Chapitre 13 : Question risquée

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Je suis quelque peu surprise de sa requête, mais arbore un grand sourire et hoche la tête. Après un bref instant d'échanges de regards complices, David et moi éclatons de rire, pour une raison que j'ignore. Nous arrivons, quelques minutes plus tard, dans la cour du palais, où attendent des garçons d'écurie. A notre vue, ceux-ci se précipitent vers nous et s'occupent des chevaux. Je caresse l'encolure de Solis, puis suis mon nouvel ami à l'intérieur du château. Dans le hall, nous apercevons le roi et Robert, parlant à un garde. Celui-ci nous repère, s'excuse et s'en va dans la direction opposée à nous. L'odieux prince et son père, tout aussi détestable, s'approchent de David et moi. C'est le frère de William qui prend la parole.

"Voyez qui voilà, notre chère princesse. Nous vous attendions pour parler de votre mariage et de votre futur enfant."

Je lève les yeux au ciel, curieuse d'entendre quelle sottise sortira de sa bouche cette fois.

"-Vraiment ? Alors dites-moi, y a-t-il une nouvelle information que je vais devoir entendre ?

-En effet. Mon père, votre futur époux ici présent, a récemment parlé au médecin royal. Ils ont ainsi décidé de vous faire passer une série de tests médicaux pour vérifier si son héritier sera en bonne santé quand vous le porterez.

-Suis-je obligée d'accepter ?

-Disons que si vous ne voulez pas y être emmenée par force, c'est préférable. Sur ce."

Je n'en peux plus. Je me tourne vers David, les larmes aux yeux. Son regard est tendre, compréhensif. Il me prend dans ses bras, afin d'apaiser mon chagrin. Mes yeux sont embués, mais je devine le corps de William au bout du couloir. Il converse avec Arthur, mais comme attiré, son visage se tourne et nos regards se croisent.

Le déjeuner et l'après-midi sont passés rapidement. J'ai aidé Line à faire du rangement dans mes nouvelles robes. A présent, je suis sur le point d'entrer dans la salle de repas. Je porte une robe violette foncée. Une fois entrée, je m'assieds sur ma chaise habituelle, en face d'Emilie. La jeune femme me sourit et me demande comment ma journée s'est passée. Je lui raconte alors ma rencontre avec David. Je lui raconte tout dans les moindres détails pendant que les quatre hommes de la tablée discutent de plans de guerre.

Je risque quelques regards imprudents vers William. Mes discussions avec lui me manquent, mais je sais que j'ai fais le bon choix. C'est mieux pour nous deux qu'aucun sentiment ne se développe. J'ai un but et je compte bien l'atteindre. C'est la seule raison pour laquelle je me risque à interrompre la conversation de ses messieurs et demande au roi :

"-Mon roi, j'aurais une faveur à vous demander.

-Je ne supporte pas les interruptions, mais allez-y.

-Pourrions-nous avancer le mariage ?"

Suite à ma question, tous les regards se figent sur ma personne. Le roi me regarde avec un rictus malicieux et fier, tandis que William me scrute, l'air inquiet. Emilie, quant à elle, affiche un regard interrogateur. 

"-Nous pourrions, oui. Voilà une très bonne idée que vous avez eu. 

-Ravie que cela vous plaise. Veuillez m'excuser, je n'ai pas vraiment faim."

Je sors de la pièce, réalisant ce que je viens de suggérer. 

Mes jambes me mènent au jardin, alors que tombe la nuit. Je me perds dans les zones sombres de mon esprit, tandis que j'arrive au jardin secret. Je suis surprise de constater qu'un bon nombre des merveilles colorées de cet endroit sont fermées, sauf un petit groupe. 

Mon visage est fermé et mes yeux sont, une fois de plus, pleins de larmes. En silence, j'observe les fleurs. Je repense à ce que c'était de vivre au château, avec ma mère. Je repense à nos balades nocturnes. Je repense à nos jeux équestres, dans la cour de notre palais.

Tournée vers les belles fleurs rouges, j'entends des pas. Discrets, lents. Une démarche paisible mais hésitante. 

"Charlotte. Allez-vous bien ?"

C'est William. Je ne me retourne pas, il n'a pas besoin de me voir pleurer une fois de plus.

"-Les roses rouges.

-Je vous demande pardon ?

-Vous avez sûrement dû trouver cela étrange, que je sois aussi hypnotisée par cette couleur et par ces fleurs.

-Eh bien... J'avoue que cela m'est venu à l'esprit quelques fois, oui.

-Quand j'étais jeune, il y avait une personne qui habitait au palais. Un homme. Il était mystérieux et on ne le voyait qu'à la tombée de la nuit. Avec ma mère, nous allions toujours dans la serre royale. Cet homme était un simple jardinier. Pourtant, il faisait des merveilles. J'ignore comment, mais il arrivait à changer toutes les roses. Qu'elles soient roses, blanches, ou autre, il pouvait les faire devenir rouges. Un rouge écarlate, la couleur du sang. Durant ses derniers instants, ma mère m'a emmenée dans cette serre. Toutes les roses s'y trouvant étaient de cette couleur. Elle m'a dit qu'elle m'aimait. La dernière image que j'ai vu défiler dans ses yeux était celle d'une rose rouge. La couleur de son sang mêlée à celle des pétales. Ce jardin dans lequel nous nous trouvons me rappelle cette serre. C'est là où naissent les roses." 

Là où naissent les rosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant