-CHAPITRE XVI-

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La longue marche qu'ils eurent à faire pour parvenir jusqu'au roi lui parût interminable. Quand enfin, ils arrivèrent dans la salle du trône, Ome sut de suite que c'est dans les minutes qui suivraient que son sort serait scellé. Il repartirait d'ici vivant, de ça il était sûr, mais dans quelle direction? Ses appartements ou les cachots? Angvár siégeait sur son trône de bois massif, le dos droit et le regard perçant. À sa droite, la reine Elda paraissait fière malgré ses yeux fatigués qui témoignaient tous deux de sa nuit blanche. Elle était prostrée sur son propre trône, légèrement plus fin mais pas moins imposant, aux côtés de son mari. Sigváld, lui, se tenait debout sur la grande estrade de bois, quelque peu reculé, mais tout de même assez près pour intervenir si besoin dans le combat qui allait se jouer sous ses yeux. Son père fulminait rien qu'à les voir, tous les quatre, ces traîtres dans leur tenues or et rouge. Car c'était bien de trahison que tout cela tenait, souhaiter la mort de son prince et le clamer tout haut, peu importe les circonstances et la raison, était passible du gibet. Dans la capitale, les peines de morts étaient moins courantes, l'atmosphère générale de la ville rendait peu enclin les voleurs à s'y exercer. Les rues étaient bien surveillées, de jour comme de nuit, et les honnêtes villageois s'y sentaient en sécurité. Mais un cas comme celui-ci pouvait parfaitement faire prendre au roi des décisions quelques peu hâtives. Il fallait qu'Angvár parvienne à trouver un compromis capable d'épargner les prêtres et de mettre son propre fils en sécurité. Il lui était impensable de livrer le prince en sacrifice à Gauriandre, tout comme il lui était impensable de condamner à mort quatre membres du Temple. Pourtant, il fallait reconnaître que la tentation était grande. Sans les saluer, le roi s'adressa directement aux religieux:

«-Expliquez vous.

Ce fut Rurik qui répondit le premier, s'agenouillant.

-Mon roi, je vous jure sur ma foi qu'il n'était nullement dans notre attention de vous offenser. Croyez moi bien, je suis réellement navré de la tournure que prend les événements, tout ceci n'aurait jamais du arriver, mais en souhaitant combattre pour une noble cause, en souhaitant protéger son peuple, le prince s'est attiré les foudres de notre créateur. Jamais un prince ne devrait subir de telles tortures, j'en suis conscient, mais c'est pour assurer notre survie que nous sommes ici. Pas seulement celle de la capitale, mais celle de toutes les villes du royaume, celle de tout un chacun. Ce sont tous les royaumes du Nord qui sont menacés à présent. Gauriandre peut à tous moments décider de créer une armée propre à réduire une ville glorieuse à un tas de ruines fumantes. Il a peut-être même déjà commencé, si c'est le cas, quel temps nous reste-t-il encore à vivre? Sire, j'ai pressenti sa colère, nous l'avons tous pressenti ici. C'est malheureusement au prince lui-même de payer de sa vie pour l'affront qu'il a commis auprès du géant-univers.

-L'affront qu'il a commis? Sigváld a vengé des dizaines de vies et probablement sauvé des dizaines d'autres! Vous n'avez aucune idées de ce que vous me demandez, vous livrer mon fils, mon fils unique, héritier du trône et du royaume? Vous osez profiter de mon hospitalité, tout ceci pour voler la vie de mon enfant, en me l'échangeant contre un présent en or? Rapportez cette vulgaire statuette à vos maîtres, je la refuse, renoncez dès maintenant à accomplir la tâche pour laquelle vous êtes venus, et je supporterai peut-être encore quelques temps votre présence dans ma ville, refusez, et vous serez pendus, haut et court.

Un silence perclus d'émotions contradictoires se fit entendre dans la grande salle. Sigváld n'avait jamais entendu le roi parler avec une telle colère, on pouvait aisément discerner la haine qui se lisait dans son regard. Après avoir retenu son souffle un court instant, Ome prit la parole et s'agenouilla également devant les escaliers de bois menant à l'estrade.

-Mon roi, il en sera fait selon vos désirs, je vous promets que jamais nous n'oserions toucher au prince sans votre approbation et la sienne. Si nous ne pouvons les obtenir, alors nous resterons quelques jours encore dans la capitale, afin de se recueillir aux différents temples. Nous prierons Gauriandre, nous le prierons d'être indulgent, et d'épargner nos vies ainsi que celles de nos proches.

La Dernière Marche du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant