Aurors

XIX - Retrouvailles

Les jours ont passés sans que je ne les comptes. Je crois vaguement m'être levée six fois pour grignoter et prendre des douches, puis je suis retournée me coucher. J'ouvre les yeux dans ma chambre. Je reconnais vaguement mon lit, les plantes, les posters dans l'obscurité, je distingue les formes. 

Sous le volet, pourtant, je me rend compte qu'il y a un rayon de lumière et en lançant faiblement un tempus je comprends qu'il n'ait pas du tout l'heure de dormir et que je dois faire ça depuis un certain temps. Il est 15h30. Pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre, je réalise que ce qui m'a tiré de mon sommeil est le bruit de la porte d'entrée qui a claqué et que je perçois des chuchotements. On toque à la porte de ma chambre, je ne réponds pas, me tourne et fait mince de dormir.

Dans un nouveau rayon de lumière se tiennent Luna et Neville. Neville d'abord, Luna qui suit. Iels entrent timidement, j'entends le pas maladroit de Neville sur le paquet mais pas vraiment celui de Luna parce que je sais que, par habitude, elle a enlevé ses chaussures. Harry et Ron sont derrière elleux. Je dois décidément leurs faire très peur avec ma crise bizarre car ils m'ont rendu visite de nombreuse fois, même si je n'en avais pas vraiment conscience, la tête dans la brume. 

« Ginny ? »

Je me tourne sur le dos. Ron jette un sort sur le volet pour l'ouvrir. La lumière du jour m'éblouit et je grogne. Pendant une seconde je suis heureuse de les voir, puis je me souviens de pourquoi je suis endormie dans ma chambre en déprimant depuis plusieurs jours. 

Je dois avoir une sacrée tête, avec mes yeux explosés de fatigue, de lumière et de larmes, mes cheveux en bordel et mes vêtements tout froissés. Je baisse la tête en pensant ça, redoutant de porter un vieux T-shirt de Luna ce qui est évidemment le cas. Super, elle va croire que je passe mon temps à déprimer dans ses vêtements. 

« Tu te sent bien ? 

Je soupire en regardant Luna. Je plisse le nez. "Bien" c'est pas trop le mot. 

- J'ai connu mieux. »

Harry pose un sac en papier sur le seul coin de meuble qu'il trouve non occupé par une plante en expliquant :

« C'est de la part de Molly. Je l'ai empêchée de venir en lui racontant que tu ne voulais voir personne parce que je pensais que tu n'aurai pas envie de la voir, du coup elle m'a forcé à t'amener à manger. »

Je suis reconnaissante à Harry, il ne fait aucun doute que voir ma mère aurait été pénible dans une situation pareille... et visiblement la solution à chaque détresse psychologique est de manger pour elle. Hors, je n'ai aucune envie de manger, ni de la voir. Je n'ai aucune envie qu'on juge encore mes choix de vie, je sais que la plupart des membres de ma famille souhaitait secrètement que le∙a successeur∙euse de Luna soit un homme, que ma bisexualité ne soit qu'une phase... et me voilà qui sort avec une fille et en plus une ancienne mangemort et Serpentard. 

« Merci. Je marmonne malgré tout en soupirant et en échangeant un sourire agacé avec Ron au sujet de ma mère. 

- Je t'en prie, bon par contre je dois m'en aller vite fait, là ! J'ai des tonnes de copies à corriger. s'empresse de dire Harry en jetant un coup d'oeil à sa montre. 

- Mais oui, des copies. » Le taquine Ron les bras croisés et un sourire en coin. 

Je ne saisit pas la pique et je suis trop fatiguée pour demander un éclaircissement, mais je me promet de le faire plus tard. 

Harry lève les yeux au ciel et s'enfuit aussi vite qu'il est apparu. Ron se sent tout d'un coup de trop dans cette pièce alors que je suis avec mes deux meilleur∙es ami∙es, il fait une grimace et pointe la porte avec son pouce avant de suivre rapidement son acolyte. 

« Tu es allée voir un médecin ? me demande Neville. J'ai fait des recherches, les patronus obscur, ça se soigne. Et Parkinson va bien, j'ai demandé à St Mangouste la dernière fois que... eu.. bref. »

J'ai du mal à suivre la suite car il se met à déverser un flux de paroles que je devine être provoqué par le stress. En l'entendant parler de St Mangouste, je me souviens que je n'ai pas pris le temps de prendre beaucoup de leurs nouvelles ces derniers temps. À une époque, Neville parlait de ses parents avec facilité, nous le connaissions depuis si longtemps, ça lui faisait du bien de se confier à nous... et puis c'est peut être parce que Luna et moi nous sommes mises ensembles ou quoi, mais il a recommencer à poser un filtre sur cette histoire, ne pas nous la partager. Et je me sens bête de me rendre compte que je n'ai aucune idée de ce qui se passe dans sa vie depuis plusieurs mois alors que je devrais être là, c'est mon rôle d'amie...

Pour ce qui est du patronus obscur je le remercie du bout des lèvres. Je sais, il faudrait que j'aille voir quelqu'un∙e... enfin pour ça il faudrait déjà que je sorte de mon lit.

« Je vais... vous laissez discuter un peu. déclare Neville au bout d'un moment car il voit que le silence s'éternise. Vous avez surement des choses à régler.»

Et je me retrouve seule avec Luna, avec la possibilité de discuter pour de vrai, pour la première fois depuis notre rupture. 

Elle inspire un peu exagérément, évacue son stress dans un mouvement de cuisse continu qui me rend triste. Il fut un temps où elle n'était pas le moins du monde stressée avec moi, quand est-ce que ça a recommencé ? Notre relation était un gâchis, nous n'aurions jamais dut devenir plus qu'amies. 

« Je suis désolée. Je commence, car je ressent tout ces trucs depuis trop longtemps pour les garder et que l'occasion se présente enfin. Je crois que je me suis aussi un peu forcée à sortir avec toi, parce que, j'ai découvert que j'aimais pas que les garçons et que je me sentais carrément seule. Je voulais plus être avec des gars à ce moment là, et, tu étais belle, et tu voulais bien alors je suis tombée amoureuse, parce que notre histoire était logique. On avait toujours été amies, comment ça pouvait ne pas marcher ? Mais je crois que c'était vraiment une erreur, parce que je me suis emballée, que tu t'es retrouvée à devoir faire semblant de m'aimer et en plus j'ai foutu en l'air notre amitié... Maintenant j'ai juste l'impression que je pourrais jamais plus aimer normalement parce que, après toi, j'ai faillit tuer ma nouvelle amoureuse avec ma magie. Je suis vraiment désolée, je te demande pardon...

Luna met son index sur sa bouche pour me dire de me taire dans un geste qui pourrait paraitre particulièrement hautain, mais il ne l'est pas, parce que c'est Luna qui le fait. 

- Moi aussi, je suis désolée. J'ai été méchante quand j'ai du rompre. Je me suis laissée entrainer là dedans parce que, comme ça ne marchait pas avec les garçons, je me suis dit que ça devait être les filles et, en fait c'était personne... mais je ne savais pas que c'était possible. Je n'en avais jamais entendu parler. J'aurai dut le comprendre plus tôt. Pardon. 

- Non, tu rigoles ! Tu ne pouvais pas savoir, c'est moi qui aurait dut me rendre compte que tu n'étais pas bien avec moi. 

- J'étais bien avec toi ! contredis aussitôt Luna. Je ne veux pas que tu pense que je ne t'aime pas. Ce n'est juste pas... quelque chose de romantique.

Je ferme les yeux et hoche la tête. La jambe de Luna a arrêté de trembler. 

... Tu crois qu'on peu redevenir amies comme avant ? reprend-elle. Enfin, si tu as besoin de temps, je comprends. 

- Non, c'est bon... Je veux bien. Je vais mieux de toute façon, par rapport à notre rupture. 

- Oui, maintenant tu dois être plus heureuse avec Pansy. »

Elle voit mon visage se tordre et le sien se transforme en expression inquiète de peur d'avoir dit quelque chose qui ne fallait pas. Pourquoi c'est elle qui a cette peur alors que c'est toujours moi qui dit des conneries sans m'en rendre compte ? 

« J'ai l'impression que je ne pourrais plus jamais vivre une relation amoureuse. 

Je pourrais lui re-raconter tout mes amours déchus, mais cette phrase suffit. Elle sourit, l'air de ne pas me croire. 

- L'amour est une énergie renouvelable. » 

Elle me fait sourire et me sourit, puis elle me sert tout d'un coup dans ses bras, ce qui me surprend d'abord puis me fait plaisir, parce que je comprends que je n'ai rien perdu en rompant avec elle, que j'ai au contraire retrouvée ma meilleure amie et que je me sentirai mieux avec elle à mes cotés... et la réciproque aussi, surtout.