Chapitre 19 : Coup d'état

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Tissu blanc. Longues manches. Broderies couleur d'or. Une robe magnifique pour un mariage non souhaité. Depuis les premières lueurs du jour, un groupe d'une dizaine de femmes de chambre sont attelées à la terrible tâche de me vêtir pour cet évènement. Je ne peux malheureusement pas cesser de penser à ce moment avec William. Même si je sais que c'était unique, cela ne peut s'arrêter de me tourmenter. Je revois ses mains sur mon corps, je ressens la présence de ses douces lèvres sur les miennes. Tandis que je suis dans mes pensées, je vois Line courir dans ma direction. Cela fait quelques jours que je ne l'ai pas vue, ce qui fait naître un sourire sur mon visage lourd, ainsi que sur le sien.

"-Charlotte ! Que tu es belle, tu es devenue une vraie reine.

-Merci Line, si seulement c'était pour une autre occasion...

-Ne t'en fais pas. C'est seulement une épreuve à passer. 

-Oui, je dois me dire que j'arriverai enfin à changer les choses. 

-Exactement. Bon, êtes-vous prête Princesse ?

-Je..."

Non. Non je ne suis pas prête. Pas prête à affronter cette réalité. Pas prête à m'offrir corps et âme au roi. Pas prête à accepter William et Robert comme beaux-fils. Mais dire cela à Line ne ferait qu'empirer les choses, donc je réponds...

"Je suis prête oui. Allons-y."

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La peur. C'est le seul mot qui me vient à l'esprit en vue de la situation. Je suis tétanisée par la peur de ce monde inconnu. Soudain, les grandes portes de la salle du bal s'ouvrent. J'entends le pianiste jouer une merveilleuse mélodie dont je ne connaissais l'existence. Cette situation est assez similaire au bal, la semaine de mon arrivée. J'arrive en haut des marches. Tous les regards se posent sur ma robe et sur mon corps, tremblant. Au fond de la salle j'aperçois le roi, avec à sa gauche Robert... et mon père. Mon visage se fige. Je savais qu'il allait être présent mais je ne m'imaginais pas que son regard serait si effrayant. Afin de me rassurer, je cherche William, mais découvre avec surprise qu'il n'est ni en compagnie de son frère, ni dans les recoins de la salle, ni même assis avec les autres invités. 

Le pas léger, j'entame la descente des escaliers. Ces escaliers me menant à l'arrêt de toutes mes libertés. Ces escaliers qui me feront vendre mon âme au diable. Le malheur m'attend, je le sais. Mais à présent je ne peux plus fuir. Je ne peux plus nier le fait que ma vie se résume désormais aux seuls désirs du roi. 

Perdue dans mes sombres pensées, j'atteins l'estrade, sur laquelle se trouvent les hommes que je méprise le plus dans tout ce royaume. En tournant la tête, j'avise mon cher ami David, qui me sourit. Je remarque également que ses lèvres semblent former des mots, ainsi que ses mains qui bougent frénétiquement. Je tente de lui demander plus de précision, mais la main que me tend mon père m'en empêche. Je la saisis, non sans trembler. Ce geste me fait me rappeler de tous les tourments causés par mon géniteur suite à la mort de ma chère mère. C'est un cauchemar. Une terreur qui ne quitte pas mon corps, malgré mes efforts. 

Je suis à présent aux côtés du roi. Il sourit afin de faire bonne figure devant ses loyaux sujets, mais je peux voir le ravissement et la mesquinerie dans ses yeux. Cet homme n'a jamais été sincère. Jamais.

Le prêtre de cette famille se trouve devant nous. Il raconte ces fameuses lignes que l'on entend dans tous les mariages. Puis vient la fameuse question "Votre Majesté, promettez-vous de chérir, de soutenir cette femme ici présente, dans la santé comme la maladie, dans la mort comme dans la vie ?". Suite à quoi il répond "Oui, je le veux". Mes yeux se ferment douloureusement, faisant face à la réalité de ce moment. Quand je les rouvre, la même question m'est posée. Je vois les regards de tous me scruter , en particulier celui du roi, qui me somme de bien répondre à cette question. Une longue inspiration, puis je prononce ces trois lettres. Ce petit mot, pourtant lourd de sens. "Oui". Avant qu'il n'autorise le roi à poser ses affreuses lèvres sur les miennes, il cite son livre sacré en demandant si une quelconque personne est contre cette union. 

Au moment où il s'apprête à nous unir définitivement, les portes de la salle s'ouvrent dans un intense fracas. Tous tournent leur corps pour apercevoir la personne qui a osé commettre ce geste. Il s'agit, à ma grande surprise, de William. Il vient sûrement pour assister comme tout me monde au mariage, mais sa tenue me semble quelque peu... Inappropriée. Il est habillé comme il l'est quand nous montons à cheval. Je remarque ceci lorsqu'il prononce fièrement : "Moi. Moi je suis contre." 

Nous sommes tous bouche bée. Le roi fulmine intérieurement. Son visage rougit, ses yeux s'écarquillent, ses mains tremblent et sa poitrine bouge rapidement. 

Quant à moi, ma réaction est plus désespérée. Tandis qu'il se rapproche, bien droit, de l'estrade, je le supplie des yeux de quitter la pièce. En bougeant la tête, il me répond négativement. Les invités ne prononcent pas un mot, attendant la suite du spectacle. Ce qui ne tarde pas, car, arrivé à notre hauteur, le prince fixe son père dans les yeux, avec un air de défi. Puis, il dit :

"-Père. Je ne suis pas venu vous féliciter. Je vous somme d'annuler ce stupide évènement. Laissez partir Charlotte. Elle ne mérite pas cela.

-Tu... Me "sommes" ? Aurais-tu oublié qui je suis William ?

-J'ai parfaitement conscience du rôle que vous tenez dans ce royaume, et que vous avez envers moi. Mais je ne peux vous laisser faire ça. 

-Et pourquoi ? 

-J'aime la princesse, et par conséquent je ne la laisserai pas entre vos mains. 

-Oh, tu l'aimes ? As-tu la moindre connaissance en matière d'amour ?

-Aucune. Mais je compte apprendre à découvrir ce sentiment dit merveilleux. "

"J'aime la princesse" ? Il... M'aime ? Je sais que ce baiser en était la preuve, mais l'entendre le dire devant tous ses sujets et devant son père, c'était inattendu. Soudain, il me tend la main, m'incitant à le suivre. Mon cœur en meurt d'envie, mais ma raison me l'empêche. Le regard de mon père me l'interdit. Mais... Je ne le laisserai pas détruire ma vie comme il l'a fait à ma mère. C'est la raison pour laquelle, en jetant un dernier regard au roi et en lui faisant la révérence, j'attrape la main de William, et, se souriant l'un à l'autre, nous partons en courant vers la sortie. 

Vers la liberté. 


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