II - Abandonnée

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Média : "L'appart vide" Suzanne (clip)

TW : nourriture, mention d'abus sexuels

Je pousse la porte de chez moi avec une vilaine migraine. Ma journée de travail n'a été que très peu productive après que j'ai quitté le bureau de mon "amie" la ministre. Je laisse tomber mon sac à dos dans l'entrée, me débarrasse de mes chaussures -veille habitude acquise elle aussi à cause de Luna- et enlève ma veste. 

Un instant plus tard je suis sur mon lit, le visage dans un coussin. J'essaie de ne pas penser que je suis dans le grand lit à draps bleus que j'ai acheté avec Luna, que sur les murs il y a encore des dessins de Luna, que dans le salon il y a des DVD appartenant à Luna et que, malgré moi, durant toute cette journée où j'ai essayé de ne pas penser à elle, peut être même durant tout le dernier mois, je n'ai pensé qu'à Luna. 

Je crois que cette rupture -malgré mes tentatives d'auto-persuasion- m'affecte bien plus que je ne veux bien l'admettre. 

Je reste encore dix minutes de plus à regarder le plafond. Celui-ci, au moins, est blanc et ne fait remonter aucuns souvenirs pouvait me rappeler une certaine fille blonde qui m'a planté de façon magistrale... je soupire. Je finis par me relever pour aller chercher mon sac pour en sortir le dossier en cours. 

La table de la cuisine est dans un bazar si impressionnant que je peine à me souvenir à quoi elle pouvait bien ressembler avant. Il y a le reste du repas d'hier, au moins trois des plantes de Luna, la cage du hibou, une lampe de bureau et une pile de feuilles qui doit être un mélange de factures, de prospectus, de faire-parts et de toutes sortes d'autres papiers importants qui me rappellent à quel point l'enfance était une belle période, quand je n'avais pas à me préoccuper de tout ça. 

J'envoie valser tout ce qui se trouve sur la table sans peine et y pose le dossier de l'affaire en cours. Cela concerne une mille-et-unième querelle autour d'un filtre d'amour. Je travaille à la section des problèmes de magie amoureuse, il n'y a quasiment que des histoires de filtres d'amours. Cette affaire là est un cas malheureusement classique : un homme ayant versé du sérum de désir dans le verre d'une femme durant une soirée. La pauvre fille s'est réveillée dans le même lit que le monsieur le lendemain totalement en panique. Elle était en larmes lorsqu'elle est venue déposer sa plainte, et je m'en suis terriblement voulu de devoir lui poser des questions très intrusives pour vérifier que ce n'était pas un mensonge. 

Rien que ce souvenir fait baisser mon estime de moi-même. Avec ça, Luna, et cette foutue Parkinson en coéquipière... j'ai besoin de manger quelque chose. 

Je regarde dans le frigidaire, il n'y a que les plats végétaliens dont j'ai pris l'habitude de me nourrir -devinez qui m'a converti à ça- mais ce soir j'ai besoin de quelque chose de très gras avec si possible du fromage... du genre une pizza entière. Oui, bonne idée. 

Il fait déjà nuit dehors, je mets une doudoune en pensant qu'il doit faire froid... je me souviens trop tard qu'il ne faut jamais faire confiance à la couleur du ciel pour estimer la température, je porte ma doudoune à la main. Je cours dans la rue. Je dois faire peine à voir. Dans une vitrine j'aperçois mes cheveux en bataille et mes yeux gonflés. Si je portai du maquillage j'aurai un piteux air de koala. J'ai bien de la chance de vivre à Londres et d'avoir toutes sortes de magasins en bas de chez moi, je me serai mal vue transplanner à des kilomètres juste pour une malheureuse pizza. 

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De nouveau à la maison, mon butin à la main, je me débarrasse de nouveau de mes chaussures. Décide de manger devant un film, au point où j'en suis. Sauf que tout les films que j'ai appartiennent à Luna et que je finis par pleurer encore. Franchement, je fais de la peine à voir.

Quelqu'un sonne à la porte, me faisant sursauter. Je visualise mentalement l'état de mon appartement, de mon corps, de mes vêtements et je bénis le ciel d'être une sorcière. Je jette un rapide sort de rangement et, en une seconde, mon appartement est comme neuf... si propre que je songe à le déranger pour que ce ne soit pas trop suspect. Mais la sonnette de l'appartement sonne une deuxième et une troisième fois. Qui que ce soit, cette personne est soit pressée soit impatiente. 

J'ouvre la porte. 

Je ne sais pas pourquoi, un instant, mon cerveau à cru que Luna se trouverait en face de moi. Bien sur, ce n'est pas le cas. C'est Harry qui se tient devant ma porte. 

« Eu... Salut ? je tente, perplexe. 

- C'est pas vrai, tu as oublié ? 

Je le reluque de haut en bas en quête d'un indice sur ce que je pourrais avoir oublié puis je jette un coup d'oeil au calendrier offert par Hermione à Noël soit disant pour m'aider à m'organiser -cette fille a vraiment le sens de la fête /s- mais rien ne m'explique ce que Harry peut bien faire là. Peut être parce que je n'ai jamais rien fait de ce calendrier depuis que je l'ai accroché au mur. 

- Eu... non... ? 

- Le repas de famille. Me dit Harry. Comment tu as fait pour l'oublier ? Moi j'y ai pensé toute la journée ! »

Le repas de famille. 

Ce dernier mois tout me passe totalement au dessus. Ça rentre par une oreille, ça ressort par l'autre. Pourtant je le sais bien que ma mère s'entête à organiser un repas de famille une fois par semaine, le vendredi soir, pour être sure que ses enfants ne l'oublient pas maintenant qu'iels ont quitté∙es la maison... Sauf que ce soir, j'avoue que je l'ai totalement oublié. Tout comme j'ai oublié qu'on était vendredi soir et tout comme j'ai carrément oublié que j'avais une famille. Je pense à ma pauvre pizza abandonnée dans laquelle je rêvais de me noyer pour oublier... quoi déjà ? Que Pansy Parkinson est ma coéquipière, que Hermione est une amie tyrannique, que je suis célibataire et que j'ai dut parler sans aucune empathie à une pauvre fille qui me racontait un viol. Merlin. 

J'ai déjà évité les trois derniers repas de famille pour ne pas avoir à entendre les remarques qui me rappelleraient qu'iels m'avaient prévenu que sortir avec quelqu'un comme Luna ne serait pas durable... 

« Eu... en fait, j'ai un rencard avec un gars... un journaliste. 

- Ginny. soupire Harry en posant par terre le plat qu'il doit rendre à maman, tu sais que tu me fais le coup du faux rencard toutes les semaines ? Enfin, soit c'est des faux rencards soit tu as réussit à te faire poser des lapins par une vendeuse de skate et une étudiante en art... et maintenant un journaliste. »

Je soupire. Ce garçon n'était-il pas censé être un débile fonçant dans les murs sans réfléchir ? Où a-t-il trouvé cette soudaine perspicacité ? 

« Franchement, c'est pas cool de ta part. dit Harry. Tu pourrais au moins me soutenir ! »

Je soupire encore. Il y a un accord implicite entre nous deux. Nous en sommes grosso-modo au même stade de notre vie : presque trente ans ( enfin vingt-six pour moi, vingt-sept pour lui.), un métier ( auror pour moi, professeur de Défense contre les Forces du Mal pour lui ) et venant tout deux de nous faire larguer. Même si lui semble particulièrement bien s'en remettre. Ainsi, maman nous regarde de la même façon... enfin c'est ce que Harry pense. En réalité, comme il a sauvé le monde sorcier il y a dix ans tout le monde le laisse tranquille. Moi c'est pas pareil. 

Harry imite un signe de prière, je lâche un sourire amusé et lève les yeux au ciel en allant mettre la pizza abandonnée dans le réfrigérateur puis chercher ma doudoune pour la seconde fois. 

AurorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant