Ce fut une chaleur humide qui me fit reprendre mes esprits. Un air moite et lourd qui faisait perler ma peau et avait réactivé ma conscience. Je mis quelques minutes à simplement ouvrir mes paupières beaucoup trop lourdes et me concentrai sur les perceptions que ressentit mon corps endolori : j'étais encore dans la jungle et la nuit était tombée. Une nuit sauvage et indomptée, où la vie nocturne s'exprimait avec encore plus de virulence et où la noirceur devenait aussi un ennemi à part entière. Je sentis ensuite une douce chaleur sur le côté droit de mon visage encore inerte et reconnus, au bruit et à l'odeur, la caresse des flammes d'un foyer proche de moi.
Avant que je réalise que cela indiquait forcément une présence humaine autour de moi, je m'obligeai à une rapide introspection, forcé par ma chair meurtrie. Mon crâne pulsait encore sous la pression sanguine et j'avais dû taper assez fort. J'avais l'impression qu'un orchestre entier s'entraînait dans mes méninges. Un capharnaüm incessant qui troublait mes sens et mes pensées. Je ressentis ensuite que mes bras étaient retenus en arrière. En remuant légèrement les poignets, des liens me brûlèrent : on m'avait attaché. Alerté, j'ouvris enfin les yeux et relevai la tête.
Comme je l'avais flairé, un feu de bois dans un cercle de pierres était allumé à quelques mètres de moi. Il crépitait et quelques étincelles vinrent mourir sur le sol humide. J'étais assis par terre, dans des vêtements encore détrempés : ma fabuleuse course avait dû se terminer dans le fond de cette rivière que j'avais juste eu le temps d'apercevoir avant de chuter.
En regardant autour de moi, il fût évident que j'étais dans une construction humaine : une sorte de hutte, une cabane faite de branches et de feuilles de bananiers, qui s'appuyait sur un arbre massif. Ce pilier de bois monumental était creux à la base et on m'avait établi dans ce renfoncement, au fond de la case et dos contre l'écorce interne. En tournant douloureusement la tête, il devint évident pour moi que j'étais dans une situation des plus compliquées. Une variété de lianes épaisse avait été enroulée solidement autour de mes poignets et bloquait mes mouvements. J'étais coincé ici. Dans un tableau. Merde.
C'était à n'y rien comprendre. Mes idées n'étaient pas claires. On m'avait de toute évidence sauvé. Mais on me retenait prisonnier ? Pourquoi ? Et où était mon kidnappeur ? Je n'étais pas détective, mais il était évident qu'il ne devait pas être loin : le feu venait à priori d'être réalimenté et une sorte de bouillie brunâtre mitonnait doucement sur une pierre chaude à proximité. On aurait dit un mélange de boue et de vieux thé, c'était tout sauf ragoûtant, et pourtant mon ventre se mit à gargouiller à l'idée d'ingurgiter quelque chose. J'étais surement resté inconscient plus longtemps que je ne le pensais. Ma bouche pâteuse m'envoyait aussi des signaux clairs pour m'hydrater.
Transpirant à grosse gouttes, mon regard arpenta l'abri, à la recherche de quelque chose d'utile pour m'évader, il y eut un craquement dehors et mon attention bifurqua vers l'entrée du cabanon. Un long frisson me descendit le long du dos. Je ne voyais rien et l'obscurité était beaucoup plus terrifiante qu'en France. C'était un vrai mur d'ombre qui voulait engloutir la famme, l'abri et moi. Je pensai d'abord à ce stupide singe et le maudis intérieurement. Bientôt j'entendis nettement des pas se rapprocher et mon pouls s'emballa, me faisant reculer un peu plus contre l'arbre. Je ne savais pas à quoi m'attendre et cela m'inquiétait au plus haut point.
Une silhouette se dessina en premier lieu. Une forme pas très grande, avec des épaules assez larges et apparemment masculine. Puis il apparut. C'était un homme jeune à la peau plus foncée que la mienne, aux longs cheveux noirs, sales, hirsutes et bouclés, dans lesquels un microcosme entier semblait vivre. Il portait un pagne de feuilles, qui cachait plus ou moins son entrejambe, et des peintures tribales rouges parcouraient son corps de part et d'autre. D'innombrables colliers faits de roches et pierres reluisantes pesaient sur sa nuque. Il tenait dans sa main droite un long bâton pointu, sur lequel était empalée un serpent gris et noir. Il revenait assurément d'une chasse nocturne. La première chose que j'avais en fait remarqué était que son bras gauche avait un souci : il n'avait pas d'avant-bras et seul un moignon, s'arrêtant au coude, était visible.
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SYKO
ParanormalEt si les tableaux renfermaient bien plus que de simples images ? Matt Dustin est un Syko, un être capable de pénétrer dans l'univers des plus grands peintres. Mais ce don extraordinaire va le mener sur des chemins tortueux dans un univers où les c...