Le soldat inconnu

Partie IX

— Non, Eva, je ne discuterai plus de ça avec toi. Mon rôle ne me permet pas d'avoir d'attaches.

— Mais nous sommes ensemble depuis tellement de temps !

— Il est hors de question que je me marie, et ne parlons même pas d'avoir des enfants.

— Je ne te demanderai pas d'être présent pour moi ou pour eux. Profiter de ton amour de loin me suffit.

— Non ! tonna la voix d'homme. Cette discussion est close.

— Tu me traites comme n'importe laquelle de ces... furies !

— Elles, au moins, servent le régime nazi. Et toi, que fais-tu à part alimenter la rumeur sur notre relation ?

— Si tout était officiel, je n'aurais pas besoin de faire ça. Je pourrais afficher mon attachement au régime sans craindre que les gens découvrent notre liaison secrète.

— Eva... Tu me fatigues. Tu es la seule à oser me tenir tête.

— Non, je suis la seule à être encore en vie après t'avoir tenu tête, s'amusa-t-elle, levant le nez d'un air effronté.

— Jamais je ne pourrai te faire de mal. Mais jamais je ne pourrai t'épouser.

— Tu es vraiment borné !

— On n'arrive pas là où j'en suis sans savoir camper sur ses positions, ma chère.

Sur ces mots, Folker n'entendit plus rien, mais, de sa cachette, il vit clairement que cet échange se concluait sur un baiser.

S'il n'était pas habitué aux frasques de son ennemi juré, il en aurait rendu son dîner. Entretenir une relation amoureuse avec sa fille ! C'était tout simplement diabolique. Officiellement, ils avaient 23 ans de différence. Lucifer avait réussi un coup de maître en se liant avec Eva. Folker en venait presque à ressentir de l'admiration pour la fourberie de son adversaire. En revanche, il était dégoûté par le fait que sa fille ait pu s'enticher d'un être aussi malfaisant. Cautionnait-elle les actes de cet assassin ? Soutenait-elle le régime nazi ? Était-elle en réalité une espionne pour le compte des Alliés ? Cette éventualité aurait rassuré Folker, mais il n'y crut pas plus d'une seconde. C'était une femme véritablement amoureuse qu'il avait eue sous les yeux, il en était persuadé.