XXI - Audience

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TW : mention d'abus sexuels et de viols

Nous approchons de la fin. 

La semaine a été éprouvante. Autant pour moi et mes nouvelles potions rendant mon humeur détraquée (le temps de s'habituer, parait-il) que pour le ministère. Hermione a des plis sur le front tant elle fronce les sourcils ses derniers jours, et quand je croise le regard de Pansy, la seconde juste avant de me détourner d'elle, je sens qu'elle est anxieuse elle aussi. 

Et ce matin l'atmosphère est lourde. Je peut sentir la magie des autres s'agiter dans tout les sens. J'ai un peu du mal à capter les ondes de magies des sorcièr∙es environnant∙es en règle général contrairement à certain∙es -Luna- qui les saisissent toujours, mais mes potions me rendent hypersensibles. 

La salle d'audience ressemble à celle dans laquelle je me suis rendue lors des procès de fin de guerre, il y a dix ans maintenant. Rien n'a changé, à croire que les juges adorent se complaire dans une ambiance poussiéreuse pour résoudre leurs affaires. Des bancs de bois vernis -quoi qu'un peu vieillit- forment un cercle autour d'une sorte de plateau où trône un siège vide pour le moment. Dans la partie de la justice, dans les premiers rangs, se tient Hermione elle-même, ministre sur son siège, puis une cours de juges, d'employé∙es de ministère qui me sont bien connu∙es, d'avocat∙es... Étant suspendue de mes fonctions je suis assise bien plus loin, dans la horde de civils suivant l'affaire de près. George et Lee sont juste à coté de moi, craignant que le commerce de farces et attrapes des Weasley ne tombe en ruine sans filtre d'amour. Ron est plus proche du centre, probablement pour soutenir Hermione, mais je ne trouve pas Harry... étonnant. Je sais bien que sa célébrité lui est parfois insupportable mais il a en général le courage de braver les murs d'admirateur∙ices lorsqu'il s'agit d'aider ses ami∙es. 

Je replie mes cuisses contre mon torse, ignorant les regards m'ordonnant de m'asseoir correctement et entoure mes bras autour de mes jambes pour y poser ma tête. À travers un rideau de cheveux roux je vois Noam Putnam entrer, faisant mine de rester insolent malgré la force avec laquelle on le plante au milieu. 

La pièce énorme créait un écho, le cliquetis d'une plume avec laquelle on joue me parvient parmi l'assistance, je ferme les yeux pour ne pas être agacé par ce pauvre petit élément. Je ne dois pas me mettre en colère. 

On lui fait boire du véritasérum, ces yeux ne perdent pourtant pas leurs lueurs de défi ou leurs assurance. Si ses mains n'étaient pas liées je suis sure qu'il les laisserait nonchalamment dans es poches. Quel culot. Condescendant comme jamais, il répond aux premières questions. Questions test pour vérifier la fiabilité de la potion et pour présenter le sujet à l'audience. Mon cerveau ce perd dans le décor atypique de la salle jusqu'à être de nouveau alerté par le ton de Hermione qui s'est fait plus dur. 

« Vous êtes accusé d'avoir abusé de nombreuses personnes grâce à l'usage de différentes potions d'amour au cours de ces deux dernières années. Votre défense ? 

L'avocat de Putnam se lève. Ajuste ses lunettes, et je le déteste déjà. 

- M. Putnam a utiliser des potions d'amours au cours de soirées dansantes. C'est un jeune homme qui n'a pas le profil d'un agresseur, nous ne lui avons diagnostiqué aucun trouble mental, aucune déviance sexuelle. Les personnes ayant eu des rapports avec lui avaient plus de dix sept ans. Il n'a rien fait d'illégal. Il plaide non coupable. »

Je grimace, écarte les mèches rousses qui passent devant mes yeux. Hermione ne faiblit pas d'un pouce, Putnam non plus. Un silence s'installe, mais ce silence là est plutôt de ceux qui ne peuvent attendre d'avoir une réponse à une question. Silence impatient. Nous sommes pendu∙es aux lèvres de Hermione. Je serre les dents en me rendant compte que l'avocat à raison. Putnam n'a pas enfreint la moindre loi, alors il est difficile de le déclarer coupable. 

Une femme aux cheveux grisonnant se lève alors, une robe blanche comme si elle venait de l'ancien temps, et je mets un instant à m'adapter à son accent américain. Elle est surement assez âgée dans son corps, mais son esprit est d'une clarté et d'une jeunesse en total contraste avec son apparence. Dès qu'elle ouvre la bouche je lui donne vingt-ans de moins. 

« Je suis Mrs Jean, avocate de cette affaire, dit-elle bien haut et je comprends pourquoi Hermione a tant insisté pour la faire venir. Vous venez d'évoquer les règles du monde sorcier, permettez moi de vous rappelez celle du monde moldu, auquel vous obéissez aussi car vous  êtes anglais avant d'être sorcier : Tout acte sexuel commis par violence, contrainte ou surprise est un viol. Ici, comme nous l'avons rappelé dans les faits, nous parlons d'un jeune homme ayant contrait des personnes à avoir des rapports sexuels avec lui. C'est donc un viol. De plus je crois bon d'ajouter que les victimes ici présentes souffrent encore de ce rapport au point de vouloir voir leurs agresseur encourir une peine. Aussi, les agresseurs n'ont pas de profils. Nous aimons penser que les agresseurs sont des malades mentaux, des gens avec des déviances sexuelles pour nous détacher d'eux, nous dire que eux ce sont les fous, les monstres, et que nous serions incapables d'agir comme cela. Seulement la réalité est tout autre, n'importe qui peut commettre un crime, même nous, encore plus si nous nous persuadons que cela est impossible. Les criminels n'ont pas de visage. Ou plutôt ils ont tout les visages, ils sont exactement comme nous. Les personnes avec des maladies mentales sont bien plus victimes de violences que l'inverse, et les déviances sexuelles aggravent en effet les risques d'abus mais seulement dans la moitié des cas. Alors votre premier argument n'est pas valable. M. Putnam est coupable à mes yeux. »

Je me suis redressée, ai lâché mes genoux pour reprendre une posture plus conventionnelle. 

Je risque un coup d'oeil vers les personnes entourant Hermione et je croise le regard de Pansy. Elle encre ses yeux dans les miens. Nous ne nous faisons pas de signes ou de sourires mais j'ai l'impression d'entendre ce qu'elle pense et je me rends compte que je rêverai d'être avec elle à cet instant, ma main dans la sienne. Elle me manque. 

« Alors il faudrait condamner toute personne ayant un jour user de filtre d'amour ! défend l'avocat de Putnam. 

- Oui. déclare alors Hermione, il le faudrait. C'est pour cela que cette audience tiens avant tout à faire interdire l'usage des filtres d'amour. Plus que condamner les coupables, surtout dans le cas de ceux qui n'ont pas conscience d'avoir fait quelque chose de mal, le plus important est de condamner l'arme du crime. Car cette potion ne peut-être qu'une arme, peut importe qui l'a en main. On ne peut rien trouver de positif à son utilisation. »

La condamnation de Putnam est secondaire, je n'ai même pas pensé à ce qui pourrait advenir de lui. Le plus urgent est surtout l'interdiction de ces stupides potions. 

Les victimes commencent à être interrogé∙es. Mon coeur ravagé par la potion est trop fragile pour le supporter alors je sort de la salle un instant, me terrant dehors dans le silence, n'entendant que les témoignages étouffés à travers la porte. 

Je ne sais pas pourquoi je me sens mal comme ça, ni même si cela a un rapport avec l'audience ou si c'est moi qui est un problème. Je suis nulle pour l'introspection, je sais seulement que je me sens malade. Et que Pansy me manque beaucoup plus qu'elle ne le devrait. 


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