Chapitre 21 : Grands méchants loups

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Voilà deux jours que nous sommes dans cette grotte. Nous n'avons eu aucune visite inattendue de gardes, ce qui signifie qu'ils ne nous ont pas encore trouvés. Mais d'après William, cela ne saurait tarder. C'est pour cette raison que nous sommes en train de ranger nos affaires. D'après le prince, nous n'avions que trois journées de marche, mais notre pause a rallongée notre voyage. Cependant, nous avons évité tout risque de se faire remarquer, ce qui nous est bénéfique. 

Une fois le camp levé, le feu éteint, et les chevaux prêts, nous nous approchons d'eux. De la main droite, je caresse l'encolure de Solis, je sens son puissant souffle sur mon épaule. Je pose ma main gauche sur son chanfrein, et cale mon front contre sa joue, afin de lui montrer que je suis présente. Je n'ai aucune garantie que cela le rassure, ou même que cela lui plaise, mais ma mère m'a apprit à le faire. Elle me disait souvent que je devais parler aux chevaux, afin de gagner leur confiance. Que je devais être présente pour ces animaux majestueux et forts. 

Je m'éloigne de lui lorsque mon compagnon annonce qu'il est temps. Je hoche la tête, puis monte à mon tour sur mon cheval. Nous nous mettons en route vers le Nord, à la frontière de ce royaume où se trouve l'auberge. L'odeur du feu éteint en vitesse emplit mes narines, venant se mêler aux effluves de la forêt. Je ferme les yeux un instant, appréciant cet unique mélange d'odeurs, tandis que Solis suit sagement sa congénère, Scelta.

Cela fait maintenant plusieurs heures que nous avons quitté le campement. Je sens que William est tendu, mais j'en ignore la raison. Il n'a pas prononcé un seul mot depuis notre départ, ce qui me préoccupe. Je n'ose lui demander, ayant peur d'être la source de ce silence inattendu. Soudain, il s'arrête, les sens en alerte. Sous mon regard interrogateur, il se penche et murmure "Je ne sais par quoi ou qui, mais nous sommes suivis". Je panique légèrement, suite à quoi il sourit, afin de me rassurer. Puis il se remet en route, ce que je fais à mon tour. Je le vois tourner la tête, et, reposant ses yeux sur moi, il dit "Une petite course ?". Je comprends qu'il a repéré quelque chose derrière nous, donc je hoche positivement la tête. Alors, nous partons au galop, à travers la plaine. 

Je risque un coup d'œil en arrière, et, à ma grande surprise, ce ne sont pas des gardes qui nous poursuivent, mais des loups. Une dizaine de loups sont à nos trousses. Ils se rapprochent de seconde en seconde, l'air assoiffé de sang. De notre sang. Dans ma course, je crie à William :

"Je ne veux pas vous stresser, mais ils se rapprochent !"

Il ne réponds rien, ce qui m'énerve. Afin d'attirer son attention, je crie son nom.

"William !"

Il me regarde quelques secondes, puis m'annonce :

"Continuez. Entrez dans le bois, ne vous retournez pas.

-Quoi ? Comment ça ?

-Faites ce que je vous dis !"

A ces mots, il vire à droite, coupant la plaine afin de s'enfoncer dans une vallée. J'arrête brusquement Solis, choquée par son geste. Puis, je remarque que les loups suivent sa trace. Ce détour les a rapproché du prince, mais les a coupé de moi. Je suis trop occupée à me demander comment William va s'en sortir que je ne remarque pas un léger détail. Deux loups m'ont repérée. Ils avancent vite, espérant se délecter de la chair de mon cheval, ainsi que de la mienne. Je fais donc ce que l'homme qui m'accompagne m'a ordonné, et me dirige à toute vitesse dans le bois.

Je pense avoir pris assez d'avance pour préparer une embuscade. J'attache donc les rênes de Solis à une branche, afin de m'en servir comme appât, puis me place dans un arbre, que je peine à escalader. J'ai sur moi la dague qui m'a été offerte, puis un misérable petit couteau, que je compte utiliser pour venir à bout de ces bêtes assoiffées de sang. Des insectes me grimpent sur les jambes, ce qui me procure un frisson de dégoût. J'ai vraiment horreur de ces petites créatures ailées ou visqueuses. Je les retire de mes membres avec mon couteau, mais commets une faute d'inattention. Je suis si concentrée sur l'arrivée des loups que je me fends légèrement la cuisse avec ma lame aiguisée. Je grimace à la vue du sang dégoulinant le long de ma jambe, que je tenterai de soigner une fois mes ennemis éliminés. 

Ce qui ne tarde pas. Mon sang a sûrement dû les attirer. L'un est noir, et l'autre est gris. Le plus foncé s'approche dangereusement de mon cheval, tandis que l'autre se trouve à une dizaine de mètres. Je décide de racler ma jambe sanguinolente avec mon plus petit couteau, et de le jeter loin de moi. Le loup gris mord à l'hameçon, et se dirige rapidement vers cet appât. Mais contrairement au loup clair, le noir se rend compte de la supercherie et montre les crocs. Prise d'un instinct de survie qui m'était inconnu, je saute sur la bête, lui plantant ma dague dans le crâne, ce qui la fait mourir sur place. Pendant ce temps, j'entends l'autre canidé piailler, signe qu'il s'est coupé la langue sur mon couteau plein de sang.

Je me tourne et fonce sur lui, mais je suis coupée dans mon élan par ce monstre qui se retourne, la gueule en sang. Il me saute dessus, me faisant lâcher mon arme. Je tente de la rattraper, mais elle se trouve à plus d'un mètre de mon corps. Mon bras droit faiblit sous le poids du loup, que je peine à repousser. Tout-à-coup, ma monture hennit, ce qui fait tourner la tête du loup. J'en profite pour le pousser de toutes mes forces, roulant à gauche pour récupérer mon couteau. La bête revient à la charge, mais je saute en avant et lui tranche l'abdomen, lui arrachant un cri. 

Je suis à terre, tentant de reprendre mon souffle, quand j'aperçois un cheval qui ne m'est pas inconnu. Difficilement, je me relève, en tendant la main vers l'animal. Il arrive à ma hauteur, et ce que je vois me coupe le souffle. Cet animal... Ce cheval... Il s'agit de Scelta... Seule, et pleine de sang. 

Là où naissent les rosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant