Chapitre 7 : Tensions

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Je m'appuyai sur une main et tentai de me relever, mais le monde valsait toujours autour de moi, me faisant perdre toute notion d'équilibre. N'ayant jamais trop bu, je ne pouvais que supposer que ça devait être semblable à la sensation que j'éprouvai actuellement. Avec une jolie bosse en prime. J'avais un violent mal de crâne et le sang battait à mes tempes. J'avais vraiment sous-estimé la force qu'il avait cet abruti. J'avais peut-être un peu trop attisé sa colère.

J'essayai une énième fois de pousser la lourde porte de l'épaule, mais seuls les bruits de résonance métallique s'enfonçant dans le couloir sombre derrière moi me firent écho. Je soupirai et me pris la tête dans les mains. Tout ça pour une histoire de jalousie.

Je ne parvenais pas à concevoir comment on pouvait en arriver à de telles extrémités, comment on pouvait vouloir faire du mal à quelqu'un et dormir sur ses deux oreilles. Je me surpris encore une fois à imaginer que Geoff était peut-être juste mal dans sa peau, qu'il avait besoin d'attention, mon père répétant souvent que « plus un chien aboie fort, plus il cherche à compenser quelque chose qu'il n'a pas ». La douleur tambourinant au crâne me fit plutôt penser qu'il n'était seulement qu'un abruti.

Je me mis à évaluer les choix restants : je pouvais persister sur cette porte. Y frapper en espérant que quelqu'un vienne à mon aide comme lorsque je m'enfermai avec le verrou dans les toilettes de notre maison de campagne, étant petit. D'expérience, cela pouvait durer longtemps.

Je pouvais aussi tenter de retrouver mon chemin grâce au couloir derrière moi dont je ne connaissais même pas l'existence cinq minutes auparavant, prenant le risque de m'aventurer dans une zone interdite aux élèves.

N'ayant pas envie de croupir dans l'ombre et ne voulant pas donner raison à Geoff, je choisis la deuxième option. Je commençai à recouvrer mes esprits et plissai donc les yeux pour essayer de discerner quelque chose en face de moi. Je fis un pas, et sursauta. Toutes les lumières venaient de s'allumer les unes à la suite des autres devant moi. Je n'osa faire le moindre mouvement de peur que quelqu'un ne les ait activés. Ne voyant personne arriver, je supposai que des capteurs de mouvement devaient par conséquent gérer l'éclairage et je pris quelques secondes pour observer le grand couloir qui s'était dévoilé devant moi. Une lumière presque orangée baignait l'espace, descendant de quelques vieux spots au plafond, qui révélaient une légère poussière flottante.

Les murs étaient en bois épais et noir, surement du noyer, ce qui renforçait le côté tamisé de l'environnement. Tous les deux mètres environs étaient postés d'immenses cadres contenant des portraits représentant des personnes adultes habillées de façon distinguée. Ils posaient tous très sérieusement et semblaient me juger depuis leurs emplacements surélevés. Ces hommes et femmes dégageaient tous un certain charisme, presque palpable.

Un tapis épais et rouge, aux broderies dorées, qui puait le vécu était installé au milieu du couloir et le suivait dans toute sa grandeur. J'apercevais le bout de ce dernier qui s'arrêtait sur une autre porte, en bois celle-ci. C'était à priori la seule issue à ce corridor longiligne dont l'usage restait inconnu.

Je m'appliquai donc à marcher d'un pas vif dans sa direction, pressé de sortir de ce piège malheureux. Pour ne rien arranger, les tableaux de ce couloir me mettaient... mal à l'aise. J'avais l'impression d'être surveillé par mille yeux et je l'étais déjà assez dans une journée normale par Bones. C'était un sentiment étrange, renforcé par la solitude et le silence seulement entrecoupé des craquements du plancher sous mon cheminement.

Je remarquai qu'au fur et à mesure que j'avançai, les périodes sous les portraits devenaient plus récentes ainsi que les styles de peinture plus modernes et je m'arrêtai en présence du dernier retint mon attention. Il était inscrit 1972 -... mais aucune date ne venait préciser la mort du personnage représenté. Je lus le nom gravé en lettres noires gothiques sur un écriteau argenté : Sylvir Rose. Mes yeux s'écarquillèrent, alors que je pris conscience de qui se trouvait devant moi : c'était notre directeur qui était peint ! Il y était beaucoup plus jeune que le connaissais (c'est-à-dire très peu, car j'avais dû le voir qu'une dizaine de fois depuis que j'étais là).

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