Chapitre 17 : Troublée

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Lorsque nos lèvres sont sur le point de se toucher, j'entends un léger bruit. J'ouvre mes yeux et avise une longue lame. William a la même réaction d'effroi que moi. Tous deux surpris, nous nous éloignons rapidement en voyant le roi devenir rouge de colère. Il nous foudroie du regard en tentant de se contenir. Sans baisser sa lame, il nous dit :

"-Avez-vous conscience de ce que cela pourrait produire ?! Mais avez-vous perdu la tête ? 

-Père, laissez-nous, pour une fois vivre librement.

-"Librement" ? En vue de vos statuts dans ce royaume, vous ne pouvez vivre en dehors des règles. 

-Mais comment voulez-vous que vos sujets vous respectent si vous ne laissez rien passer ?!

-Les règles sont faites pour ça , si vous ne les acceptez pas, je vais être obligé de vous en faire subir les conséquences.

-Que voulez-vous dire ?

-Charlotte, jusqu'à notre mariage, vous allez rester dans la tour du palais, seule, pour que vous pensiez à vos actes.

-Père ! Comment pouvez- vous dire une telle sottise ? Ce lieu n'est pas acceptable pour une princesse.

-Eh bien la princesse comme tu dis n'avait qu'à se comporter comme tel. Suivez-moi Charlotte.

-Je... Bien."

Je ne proteste pas , ayant peur de son regard. Je suis le roi à travers le palais. Je n'ai pas aimé croiser le regard de William. Nous nous dirigeons dans un endroit que je n'avais encore jamais visité. Que va-t-il m'arriver dans cette tour ? Jusqu'au mariage... Cela va être long. Après les escaliers, tout est sombre. Un peu comme une prison. Au bout d'un couloir, j'avise une porte, entourée de deux gros murs de pierre. Le roi demande à un des gardes d'ouvrir cette porte, ce qu'il fait sans attendre. Derrière se trouve une petite pièce composée d'un lit de paille, d'une table en bois et de quelques autres petits meubles servant pour vivre. 

"-Voici votre nouvelle maison pour la semaine restante. Un garde restera devant la porte pour vous apporter ce dont vous aurez besoin.

-Merci."

Avant même que je ne termine mon mot, il referme la porte. 

Merci la politesse. Je regarde autour de moi, tentant de me faire à cette nouvelle pièce de vie. Mais enfin, comment veut-il que je me fasse à ce château si il m'en prive ? C'est une sorte de punition ? Il me punit pour avoir presque déposé mes lèvres sur celles de son fils ? C'est insensé comme réaction, vraiment. 


Cela fait déjà quatre jours que je suis enfermée dans cette salle humide et sombre. Sans Line, sans Solis et sans le prince, il faut dire que je m'ennuie. Je ne peux penser qu'au mariage. Cependant, être ici est assez instructif. Quand les gardes échangent leur place, je les entends parler. Notamment de la concubine se trouvant dans les sous-sols. Ils racontent qu'elle y écrit des lettres destinées à son fils, mais qu'aucune ne lui est transmise, car toutes sont interceptées par le roi. Ils rient de son espoir. Il me tarde de m'y rendre et de faire sa rencontre. Lorsque je serai proclamée reine, sa libération sera la première chose dont je m'occuperai. 

J'arrête de faire des plans d'avenir au moment où j'entends des voix venant du couloir. Je tends l'oreille, pour entendre la conversation qui semble animée.

"-Laissez-moi la voir. Vous le regretterez sinon.

-Mon prince, nous avons des ordres de notre souverain. Vous ne pouvez voir la princesse avant qu'elle se marie.

-Je me fiche des ordres de mon père. Je suis votre prince et je vous ordonne de me laisser passer. Voulez-vous être bannis de la garde royale, puis du royaume ?

-Eh bien... Non Votre Altesse, entrez je vous prie.

-Merci bien."

Je vois ensuite le prince entrer dans ce qui me sert de chambre. Il me regarde de haut en bas, il a du remarquer ma légère perte de poids. Il faut dire que la nourriture m'est limitée. 

"-Charlotte... Vous avez l'air faible.

-La nourriture ne tombe malheureusement pas du ciel. 

-Oui je le sais. J'ai parlé à mon père plus tôt dans la journée. Le mariage est après-demain. Il va envoyer Line pour faire les derniers essayages ainsi qu'une énième visite chez le médecin. 

-Je m'y attendais... Je n'arrive pas à croire que je vais me marier à dix-sept ans, à un homme que je méprise, avec lequel j'aurai des enfants nés d'un... D'un viol.

-Je ne peux comprendre. Mais je vous promets que ces règles inhumaines changeront. En attendant, je vais faire de mon possible pour retarder ce mariage.

-Non, William non. Plus vite je serai mariée à lui, plus vite je pourrai changer les choses. 

-Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Je pourrais facilement programmer votre fuite.

-Oui... C'est ce qu'il y a de mieux à faire.

-A votre guise."

Le prince se dirige, l'air attristé, vers la porte de la pièce. La main sur la poignée, il s'arrête, puis relève la tête. Sans bouger, il prononce doucement :

"Vous savez quoi... Dans deux jours, vous serez mariée à mon père. Pour une fois, je vais faire ce dont moi j'ai envie."

Il se retourne sans hésitation et marche rapidement dans ma direction. Sous mes yeux surpris, il me prend la main, puis avec l'autre, joue doucement dans mes longs cheveux noirs. Quant à moi, je plonge mon regard dans le sien, sentant les larmes monter. Ce que j'y découvre, c'est une question. Il n'a pas besoin de parler, je sais ce qu'il veut. Et je le veux aussi. 

Sans plus attendre, je murmure "oui" et dépose mes lèvres sur les siennes. Il a l'air surprit, mais se reprend vite et colle mon corps au sien. Ses baisers sont lents, pourtant mon cœur palpite comme jamais. Mon corps entier tremble, je me sens transportée. Cette fois, pas d'homme fou pour nous arrêter. Mes mains explorent son torse légèrement musclé, tandis que les siennes viennent se nicher au bas de mon dos et sur mon cou. Malgré ce moment magique, je sens que les larmes, ayant terminé de monter, coulent à présent sur mes joues. 

Nous mettons fin à cet instant, revenant à la réalité. Ses sourcils se froncent à la vue de mon visage humide. Il dépose un dernier baiser sur mes lèvres, puis lâche ma main. Je laisse également tomber mes bras, à contrecœur. Ensuite, il repart en dehors de la pièce éclairée par quelques bougies, pour de bon. Non, cette fois, il ne se retourne pas. 



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