18 - Le déménagement

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Été 2022


— Tu ne vas pas passer la journée à bouder quand même ? soupire Sora.

— Je ne boude pas !

Mon petit ami arque un sourcil. Il m'énerve quand il fait ça, quand il sait exactement ce que je pense et qu'il me juge parce que j'ose prétendre le contraire.

Je soupire en donnant un coup de pied dans mon coussin. Sora vient s'asseoir à côté de moi, sur mon lit, puis il dit :

— Je croyais que tu t'étais fait à l'idée qu'ils allaient emménager ensemble.

— C'est le cas, mais je suis quand même triste.

— Tu sais qu'on s'en va bientôt, nous aussi ?

— Raison de plus...

— Je ne comprends pas, avoue Sora, perdu.

Un nouveau soupir m'échappe alors que je laisse ma tête retomber en arrière, contre le mur. C'est le jour du déménagement d'Elisa, et celui d'Hiroki, du coup. Dans quelques minutes, tout le monde sera là pour emporter les affaires de ma sœur dans son nouvel appartement. Il n'y a pas grand-chose, je ne pense pas qu'on ait besoin d'être tous présents pour ça, mais on le fait quand même en famille. Et dans peu de temps, Sora et moi entrerons à l'université, nous irons vivre dans l'appartement que nous avons trouvé vers Bordeaux. Nous serons tous séparés. La maison de mon enfance sera vide. Mes parents seront seuls...

— Parle-moi, Eli.

— Je m'inquiète pour mes parents.

— Tu penses qu'ils vont se sentir seuls ?

Je hoche la tête tristement.

— Elisa et Hiroki sont à quelques pas, je suis sûr que ta sœur va passer ici aussi souvent qu'avant. Et Sayaka continuera à venir les voir, elle dit que ton père commence à s'améliorer en cuisine.

Je souris en me souvenant du dernier gâteau qu'il a fait. Il était un peu trop sucré, ça a dégoûté Sora du sucre un peu plus, et même moi, j'ai trouvé qu'il avait eu la main lourde, mais il n'était pas mauvais, pour une fois. Comme quoi, quand on persévère, on finit par y arriver ! Mon père ne deviendra peut-être jamais un grand chef cuisinier ou pâtissier, mais il continue à cuisiner comme il aime le faire, et jour après jour, il devient meilleur. Ou plutôt, ce qu'il fait commence à être mangeable, ce qui est déjà incroyable.

— On reviendra pour les vacances, peut-être même le week-end, continue Sora. On reviendra aussi souvent que tu le veux.

Il pose sa main sur la mienne, et en voyant son visage soucieux, je m'en veux de me comporter encore comme un enfant et de l'inquiéter. Je ne veux pas être un poids pour lui.

Je lui souris, puis je m'approche un peu plus de lui pour pouvoir le prendre dans mes bras. Avec cette étreinte, je tente de le remercier pour tout ce qu'il fait pour moi, pour le bonheur que je peux ressentir grâce à lui. Je lui suis reconnaissant de toujours essayer de me rendre heureux, de comprendre mes sentiments même quand ils semblent incompréhensibles, et surtout, de m'aimer.

— J'ai hâte qu'on vive ensemble, dis-je à son oreille.

— Moi aussi, répond-il.

— Et nous encore plus ! Vous faites vraiment des câlins n'importe où maintenant.

Sora et moi nous détachons et nous tournons d'un coup vers la porte. Hiroki est appuyé contre le montant de cette dernière, un sourire amusé sur le visage. Il faut toujours qu'il vienne nous embêter, celui-là !

— Vivement que tu t'en ailles ! crié-je.

— Tu pars bientôt aussi.

— Mais on aura encore quelques semaines tranquilles, grommelle Sora.

— Il a dit quoi, le sale gosse ?

Hiroki ne laisse à aucun de nous le temps de répondre. Il lâche le montant de ma porte et saute sur le lit. Il emprisonne son frère dans ses bras et se met à le chatouiller tandis que ce dernier se débat pour lui échapper.

Dans leur bagarre, je me retrouve par terre, éjecté par le pied de l'un des deux, mais je ne sais pas exactement lequel. Je gémis, puis je me relève et saute à mon tour sur mon matelas. J'attrape Hiroki par le cou et tente de le faire lâcher Sora.

Nous hurlons et rions si fort que les voisins doivent nous entendre et se demander ce que nous fabriquons. C'est en tout cas ce que ma mère doit se dire, car elle arrive dans la chambre et ordonne :

— Ça suffit, tous les trois, on a des voisins.

— Mais enfin, quand est-ce que vous allez grandir ? demande Yuriko en soupirant.

Nos mères nous regardent depuis le seuil de ma chambre. Nous sommes toujours accrochés les uns aux autres dans une drôle de position. C'est à ce moment que ma sœur arrive à son tour. Elle sourit en nous voyant tous, puis elle secoue la tête. Elle a l'habitude de nos délires qui ne semblent pas s'arranger avec le temps. C'est l'année de mes dix-huit ans, mais je suis toujours un gamin, je crois. Même si ça ne me plaît pas toujours, j'ai fini par l'accepter. Je n'ai pas envie de grandir trop vite.

— Elisa, ma chérie, tu es sûre que tu veux vivre avec Hiroki ? C'est mon fils, ma responsabilité, cela m'ennuie de t'imposer ça.

Yuriko a l'air tellement sérieuse et désespérée que je ne peux pas m'empêcher de rire. Hiro se venge en m'attrapant et me jetant sur le lit, et Sora retient son bras pour l'empêcher de me chatouiller.

C'est reparti pour un tour !

— On devrait les laisser, entends-je ma mère dire. Ça va les épuiser, ils seront plus calmes après.

Je ne sais pas ce que les deux autres femmes répondent, car déjà, elles repartent. Il me semble avoir entendu quelque chose à propos des enfants qui ont besoin de se défouler pour mieux dormir le soir, mais je ne m'y attarde pas, je suis trop occupé. Je n'arrête pas de rire parce qu'Hiroki me chatouille, et quand il ne le fait pas, je ris parce que Sora l'écrase.

Mon lit est complètement défait, mes coussins ont tous fini par terre, c'est le désordre, mais à l'intérieur de moi, c'est le calme plat, la sérénité. Je me sens à présent mieux, capable de laisser ma sœur quitter notre maison, prêt à m'envoler à mon tour. C'est un changement, mais je pense qu'il ne me fera pas de mal. Et puis, ma famille restera ma famille, qu'importe où nous vivons, rien ne pourra m'enlever ce que nous avons, l'amour que nous nous portons mutuellement. J'en ai la certitude. Quant à mes parents, je crois qu'un peu de tranquillité ne leur fera pas de mal, finalement...

Les étoiles de décembre - Histoires bonusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant