4: Une retenue scandaleuse

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– Merlin, soupira de désespoir Nora, affalée dans le fauteuil de notre salle commune aux lueurs vertes et sombres.

– Arrête de te plaindre, tu vas avoir un rencard avec ton mystérieux Mr Black, essayai-je de lui remonter le moral.

   La sorcière se retourna sur le ventre pour me faire face, la tête appuyée sur l'accoudoir.

– Non, Mayline. C'est une retenue. Il ne sait même pas qui je suis, se lamenta-t-elle en se retournant une nouvelle fois pour se retrouver sur le dos, un bras sur le front d'un geste théâtral et en soupirant à fendre l'âme.

   Je secouai la tête de gauche à droite en souriant, ma meilleure amie était une personne très dramatique quand elle le voulait. Je replongeai dans la lecture de mon livre, voulant connaître la suite des aventures de cet étrange Bilbo Baggins.

– Qu'est-ce que tu lis? me sortit encore Nora de ma lecture.

   Sans répondre, je soulevai le livre pour lui montrer sa couverture et son titre, pour qu'elle me fiche la paix. Peine perdue puisqu'elle rajouta:

– Le Hobbit? C'est quoi ça? Une nouvelle créature?

– Mais non, finis-je par me relever, lâchant mon œuvre littéraire sur mes genoux. C'est inventé. Ce n'est pas réel. Les Moldus raffolent de ce genre de livre, où le fantastique règne, parce qu'ils veulent croire en la magie. Et comme ils ignorent tout de notre existence, c'est la solution qu'ils ont trouvée, finis-je, fière de mon petit laïus.

   Nora se redressa une nouvelle fois, me regardant comme si je venais de me métamorphoser en acromentule.

– C'est carrément flippant...

– Les sorciers vont dans des écoles où notre vie est en jeu à chaque seconde, ils ont des bonbons qui peuvent te trouer la langue, des photos qui bougent, des miroirs qui parlent et tu trouves que des humains sans pouvoirs magiques qui écrivent des histoires légendaires est flippant? explosai-je, incompréhensive face à son blocage.

– Et encore, t'as pas tout vu. Ma grand-mère avait une garde-robe qui chantait et qui voulait absolument affubler toutes les filles qu'elles croisaient de perruques blanches qui dataient sûrement de l'époque de Louis XIV.

   Ce fut à mon tour de la regarder comme si des Botrucs venaient de prendre racine sur sa tête.

– Je dis ça parce que c'est du vécu, évidemment. Elle se surnommait Mrs de Garderobe et me poursuivait dans tout le manoir en sautant des différents étages. Alors maintenant, à chaque fois que je vois une armoire, je vérifie qu'elle n'est pas vivante. C'est une sorte de traumatisme.

   Prise d'une soudaine angoisse, je m'enfuyai.

– Où est-ce que tu vas? s'écria Nora.

– Vérifier que l'armoire de notre chambre ne cache pas de maléfice. Je ne veux pas me retrouver demain matin avec une écharpe étrangleuse.

– J'ai déjà vérifié!

   Malgré ses capacités magiques, mon amie avait tendance à oublier certains détails qui avaient leur importance. Refusant de mourir prématurément, je piquai le sprint de ma vie jusque dans notre dortoir, silencieux, beaucoup trop silencieux.

– C'est trop calme, murmurai-je pour moi-même. J'aime pas trop beaucoup ça. Je préfère quand c'est un peu trop plus moins calme.

– Mayline, chuchota en retour Nora, qui m'avait suivie. Qu'est-ce que tu fais?

– Chut, lui intimai-je avec un doigt en travers des lèvres.

   Baguette à la main et concentration à fond, je m'avançai prudemment, redoutant que quelque chose me saute à la figure dès que je toucherais la poignée de porte de notre garde-robe. Un stress angoissant m'envahit tout entière quand j'ouvris enfin le pan boisé d'un geste brusque qui faillit l'arracher de ses gonds.

Vert & Argent?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant