2 - Quand tout a commencé

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Automne 2014


Je n'arrête pas de pleurer. Depuis que maman m'a dit que papa était malade, les larmes ne veulent plus arrêter de s'échapper de mes yeux. Quand elle a dit qu'il avait un cancer, je n'ai pas vraiment compris, mais Elisa s'est mise à pleurer, alors j'ai pleuré aussi. C'était plus fort que moi, je me cale souvent sur les émotions de ma sœur. Puis ma mère a essayé d'être plus claire. J'ai dix ans, je suis assez grand pour qu'on m'explique les choses. Mais peut-être que je ne le suis finalement pas assez... Je me demande si je voulais vraiment savoir. Maintenant, je me sens impuissant. Je ne peux rien faire pour mon père, je suis un fils inutile qui doit regarder son père mourir.

— Eli ?

Je lève la tête de ma couette où j'ai enfoui mon visage pour pleurer. En voyant Sora à la porte de ma chambre, je m'essuie le nez, puis les yeux. Dans le mauvais ordre, ce qui est répugnant, mais je suis trop triste pour m'en soucier.

Mon meilleur ami entre et ferme la porte derrière lui. Silencieusement, il s'approche de mon lit où il s'assoit. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi dire. Je me sens désemparé.

— Sayaka m'a dit...

— C'est Elisa qui lui en a parlé ? parviens-je à articuler.

Il hoche la tête. Je renifle encore un coup, puis je me redresse pour me retrouver assis à sa droite. Nous restons côte à côte, sans prononcer un mot, les yeux perdus quelque part dans ma chambre. Mon regard se porte sur le cheval à bascule qu'a fabriqué mon père pour moi quand j'étais encore plus petit que maintenant, et les larmes coulent à nouveau.

Sora prend ma main maladroitement. Je sens qu'il ne sait pas quoi faire, lui non plus, mais la chaleur de son corps se diffuse dans le mien et me fait du bien. C'est le cas depuis notre rencontre, il m'apaise. Parfois, il s'énerve très fort, beaucoup, mais même dans ces moments-là, il me calme. J'ai le sentiment qu'il hurle pour moi. Même s'il lui arrive aussi de hurler sur moi. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il est doux avec moi.

Je m'autorise à poser ma tête sur son épaule en serrant sa main de toutes mes forces.

Nous restons ainsi un long moment, jusqu'à ce que mes sanglots se calment. J'ai super mal à la tête, à force de pleurer !

— Tu connais la légende des mille grues ? demande soudain Sora.

Je secoue la tête.

— C'est une légende japonaise. Elle dit que si on plie mille grues en papier, on peut voir son vœu exaucé. Les Japonais font ça pour aider les gens qu'ils aiment à se rétablir.

— Ça marche ? demandé-je, même si je n'y crois pas trop.

— J'en sais rien, j'ai jamais réussi à en faire. Saya a voulu m'apprendre pour réaliser mon souhait de faire revenir mes parents, mais je n'y arrive pas, ça ne ressemble jamais à rien... Du coup, elle m'a appris à faire des étoiles en origami à la place. Elle dit que c'est pareil, que c'est l'émotion mise dans le pliage qui compte. Et que les étoiles, ça marche pour moi vu que c'est dans le ciel.

Le prénom de Sora signifie « ciel », j'imagine que c'est pour ça que sa sœur dit ça. Je trouve que c'est un peu bête, je ne vois pas bien l'intérêt de plier des étoiles, ou des grues d'ailleurs, mais je n'ai pas la force de me moquer. Et je n'ai pas envie d'énerver mon meilleur ami, pas aujourd'hui. S'il se met à me crier dessus, je vais recommencer à pleurer, c'est certain !

— Tu veux qu'on plie des étoiles ?

— Hein ? demandé-je en tournant la tête vers Sora.

— Pour ton père. On peut plier mille étoiles en priant pour son rétablissement, ça marchera peut-être ?

— Tu crois ?

— Ça coûte rien d'essayer, dit-il en haussant les épaules.

L'idée me semble vraiment absurde, je ne crois pas à ces choses-là, mais Sora a raison, qu'est-ce que ça coûte ? Et si ça marchait ? Si je pouvais sauver papa avec ces étoiles ? Il faut que j'essaye. Je dois tout tenter ! Et si ça ne suffit pas, au moins, ça m'aura empêché de passer mes journées à pleurer.

— D'accord, lâché-je.

Il me sourit timidement en hochant la tête, puis il se lève pour attraper une feuille et des ciseaux avant de revenir sur le lit pour me montrer comment faire des étoiles en origami.


À partir d'aujourd'hui, je vais plier des étoiles. Mille pour que mon père batte le cancer, mille de plus pour qu'il ne retombe plus malade, et mille supplémentaires pour que jamais le sourire ne quitte son visage. Je plierai autant d'étoiles qu'il le faudra pour que mon papa ne soit jamais triste ou malade. Il n'y aura plus de papier sur cette terre avant que je décide d'arrêter, c'est une promesse.

Les étoiles de décembre - Histoires bonusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant