Chapitre 14 : Violence dite méritée

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Plongée dans l'eau chaude, je songe. Mes yeux sont clos. Mon cœur bat lentement, et mon souffle est paisible. Je frotte mon corps à l'aide d'un petit bloc de savon, en l'imaginant être souillé le jour du mariage. Cette idée me répugne. Je m'aperçois qu'un grand nombre des choses que l'on m'a dites à propos de cet engagement sont fausses. J'ai bien conscience que mos cas est particulier, car c'est un mariage arrangé, mais cela reste pareil. Le bonheur n'est pas présent, le désir n'est pas présent, ainsi que tous les détails constituant une bonne relation. 

En quittant le bain maintenant tiède, je me regarde un court instant dans le miroir, avant la nuit de noces, où la honte et le dégoût m'empêcheront de le refaire. 

De retour dans ma chambre, je retrouve Line .

"-Alors ? Comment était-ce ?

-Cela m'a fait beaucoup de bien. Et les pétales ont allégé l'air par leur senteur. Merci.

-Nul besoin de me remercier, c'est mon travail. Et j'ai grand plaisir à rendre ta vie agréable. En parlant de ça, je t'ai sorti une robe d'une grande beauté. Regarde."

Mon amie prend la robe et se tourne vers moi. J'écarquille les yeux, surprise de l'existence d'une telle pièce. C'est une longue robe noire, dotée d'un léger décolleté en dentelle sombre. Le tissu est fin et parfaitement adapté au climat actuel. 

"-Oh, elle est sublime ! Le couturier a fait un travail magique !

-Je lui transmettrai tes compliments. Alors, et si nous te préparions ?

-Avec grand plaisir."

L'air enjoué de Line me redonne le sourire. Cela fait deux jours que j'ai proposé au roi d'avancer notre mariage. Il est maintenant prévu pour dans une semaine et deux jours, ce qui me terrifie. Hier, j'ai reçu la visite de ce fameux médecin royal pour passer les "tests". Il a déclaré mon corps, je cite, "propice à la reproduction", mais est resté septique quant à ma cicatrice, car une femme portant des cicatrices ne mérite pas d'être aux cotés d'un roi, selon les règles ignobles de notre époque.

Une fois de plus, je me balade dans les somptueux jardins de ce palais. J'observe tout dans les moindres détails. Les couleurs diverses et variées des fleurs, les arbres robustes, le sol sableux, le ciel dégagé, ainsi que les habitants du royaume qui se baladent, parlent et jouent en toute tranquillité. Je crois que ce sont les éléments que j'aime le plus ici. 

"N'avez-vous donc rien d'autre à faire que des balades quotidiennes ?"

Je me tourne, déjà agacée d'entendre la voix de Robert.

"-Eh bien... Je n'ai rien à faire à part attendre patiemment le mariage.

-Oh oui ! En parlant de ça, je vais vous demander de bien le satisfaire. Il est assez stressé en ce moment avec les problèmes militaires, donc le soir de votre mariage, assurez-vous de bien le détendre. Je suis sûre que vous savez comment.

-Comment osez-vous... Vous avez beau être un prince, rien ne vous donne le droit de me demander des choses pareilles.

-Vous ne pouv...

-Et ne me parlez plus d'héritiers, ce n'est pas votre affaire. Occupez-vous plutôt de vous, et de votre propre vie."

Je vois de la rage dans ses yeux, autant que dans ceux de mon père, ce qui me terrifie. Je n'ai pas le temps de comprendre son expression que ma joue devient brûlante. J'y porte ma main, bouche-bée. Je réalise alors que Robert vient de me gifler. Il porte encore son air suffisant et froid. Son regard n'a aucune once de regret. Au contraire, il sourit de ma surprise et s'approche de moi.

"Vous devriez savoir que je ne rigole pas. Vous ne pouvez me parler ainsi. Cet acte, vous l'avez mérité. Je n'ai pas hésité. Et si vous me manquez encore une fois de respect, je n'hésiterai pas non plus. Je ferai même pire que ça."

Il me lance un dernier regard avant de tourner les talons. Ses derniers mots, qu'il a chuchoté, m'ont glacé le sang. 

Lorsque je ne le vois plus, je me précipite dans le palais, en tenant ma joue, comme si cela allait apaiser la douleur. Je m'autorise un sanglot. J'arrive, à bout de souffle, dans le hall du château. Dans ma course, je ne remarque pas William, qui me prend brusquement le bras. Il regarde mes yeux et ce qui est visible de mon corps. Puis, il s'arrête sur ma joue. Comme il l'a fait sur mon cou, il passe délicatement sa main sur la zone que je devine rouge, avant que son visage ne devienne sombre. Sans retirer sa douce main, il prononce des mots presque inaudibles :

"Quel est l'imbécile qui a été assez imprudent pour faire ça ?"

Là où naissent les rosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant