NON !

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J'entonne maintenant un autre chant Chant de gloire et de deuil
Il me faut célébrer ces jours mémorables
Qui réveillèrent l'Afrique de sa léthargie millénaire
Les arbres s'en souviennent
Les collines s'en souviennent
Les fleuves s'en souviennent
La Nature entière s'en souviendra
Elle qui semble indifférente à notre sort
Elle encore celle qui fixe les jalons de l'Histoire
Et rappelle aux mortels leurs actes oubliés.

Dans cent ans
Dans mille ans
Les manguiers de Bouaflé
Les rôniers de Dimbokro
Ceux de Yamoussokro
Les cocotiers de Grand-Bassam Témoigneront au barreau de l'Humanité
Des crimes commis au nom de la Liberté.

Aussi vrai que la Côte-d'Ivoire
Est habitée par des hommes à la peau noire
La chasse a été donnée aux habitants de Bouaflé
La raison nul ne l'ignore
En dehors de leurs fêtes et de leurs funérailles
Les Noirs se réunissent toujours
Pour exiger leur droit à la liberté
Et le respect de leur dignité.

«Tirez »
La rafale du fusil-mitrailleur
Coupe le fil à l'orateur
Dans Bouaflé sombre de poussière
Le tumulte et la consternation à leur comble
Ceux qui tuent sont des Africains Ceux qui sont tués sont des Africains Au nom de quel idéal
Des Africains tuent-ils d'autres Africains

Les mères hurlent de douleur
Les enfants pleurent
Les pères fuient
Ô lecteurs
Je ne fais point ici le récit d'une bataille
Ni ne chante l'épopée de deux armées Ces hommes qui fuient ne sont point des lâches
Ils reviennent du Danube, de Dunkerque
A présent les forces sont inégales Nous n'avons fabriqué ni fusils, ni bombardiers
Il n'y a que des lâches et des innocents Et dans cette nuit tiède des tropiques Sous l'œil vigilant des baïonnettes
Le cortège des « noirs mécontents ».

COUPS DE PILONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant