SYKO

Chapitre 17 : Manichéen

- Je persiste à dire que c'est une très mauvaise idée...

- Tu peux retourner au dortoir si tu le souhaites Constant . Personnellement, je veux savoir ce qu'on nous cache... Et je le fais pour Matt aussi, lui répondit Tim, sûr de lui.

Je n'avais pas tenu. Après le match, j'étais sorti dans un état mental tel que je n'arrivai plus à regarder Calixe dans les yeux ni à décrocher la moindre parole. Le soir même, j'avais pris ma décision. Envers et contre tous les avertissements de Monsieur Rose, j'avais choisi de raconter tout à mes amis. De ma découverte des Délians lors de mon anniversaire à l'épisode du musée. Pour l'instant, j'avais choisi de ne pas le dire à ma copine. Je savais qu'elle se serait inquiétée outre mesure pour moi. J'étais conscient de briser ma promesse et de trahir  notre directeur, mais dans la mesure où celui-ci nous avait délibérément menti et mis en danger, je ne me sentais pas honteux.

La réaction de mes compagnons de dortoir m'avait d'ailleurs fait plaisir : ils étaient d'abord restés sans voix mais s'en était suivi une nuit entière de débats houleux et remplis de questions. Ils étaient outrés du comportement de M.Rose et son image cristalline de directeur parfait s'était fendue en mille morceaux. Tim avait aussi été assez consterné de voir qu'ils ne m'accompagnaient pas du tout psychologiquement après cet évènement, mais qu'ils m'avaient laissé reprendre ma vie comme si de rien n'était. Dante avait voulu savoir à quoi mes agresseurs ressemblaient et Alex avait désormais une furieuse envie de leur « leur régler leur compte personnellement » . Sur toutes nos lèvres, il n'y avait qu'un seul nom: Raxen Devor. Les théories fusaient pour savoir à quoi il ressemblait ou quelles étaient ses réeles motivations.

Cela m'avait fait énormément de bien d'en parler. J'avais l'impression d'avoir évacué un sentiment nocif qui me rongeait de l'intérieur. J'avais réussi à mettre fin à la croissance d'une plante grimpante et invasive qui portait en elle le traumatisme de l'attaque. C'était pourtant loin d'être fini. Nous avions toujours beaucoup trop de questions. Je n'avais pas encore l'esprit tranquille.

Tim avait donc suggéré que nous tentions d'éclaircir certains points par nous-mêmes, pour répondre à ces mystères et me soulager la conscience. Cela permettrait également à Basile d'arrêter d'être dubitatif et de froncer les sourcils dès que je mentionnai le nom d'Hector et son incarcération au cœur de Kaälos. À l'énoncé de potentielles cellules de prison au sein même de notre établissement, certains s'étaient là aussi révoltés et indignés d'un écart aux droits de l'Homme si évident.

L'enjeu de la semaine d'après avait donc été, dans un premier temps, de repérer l'entrée des cachots qui étaient d'après ce qu'avait dit M.Rose « sous l'école ». Je n'avais aucune idée d'où pouvait se trouver un tel accès.

Le plan dressé par mes amis et moi-même était de rendre une visite à notre détenu et agresseur, Hector, pour qu'il réponde directement à certaines de nos questions. Nous étions conscients qu'il comportait de grands risques et que je m'exposai probablement à l'exclusion pour cela. Selon Alex, se confronter à ses peurs était aussi le seul moyen efficace de les vaincre. J'étais d'accord avec cela.

Bien que l'idée de revoir son charmant sourire ne m'enchantait guère, je dus admettre que comprendre ce que j'avais fait pour mériter un étranglement et une noyade de près me brûlait la langue. J'avais besoin de savoir. Besoin de savoir pourquoi il nous vouait une telle haine.

Nous avions donc enquêté chacun de notre côté, tous les jours, pour trouver cet accès. Seuls Dante et Constant n'y avaient pas vraiment mis du leur, l'un préférant investir son temps avec sa toute nouvelle copine, Eva, et l'autre très peu enthousiasmé à l'idée d'enfreindre le règlement. Basile nous surprit tous en arrivant un soir dans notre dortoir une canette à la main, un sourire triomphant sur son visage d'ange.