-CHAPITRE III-

210 20 4
                                    

Une oreille, c'est tout ce qu'avait pu prélever Sigváld du cadavre encore chaud de la bête. On ne distinguait même plus la peau pâle de ses avant-bras. Son visage était tâché, ses cheveux collants et poisseux, tous ces vêtements étaient également constellés de tâches. Lorsque la longue lame d'argent s'était enfoncé profondément dans le crâne du cyclope, le jeune guerrier avait bien failli être noyé sous un flot de sang chaud. Rassemblant ses affaires, Sigváld laissa ici le corps croulant de Dramélor n'emportant qu'une oreille du monstre et ne s'attarda pas plus longtemps dans ces bois sordides. Il entama son retour au pays au beau milieu de la nuit, attendant d'être sorti de la forêt pour se reposer. Le jeune guerrier passa une nuit affreuse, ses côtes le faisaient encore souffrir et l'adrénaline encore présente l'empêchait de dormir, pourtant au beau milieu de la nuit, il s'écroula de fatigue et dormit jusqu'à ce que le soleil ait atteint la moitié de son parcours le lendemain matin. Il se leva et chercha longtemps son cheval qu'il avait laissé attaché à une branche à l'orée de la forêt. Son destrier se trouvait bien là où il l'avait laissé et semblait en bonne santé. Après l'avoir rassuré et lui avoir flatté l'encolure, il le détacha doucement et se hissa comme il le put sur la selle. Il avala une portion de viande séchée et se mit en route. Si le voyage le menant jusqu'à sa cible ne lui avait pris qu'un jour et demi, celui du retour risquait d'être plus long, ne pouvant pousser son cheval à partir au galop à cause de sa douleur dans les côtes. Son périple se déroula comme prévu jusqu'au soir. Sigváld ne rencontra personne en chemin et, lorsque que le soleil commença à décliner à l'horizon, il s'installa sur une haute butte de terre dominant les territoires voisins. Il se devait de rentrer chez lui avant la fin du lendemain ou il se verrait contraint de chasser à nouveau. Sigváld mangea à nouveau un morceau de viande de lapin tandis que son cheval, lui, se délectait de l'herbe grasse de la colline sur laquelle il avait installé son campement. Le jeune guerrier, assis sur sa cape couverte de sang et de boue, admira longuement le soleil plonger à travers les hautes montagnes à l'ouest. Il s'endormit tôt, épuisé par son voyage. Il fut brusquement réveillé par des bruits étranges pendant la nuit, il dégaina instinctivement son épée d'agent et tendit l'oreille. Il entendit une meute de loup hurler à la mort dans la vallée en contrebas, il resta tapis par terre mais son cheval, également réveillé par les hurlements paniqua et se mit à hennir bruyamment. Attirés par les bruits venant du sommet, les loups s'empressèrent de grimper au versant, les babines retroussées. Sigváld n'avait, pour s'éclairer que la lumière de la lune et il eut du mal à discerner ce qui se passait sur le flanc de la colline sur laquelle son cheval continuait d'hennir à n'en plus pouvoir, tentant de se détacher du rocher auquel un solide nœud le maintenait. Les loups se rapprochèrent dangereusement, le jeune homme comprit bien vite leurs intentions, il se jeta devant son cheval tenant la fusée de son épée des deux mains. Le premier loup l'aperçu et chargea, le coup fut bref et puissant, son pelage se teinta de rouge et il s'écroula aux pieds du guerrier. Les loups étaient nombreux, et si la mort de l'un d'entre eux en avait fait reculer certains, deux autres s'approchèrent lentement et attaquèrent subitement. Le premier eut la patte avant droite tranchée mais, tandis que Sigváld s'occupait de lui, il ressentit une douleur cuisante dans le haut de la cuisse. Il poussa un hurlement, tomba à genoux et, à hauteur du loup responsable de sa chute, il lui trancha la tête d'un coup vif en tenant d'une seule main sa lourde épée d'argent. Le reste de la meute hurla à la mort et s'enfuit rapidement dans les bois bordant la colline. Le sang coulait abondamment de sa blessure à la jambe, s'emparant d'une gourde d'alcool dans son sac de voyage, il retira le haut de sa braie et s'aspergea la cuisse d'alcool fort. Il réprima un cri de douleur, pansa sa blessure avec un bout de sa cape, rassembla ses affaires et monta sur son cheval. Malgré ses côtes toujours très douloureuses, il accéléra l'allure afin d'arriver à la capitale le plus tôt possible. Il n'emprunta pas les routes, ne fit halte dans aucuns villages, coupant à travers champ jusqu'au matin. Il ralentit l'allure lorsqu'il vit le soleil commencer son ascension dans le ciel. Sa douleur au ventre devenait maintenant insupportable et il ne put continuer son voyage sans prendre au moins un peu de repos et un déjeuner. Il s'arrêta au milieu d'une clairière et dévora tout ce qui lui restait de viande de lapin. Il s'endormit ensuite quelques heures, laissant ainsi son cheval faire de même. Sigváld repartit peu avant midi, il n'était maintenant plus loin de son objectif mais ses forces commençaient à le quitter peu à peu, il lui fallait atteindre la cité avant la nuit. Le destrier du jeune homme parvint encore à galoper quelques temps avant de repasser au trot. L'animal failli tomber à maintes reprises, exténué, dans les chemins tortueux coupant au travers de la forêt la plus proche de la ville. Le champ de vision de Sigváld se troublait, tout devenait flou autour de lui, ses côtes lui étaient si douloureuses... Sa cuisse avait recommencer à saigner, sa braie était maintenant imbibée de sang, les arbres sombres de la forêt semblaient l'épier et lui bloquer le passage. Le front du jeune guerrier était bouillant et suait à grosses gouttes. Ses paupières se faisaient lourdes, ses forces le quittaient définitivement, sa lance lui échappa et vint plonger dans une flaque de boue en bordure du chemin. Lorsque Sigváld arriva enfin en vue de sa cité natale, le soleil réchauffait la terre dans la plus belle fin d'après-midi que l'on avait vu depuis le début de la saison. Il dut fermer les yeux, sous l'éclat soudain de la lumière du soleil. Ceux-ci refusèrent de se rouvrir, la tête lui tournait, toutes ses douleurs s'étaient soudainement envolées, il n'entendit même pas le cor de la garde sonner son retour, pas plus qu'il ne se sentit glisser lentement de son cheval. Tout devint noir et soudainement, il ne ressentit plus rien.

La Dernière Marche du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant