SYKO

Chapitre 13 : Infiltration

- Je crois que c'est encore plus grand que ce que j'imaginais, dis-je dans un souffle qui émis une légère condensation.

Clark remonta d'une main la fermeture de son blouson en cuir noir :

- C'est la troisième fois que je viens à Paris et je ne m'en lasse jamais.

- Vous êtes vraiment des gros touristes, sortez de vos grottes les bolosses, se moqua Eva, originaire de la ville lumière.

- On se concentre s'il vous plaît, nous ne sommes pas en visite jeunes gens, nous coupa M.Acer.

Nous nous tenions dans le jardin des Tuileries, le grand parc adjacent au musée chargé d'une longue histoire, tapis dans l'obscurité laissé entre deux lampadaires. Devant nous, se dévoilait majestueusement le bâtiment que nous étudions depuis des semaines maintenant. Le mondialement connu Louvre. Nous avions vue sur la large place principale où se dressait une pyramide en verre, dont la lumière artificielle bleutée qui en émanait tranchait avec les ténèbres profondes de la nuit, donnant une allure presque divine à cette structure. Bien que l'heure soit tardive, il y avait encore de l'agitation dans les rues de Paris, qui ne semblait jamais vraiment s'endormir. Contrairement à moi. J'avais les paupières lourdes et les membres inférieurs engourdis par le froid de la pierre du muret sur lequel nous étions assis depuis maintenant une heure et demie.

C'était le grand soir. Tout avait été planifié et étudié dans les moindres détails, nous avions répété nos rôles cent fois, simulant tous les scénarios possibles (même celui où Le Louvre prendrait feu ou celui où nous serions tombés nez à nez avec un potentiel voleur de la Joconde). Malgré la préparation, la fatigue et le froid, je ressentais un certain stress à l'idée de réaliser un « subtil échange » comme ne cessait de le répéter M.Acer. Celui-ci tenait dans ses bras le rouleau contenant la copie conforme du tableau. Il jeta un coup d'œil à sa montre.

- Ça va être l'heure les enfants, il nous faut rejoindre l'aile Est.

Sans répondre, nous acquiesçâmes tous d'un mouvement de tête. Notre professeur se leva, Eva le suivit aussitôt, le regard concentré, sûre d'elle. J'admirais beaucoup cette fille qui semblait déjà tellement plus mature que nous, beaucoup plus réfléchie dans les moments critiques comme celui-ci. Même si j'aimais Calixe à la folie, je comprenais totalement pourquoi Dante la trouvait attirante.

Clark embrassa le cristal autour de son coup, une fluorite verte, et me fit un signe de tête pour leur emboîter le pas. Je souris en réalisant que ce n'était pas son cristal mais celui de Solène, sa dulcinée.

Nous nous mîmes à longer le bâtiment en file indienne tâchant de rester dans l'obscurité sans toutefois avoir l'air suspect. J'avais la gorge serrée, et les jambes en coton : c'était une grosse responsabilité et j'allais avoir un grand rôle à y jouer. J'avais déjà réussi à tenir mon invisibilité assez longtemps, mais jamais dans une situation aussi stressante (même si pour être honnête, être enfermé dans le placard de Bones se hissait néanmoins facilement sur le podium des situations les plus tendues).

Arrivée au coin du bâtiment, dans un angle plus plongé dans la pénombre, M.Acer nous fit signe de nous arrêter de la main :

- M.Dustin, c'est à vous de jouer. Il n'y a personne autour, saisissons notre chance.

Connaissant le plan comme une partition, je sus ce que j'avais à faire.

- Ok, je me concentre.

Ils se placèrent autour de moi, Eva une main sur mon dos, M.Acer une main sur mon épaule gauche et Clark sur la droite. Je fermais les yeux et me concentrai pour ressentir tout mon organisme. De la pointe de mes cheveux à la plante de mes pieds. Depuis quelques mois, sur les conseils de Mme Blueeast, j'opérai la même technique pour avoir recours à mon méta : j'imaginais un flux d'eau circulant en cascade verticale et qui parcourait tout mon corps. À force de le conceptualiser, je commençais réellement à visualiser ce flux interne en moi. Il était plus simple de canaliser mon énergie.