me sentais épouvantée et vulnérable face à ces monstres.

    — Non ! Ne m'approchez pas !

    Je regardai autour de moi, pas moyen de m'enfuir, j'étais encerclée par les flammes.

    L'un d'eux s'avança vers moi, tandis que les autres brandissaient leurs armes, prêts à tirer en cas de danger. Je reculai de trois pas, je n'osais pas les regarder en face tellement ils m'horrifiaient. Je leur criai encore une fois de rester loin de moi, ils ne m'écoutèrent pas. Au même moment que je sentis une de leurs flèches m'effleurer le cou, une chaleur étrange se propagea de mon ventre vers mes bras. Et là, je ne contrôlais plus mon corps. Je vis uniquement des flammes ardentes se propager de mes mains vers les monstres.

    Je ne me rappelais plus de rien après ça, ce que je savais, c'est que l'instant d'après, je m'enfuyais aussi rapidement que je le pouvais. Le souffle coupé, je ne pouvais pas me permettre de ralentir. Et tellement que j'avais couru, je finis par m'écrouler sur le sol. Épuisée, non, à moitié morte.

   Un léger moment pour reprendre mes esprits. Il faisait toujours nuit noire, mais le reflet de la lune sur la cascade devant moi, quoique petite, éclairait quelque peu les alentours.
De grandes et anciennes statues, recouvertes de mousse et de mauvaises plantes, laissaient comprendre que l'endroit était en réalité un ancien lieu de culte religieux, abandonné depuis plusieurs années.

    Après ma longue course, l'eau devant moi ne mit pas longtemps à m'attirer vers elle. Agenouillée devant la source, le son de l'eau qui coulait de rocher en rocher était tant harmonique qu'il procurait un sentiment de paix intérieure. Pas étonnant qu'il eût était jadis un lieu de prière et de recueillement.

    Je tendis mes mains, constatant que je n'avais aucun signe de brûlure je m'avançai un peu plus en m'appuyant sur le sol pour pouvoir apaiser ma soif.

    C'est là que je La vis, la femme qui hantait mes rêves.

    Elle était devant moi, de l'autre côté de la paroi d'eau, me fixant de ses yeux lumineux et totalement blancs, aussi blancs que ses cheveux, contrastant avec sa peau ébène, paraissant plus sombre que le noir.

    Combien de peines devais-je vivre ce soir ? J'étais épuisée, je n'en pouvais plus. Était-ce au moins réel? Je perdais ma raison.

    Terrorisée à nouveau, je ne bougeai pas. J'attendis qu'Elle sorte de l'eau, qu'Elle dise un mot, mais rien. Je la fixais, et Elle me fixait en retour.
Quelque chose n'allait pas, qu'attendait-Elle pour m'attaquer? Et qu'attendais-je à rester à genoux plutôt que de m'enfuir ?

   Ma main effleura l'eau, et son doigt se posa au même endroit que le mien. Pourtant, je ne sentis rien d'autre que la froideur de la source. J'essayais d'autres gestes, Elle m'imita parfaitement. Enfin, je jetai un caillou là où Elle se trouvait, son image se brouilla sous l'effet. C'est là que je compris.

    En réalité, depuis tout ce temps, Elle était mon reflet.

    Ça n'avait aucun sens.

    Je regardai instinctivement mes bras, puis mes cheveux, leurs couleurs n'avaient pas changé, j'avais toujours les cheveux bruns et la peau claire. Alors pourquoi est-ce que je la voyais Elle plutôt que mon propre reflet ?
    Si je suis la chronologie de mes rêves; je me perds dans une grotte, je trouve le cristal, je rencontre la femme et Elle essaie de me tuer. Comment ça se fait qu'elle soit...moi ?

   Un picotement au niveau de mon cou me fit sortir de mes pensées. Je portais mes doigts à cet endroit, c'était là où j'avais reçu la flèche. J'ai eu de la chance qu'il m'ait manquée.

    Et sans que je puisse comprendre ce qui m'arrivait, une main humide et glaciale m'empoigna les cheveux, tandis qu'une autre me serra par la gorge.

    Une grande secousse me traversa le corps et je me sentis brusquement emportée vers l'avant. Je fermai les yeux en me sentant tomber, et rapidement je me retrouvai entièrement projetée sous l'eau.

    L'eau s'infiltrait sous mes vêtements, dans mon nez et dans ma bouche grande ouverte par un cri de peine. L'eau me submergeait de tous les sens, j'essayais de me débattre comme je le pouvais, mais Elle me tenait fermement, m'emprisonnant sous un mur liquide de silence.

    Elle m'avait bien eue.

    Je  luttais pour gagner la surface qui m'appelait à portée de main mais Elle m'entraînait toujours vers les profondeurs ; et mes bras et mes jambes s'agitaient inutilement. Je me battais pour lui faire lâcher prise, en vain.

    Ses yeux blancs et lumineux étaient la seule chose que je pouvais voir dans ce noir. Je pus remarquer qu'elle avait des sortes de tatouages ronds et dorés sous les yeux. Elle m'avait fait croire que je délirais, qu'Elle était uniquement mon reflet, tout ça pour profiter d'un moment d'inattention de ma part pour me noyer dans cette eau glaciale.

    La main tendue, je sombrais. La forte lumière blanche de la lune venue du ciel, seul objet qui éclairait les deux côtés de la cascade. Ses rayons doux serpentaient dans mes cheveux alors que de petites bulles s'échappaient encore de mes lèvres, montant vers la surface que je ne pouvais atteindre.

    Ma vue se brouilla, j'allais bientôt perdre connaissance. C'était terminé. Elle m'a eue, Elle a gagné. Voici ma fin.

Yeni Hayat〘 Eldarya 〙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant