Chapitre n°17

0 0 0
                                    

Dans le tas de ferraille ayant comme seul structure un squelette métallique qui ne protège aucunement des intempéries externes, Marc et moi roulons plus ou moins vite, puisque je ne suis pas au volant, évidemment, les cheveux aux vent et lunettes fumées au nez sur une route presque déserte. Le peu de voiture que nous croisons contiennent des passagers qui à chaque fois, nous regardent avec surprise et incrédulité, étonnés de voir deux imbéciles habillés de manière plutôt suspecte et conduire à vive allure dans un véhicule bien trop décapotable pour la saison.

Cette pensée me provoque un rire qui attire le regard curieux de Marc sur moi, mais je lui réponds par un sourire avant de retourner à mes pensées.

Ça fera bientôt deux heures qu'on roule vers l'entrée du réseau d'égouts de la ville car plutôt dans la matinée, un de nos lanceurs d'alerte dans la police nous a signalé la présence de plusieurs exogènes différents au même endroit, en même temps. C'est à nous qu'incombe la tâche de vérifier l'information. Youpi !

- Il pourrait s'agir d'une fausse alerte ou d'un canular, dis-je pour enfin sortir du silence.

- Une fausse alerte ? Possible, mais un canular... après ce que tu as fait à ce pauvre type, j'en doute.

L'évocation de se souvenir qui m'était sorti de la tête jusque-là me provoque un fou rire soudain. Il s'agit d'un des meilleurs souvenirs de nos débuts dans la corporation.

- Ça te fait rire ? Il a eu la peur de sa vie. Je ne sais toujours pas comment tu as pu penser l'enfermer dans un conteneur infesté de Vers de Cayenne. La tête qu'il faisait quand on l'a sorti de là...

Cette fois, j'éclate de rire au souvenir de ce moment épique. Il était déjà lanceur d'alerte depuis peu quand Marc, Anton et moi sommes entrés officiellement à la corporation et ce type avait appris la nouvelle quelques jours auparavant.

Je sais que les bizutages peuvent être monnaie courante pour les nouveaux dans presque tous les milieux, je l'aurais accepté si ça avait été une blague stupide, quelque chose d'innocent. Mais ce dégénéré n'avait rien trouvé de plus tordu à faire que de nous faire courir une nuit et une journée entière sur la fausse piste d'un exogène dans les quatre coins de la ville pour nous indiquer un poulailler où il avait pris commande pour des œufs qu'on devait juste lui rapporter. Cela n'a l'air de rien comme ça, mais après tout le mal qu'on c'était donné... J'ai un seuil de tolérance à la connerie assez limité. On a appris plus tard qu'il avait une dent contre les nouvelles recrues après avoir lamentablement échoué ses tests pour intégrer la corporation active.

- Je n'ai fait que lui donner un aperçu de ce qu'est la vie de terrain. N'est-ce pas ce qu'il voulait ?

- As-tu la moindre idée des ennuis que tu aurais eus, si cette histoire était remontée jusqu'au capitaine.

- Je ne m'en suis jamais soucié, il n'aurait rien dit de toute façon. Il aurait eu trop honte qu'on sache qu'il s'était littéralement fait dessus à cause de pauvres petits vers de cayenne. Son ego en aurait pris un coup trop important.

Bien qu'il essaie de se retenir, Marc finit par s'esclaffer la bouche grande ouverte, alors que je le rejoins. Les automobilistes proches de nous doivent nous croire défoncer pour rire ainsi. Mais le truc c'est que, ce ver, outre le fait qu'il soit abominable à regarder et infecte à sentir, il est inoffensif tant qu'il n'a pas atteint la maturité. N'importe quel imbécile ayant suivi une formation adéquate le sait, il ne devrait donc pas être pris de panique au point de pleurer sa maman et de se faire dessus.

Mais pour ma tranquillité, je n'ai eu qu'à l'avertir de partager la vidéo prise à tout le bâtiment si jamais il prenait le risque de l'ouvrir. La menace a dû fonctionnée puisque nous sommes toujours les seuls au courant de cette histoire aujourd'hui.

Ceux qui vivent dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant