-James ? Nous ne parlons pas depuis dix bonnes minutes. Vous n'avez rien trouvé à me dire ? A me raconter.
Je délaissai ma contemplation de la fenêtre pour me tourner vers cette chère psychiatre en face de moi.
-Non, lâchai-je sans aucune âme.
-Racontez moi votre dernier moment avec votre femme et votre fils.
-Je vous l'ai déjà dit, je ne veux pas parler de ça pendant nos séances.
-James. Deux mois que l'on se voit chaque semaine et j'ai l'impression de ne pas avoir avancé.
-Avancé à quoi ?! Je suis là parce que ce connard de juge ne voulait pas passer pour une victime et a trouvé cette seule solution pour ne pas me gracier sans conditions !
-Non. Vous êtes là parce que votre passé traumatisant vous hante toujours.
-Forcément il me hante toujours ! La simple présence de Joy m'aidait à aller mieux. Et puis celle de Mike ! Et ce con les a arrachés à moi !
-Vous voyez Mike tous les jours, bien que cela reste restreint, et je peux comprendre que la présence d'une assistante sociale puisse vous gêner ou vous bloquer. Et concernant Joyce, vous lui parlez de ce que vous ressentez ? Vous lui parlez de vos cauchemars ?
-Je ne fais plus de cauchemars.
-Comme le prouve vos cernes.
Elle soupira, secouant la tête dans d'un air désespéré.
-James... est-ce que vous parlez de vos tourments à votre femme ?!
-Non.
-James ! s'écria-t-elle comme-ci elle réprimandait un enfant.
-Je ne veux pas l'inquiéter. Elle a déjà assez de soucis avec Mike.
-Ne pensez-vous pas que ça l'inquiète plus de ne pas savoir, justement ?
Je fixais le sol, réfléchissant à ses paroles. Je n'avais jamais pensé de cet angle-là.
-J'en sais rien.
-Et bien moi je pense que oui. Je voudrais, qu'elle soit présente à notre prochaine séance.
Je ricanai, comme si elle venait de dire un truc complètement débile.
-Non, fis-je simplement.
-Je veux savoir, et je veux que vous sachiez comment elle vit la situation. Si je ne vous force pas, vous ne vous confierez jamais à elle. Elle est votre femme ! La mère de votre fils ! Voilà pourquoi vous ne vous confiez pas à moi ! Vous ne parlez même pas à la femme que vous aimez !
-Je ne veux pas la mêler à cette histoire !!
-L'épouser c'était accepter de l'y mêler !! James. Joyce est une femme qui vous aime. Qui a su vous aider un première fois. Elle vous aidera cette fois encore.
-Je ne la ramènerai pas dans votre cabinet.
-N'oubliez pas que je peux également faire part de votre état psychologique à votre assistante sociale. Etat qui, pour le moment, n'est pas très adapté à la paternité et à la responsabilité d'un enfant.
-Vous vous servez, de mon fils, de mon petit garçon de seulement trois ans, comme moyen de pression ? soufflais-je complètement abasourdi.
-Si c'est le seul moyen de vous faire comprendre que votre femme vous aime et qu'elle est là pour vous aider, alors oui.
-Vous êtes vicieuse.
-Et vous vous êtes borné ! Ecoutez. Tout ce que je souhaite, c'est que vous alliez mieux. Que vous puissiez enfin vivre avec votre femme et votre fils. Mais si vous n'y mettez pas un peu du vôtre, on n'avancera pas et votre état ne s'améliorera pas, l'assistante sociale le verra et vous ne pourrez plus jamais être un père présent à cent pour cent pour Mike. C'est ça que vous voulez ?! Que chaque jour votre fils espère pouvoir vivre heureux avec une mère et un père aimants et présents, alors que ce n'est qu'une utopie ? Qu'il se rende compte que vous ne mettez pas tout en œuvre pour le retrouver ? Parce que c'est l'impression que vous me donnez James !
-Comment vous voulez qu'on avance si vous me balancez toute votre haine à la gueule ?!
-Pensez-vous que Joyce serrait fière de votre comportement ?!
-Ne me parlez pas comme un gosse.
-Vous réagissez comme tel ! James. Je voudrais que vous me répondiez honnêtement, sérieusement, et sans sarcasme, ni énervement. Qu'est-ce que vous désirez le plus ?
-Quitter cet endroit.
-Très bien.
Elle claqua son carnet sur ses cuisses et sorti son téléphone de sa poche arrière.
-Savez-vous de quoi il s'agit ?
-Un téléphone portable. Je suis né en mille neuf dix-sept mais je suis pas un fossile non plus, je suis réveillé depuis deux mille quatorze.
-Dans ce téléphone, j'ai plusieurs contacts. Et parmi eux, Joyce Barnes Carlson et Annie Green. Je peux immédiatement informer votre femme et votre assistante sociale de votre comportement plus qu'immature et votre manque de volonté à progresser. Cependant, il me semble que l'amélioration de votre état, c'est la condition pour retrouver Mike. Si vous ne daignez pas...
-Taisez-vous ! C'est bon. C'était quoi déjà la question ? demandais-je doucement, m'avouant finalement vaincu.
-Que voulez-vous au fond de votre cœur ?
Un long silence suivit sa question, durant lequel je réfléchis à ma réponse.
-Pouvoir vivre normalement. Sans être pris pour un monstre, un assassin, un fou furieux qu'il faut interner. Je veux pouvoir vivre avec ma femme, vivre avec mon fils. Dans une belle maison, avec une piscine, un chien, comme je lui ai promis. Il veut l'appeler Thor, riais-je. Je veux une vie tout ce qui a de plus normal, voir même cliché. Voilà ce que je veux. Et la seule chose que je demande, on me l'interdit ! J'ai quand même pas demandé la lune !! Juste parce que des connards ont décidés que ma vie leur appartenait et se sont amusé avec mon cerveau !! Parce qu'ils ont cru que je n'étais qu'un vulgaire pantin sans aucuns sentiments !! Et je l'étais !! C'est ce qu'ils ont fait de moi !! Et à cause d'eux je suis loin de ma femme et de mon garçon !!
Je pris une grande respiration, clignai des yeux pour ne pas pleurer et prit mon visage dans mes mains.
-Excusez-moi, soufflai-je.
-Ne vous excusez pas. Libérez votre cœur. Maintenant vous savez ce que vous voulez. Vous en avez conscience.
-J'amènerai Joy, à notre prochain rendez-vous.
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Don't Leave Me Again
FanfictionUn homme, une femme, un enfant. Un père, une mère, un fils. Chaque famille a ses soucis, son passé, ses problèmes. Ici, c'est juste les antécédents des deux parents. Le passé nous rattrape toujours, la justice fait souvent peu de présent. Mais il...