Ceux qui vivent dans l'ombre

Chapitre n°6 ( partie une )

Le bâtiment face auquel je me trouve me fais penser à une cathédrale miniature. Ceux qui ont œuvré pour que cet endroit voit le jour se sont donnés beaucoup de mal pour un simple lycée. Ce n'est pas ici que se sont passées mes années folles de lycée, mais c'est un établissement réputé dans la ville et apparemment sa réputation a dépassé les frontières des humains pour arriver aux oreilles des monstres puisque l'édifice est infesté de goules.

L'endroit se trouve dans une zone plutôt calme de la ville, pas un seul bar dans les environs. Il n'y a pas non plus beaucoup de lumière dans ce quartier, un réverbère de faible intensité par ici, un autre clignotant à dix mètres. En plus, depuis ma position actuelle, c'est-à-dire, la cour arrière du grand bâtiment qui fait office de collège, j'ai une prise de vue en contreplongée du cimetière de la ville, niché au sommet d'un terrain en pente. Seules les stèles et quelques croix sont encore visibles. Les tombes recouvertes d'une épaisse couche de neige donnent l'impression d'avoir fait une pause dans le temps à cet endroit qui n'est déjà plus très vivant.

Il se donne une ambiance austère et mystérieuse. Ce lieu a de quoi filer des frissons aux plus superstitieux, et le climat n'arrange rien. Il ne manque plus qu'une lune pleine en fond d'image et le décor sera plus que parfait pour un film sur le réveille des morts.

Je me détourne de ma contemplation lorsque les lumières de ce que je suppose être une voiture m'aveuglent. Éblouie, Je place la main en visière devant mes yeux pour les protéger et mieux voir le véhicule qui apparait à l'angle de la rue. Je suis sa progression des yeux pour savoir si ce sont les personnes que j'attends. J'obtiens confirmation lorsque je reconnais le véhicule comme un des 4x4 noirs de la corporation s'arrêter sur la place aménagée à cet effet, à côté de ma voiture. Je jette un œil à l'horloge de mon smartphone, il est minuit précise. Ils sont pile à l'heure !

À travers les grilles qui clôturent l'établissement, je peux voir trois silhouettes descendre en même temps de chaque portière. Une du côté conducteur, je peux voir que cette personne est élancée et svelte, une touffe de cheveux ondulés, si je me réfère aux dossiers que j'ai lu sur l'équipe que je dois accompagner ce soir, je dirais qu'il s'agit de Néo Véres, de par la coiffure. La silhouette suivante, celle qui sort du côté passager je ne peux avoir aucun doute, vu sa taille qui est largement supérieure à celle des autres et l'épaisseur du spécimen, c'est Bastien Bortholomew Tudose.

En le reconnaissant, je retiens de justesse un sifflet d'animation. De quoi j'aurais l'air ? Je n'ai pas envie qu'il pense que je suis du genre à reluquer les gens comme une perverse sans gêne, on peut mieux faire comme première impression. Il n'empêche que je suis en admiration devant une telle carrure. En grandeur nature il est beaucoup, beaucoup plus impressionnant que sur une vulgaire image. Je ne dois même pas lui arriver aux épaules à ce colosse. Non seulement il doit frôler de très près les deux mètres mais en plus il pourrait peser une tonne. Une imagination trop débridée aura vite fait de le prendre pour un ogre ou quelque chose du même genre.

La troisième silhouette qui sort de la partie arrière doit appartenir à Nolan Lechang.

Lorsqu'ils arrivent à ma hauteur je souris en coin, plus par fierté en constatant que je ne me suis pas trompée sur leurs identités que par courtoisie. Malheureusement, il est difficile de voir leurs traits, il fait trop sombre pour ça. Même si je peux apercevoir les iris de Nolan. Étrangement coloré de vert et de violet, ils brillent légèrement dans la nuit. Je ne sais pas si c'est normal, si ce sont des lentilles ou une maladie, mais je les trouve plutôt beaux. J'ai l'impression que si je les fixe trop longtemps, je pourrais m'y faire happer et entraîner vers les tréfonds de son âme.

Mais par chance, le dénommé Néo me sort de ma contemplation, quand me tend la main en me donnant un grand sourire, qui pourrait me faire oublier que c'est la première fois qu'on se rencontre tant il est naturel et avenant.