Yeni Hayat〘 Eldarya 〙

Chapitre 3 عمري ؛

    Pour la énième fois, je déchirai une feuille de mon carnet de dessins puis l'écrasai nerveusement pour en créer une boule difforme qui finira, comme ses semblables avant elle, dans un coin de ma chambre. Cela faisait maintenant 3 jours que je n'arrivais plus à me concentrer. La fatigue et le stress avaient vite marqué leurs présences sur mon corps, mon appétit ainsi que mon humeur.
    D'un côté les rêves avaient cessés. J'osais espérer que c'est pour de bon cette fois, et non un autre calme avant la tempête.

    De plus, les seules deux personnes qui arrivaient à me rassurer n'étaient pas disponibles pour moi. Gabriel répondait presque à mes messages, lui-même subissant la fatigue de son travail. Margot était sur son petit nuage et je ne voulais pas gâcher sa sérénité avec mes ondes négatives.

    Je pris une grande inspiration, les yeux clos. Respire, expire. Allez Lili, tu vas t'en sortir seule, t'es une battante. N'essaie pas de te forcer, l'inspiration viendra après. Tu laisseras Madame Bernardi bouche bée avec ta création, tu as encore du temps.

    Quittant ma chaise de bureau, je pris mon carnet, mon crayon et mon téléphone avec moi. Être au salon m'aiderait peut-être à mieux réfléchir ? Ma chambre, même si elle était désormais rangée, n'avait jamais été un endroit propice pour moi afin de travailler.

    J'avais prévu d'appeler ma mère dimanche, trois jours après je ne l'avais toujours pas fait. Je ne sais pas quelle raison m'en empêchait, mais je ne m'osais pas chercher son numéro dans mon répertoire. Une part de moi me disait que je n'avais certainement pas envie de lui mentir; lui dire que tout allait bien pour ne pas l'inquiéter, alors que tout n'allait clairement pas bien.
    Assise sur le canapé du salon, je ramenai mes genoux à mon menton, enroulant mes bras autour pour les maintenir. Regard perdu dans le vide, mes pensées voyagèrent parmi les souvenirs de ces derniers jours.

— * —

    Lundi, vêtue de ma jupe noire, de cuissardes et d'une chemise blanche, je me dirigeai vers la salle de Madame Bernardi. Elle fut d'abord très surprise de voir que j'étais la première à venir. 

    Vers la fin du cours, Madame Bernardi nous informa du dernier projet à rendre. Celui qu'on attendait tous avec impatience depuis le début de l'année. Savoir qu'on y était arrivé me donna la boule au ventre.

    — L'année touche à sa fin, et comme vous le savez tous, les meilleurs auront droit de participer avec une création au défilé de fin d'année. Chacun de vous devra créer une robe sen-sa-tionnelle, digne de votre place ici. Surprenez-moi, mais surtout, je veux que vos robes parlent de leurs créateurs d'elles-mêmes. Les autres juges et moi-même devront pouvoir reconnaître qui a fait quoi rien qu'en regardant vos créations. Et n'oubliez pas qu'elles représenteront la moitié de votre note de cette année. Avez-vous des questions ?

— * —

    Je relâchai mes jambes. Mes yeux se posèrent sur mon carnet à mes côtés. Je le saisis, délicatement, avec son crayon. Mon attention se porta sur l'unique feuille que je n'avais pas déchiré aujourd'hui.
    Comme ma robe devait impérativement me représenter, j'avais noté quelques informations me concernant, espérant que cela m'aiderait.

   " Prénom ; Elif ( celle qui est parfaite ) "
     Surnom ; Lili
     Âge ; 20 ans
     Naissance ; 15 août
     Signe ; Lion
   " Couleur ; Rose "

    Tout en lisant, mon cerveau creusait pour trouver d'autres points utiles me concernant, mais rien ne venait.
    Le flot de mes pensées fut interrompu par la sonnerie de mon téléphone. Je répondis aussitôt, c'était Gabriel.

    — Bonsoir Omri, répondis-je d'une voix douce.
    — Bonsoir Elif. Comment ça vas-tu ? Rien qu'à ta voix je sens que t'es claqué.
    — T'as visé juste, je viens de rentrer. J'ai pensé directement à t'appeler.
    — C'est gentil..tu m'as manquée, avouai-je presque en me blottissant au fond du canapé.
    — Mon ange ? Dis-moi, qu'est-ce qui te tracasse ?

        Il me connaissait tellement bien que seul quelques mots l'alertèrent.

    — Hm, pas grand chose. Tu n'as pas à t'inquiéter.
    — Tu veux que je vienne ce soir ?
    — Non Omri, pas ce soir, j'ai énormément à faire. Demain si tu veux ?
    — Demain me va, je t'appellerai avant de venir quand j'aurais fini ma journée. Prends soin de toi.
    — Toi aussi, à demain.

    Deux heures s'étaient écoulées depuis mon appel avec Gabriel. Avant de raccrocher, je lui avais expliqué en détail mon projet à rendre dans 12 jours et à quel point l'inspiration m'avait totalement laissée tomber. Margot était rentrée entre-temps d'un autre rendez-vous avec son monsieur. Ça me faisait plaisir de voir qu'elle passait de bons moments avec lui, rien qu'au sourire qui illumine son visage chaque fois qu'elle rentrait.
    Moi, de mon côté, j'avais préféré la procrastination; ma meilleure amie depuis le début de l'adolescence il faut dire. Un vrai fléaux, je vivais avec une relation toxique d'amour et de haine.

— * —

    Je m'apprêtais à préparer mon lit pour m'endormir quand mon téléphone vibra. " Omri ♡ à l'instant : Prépare tes affaires pou.."

    Le téléphone vibra encore, un autre message. J'appuyai sur la notification pour comprendre.

Omri ♡: Prépare tes affaires pour au moins 4 jours
Omri ♡: J'ai pris le reste de la semaine pour nous deux
Omri ♡: J'ai déjà loué, la transaction est passée tu ne peux pas refuser
Sonic la râleuse: tu ne demandes même pas si j'ai à faire ?
Omri ♡: Tu m'as dit toi-même que tu n'as pas cours jusqu'au lundi d'après
Sonic la râleuse: t'as un point
Sonic la râleuse: où est-ce qu'on va ?
Omri ♡: Ça tu ne le sauras que demain
Omri ♡: Je passe à midi si t'es pas prête j'te kidnappe
Sonic la râleuse: Gabriel t'as officiellement perdu la raison
Sonic la râleuse: mais allez jsuis partante
Omri ♡: Et comment, t'avais pas le choix

    Gabriel avait raison, je devais changer d'air. Je ne pus m'empêcher de sourire tellement son initiative me fit chaud au cœur. Il pensait vraiment à moi. Et après presque 2 ans de relation je n'arrivais toujours pas à m'y faire.
    Ce fut avec le sourire et la conscience plus tranquille que je m'endormis, enlaçant un long coussin contre moi. Ce soir non plus, je ne La revis pas dans mes rêves.