Plus que ça...

Isaac

Deuxième partie. (Désolée pour la longue attente)

Comme tous les  jours depuis plus d'un mois maintenant, je suis assise face à la mer, les yeux fermés. Je savoure la caresse du vent sur mon visage. J'écoute le chant apaisant des vagues, mon cœur froid apprécie les rayons du soleil. J'aime les douces étreintes amicales d'Isaac. J'entends ses mots, qui, je dois l'avouer m'aident à cicatriser. Je ne parle pas beaucoup, mais il me comprend, écoute mes silences sereinement. Il est devenu mon ami, un pilier sur qui je peux compter.

Il m'a accueillie chez lui, parfois il me raconte sa vie de fils unique de stars, il me fait souvent sourire, de temps en temps je fais des cauchemars et il vient dormir avec moi. Mais d'ordinaire, c'est lui qui fait des cauchemars et moi qui rejoint son lit. Il semble cassé mais refuse de m'en parler pour l'instant. Et je l'accepte. Je retrouve doucement et difficilement ma niaque, mon envie de vivre à fond.

Parfois Mia et Jake passent nous rendre visite. Ils sont restés deux semaines ici avec nous mais nos silences, à moi et Isaac, ont eu raison de leur patience. Mamita nous nourrit, nous fait rire. Parfois, je vais voir ma mère mais il m'est trop difficile de repartir chez moi. Sa présence y flotte encore, dans ma chambre, dans les yeux inquiets de ma mère. C'est trop dur. Ici, les journées se succèdent lentement mais de moins en moins douloureusement.

Isaac est une personne formidable. J'aurais aimé le rencontrer avant... Son nom, je ne veux plus l'entendre, je ne veux plus le prononcer ou j'en suis plutôt incapable. J'ai essayé, mais à chaque fois mes larmes et ma souffrance réapparaissent. Je disjoncte, je fais des crises d'angoisse. Ça ne me ressemble pas, je ne veux pas être ainsi, je ne veux pas qu'il ait ce pouvoir sur moi, je veux l'oublier.

– Tu vas attraper froid mi paserrotto.

Mes paupières s'ouvrent sur un Isaac en jean, t-shirt et gilet de laine. Je le trouve craquant. Il me sourit tendrement, m'installe une couverture sur les épaules avant de s'asseoir près de moi. Ma tête vient instinctivement se poser sur son épaule. Sa bouche vient embrasser le sommet de mon crâne ce qui me fait sourire.

–Kiara, je peux te poser une question ?

– Oui bien-sûr, je lui réponds interloquée, d'habitude il ne me demande pas.

– Où en es-tu ?

Je comprends le sens de sa phrase mais réfléchis un petit instant avant de répondre. Il attrape ma main et commence à la caresser du bout du pouce.

– Je pense que je tourne enfin la page. Je veux avancer. Je veux redevenir la Kiara qui n'a pas froid aux yeux. Je veux pouvoir vivre mes années d'université sans heurts mais avec une pointe de folie tout de même.

– J'en suis heureux. Que dirais-tu si je t'invitais à passer la semaine à New-York ? Nous pourrions aller en boite, au ciné, au bowling, voir du monde, ce que tu veux.

Je me tourne vers lui pour jauger son humeur, ses yeux sont souriants tout comme lui. Alors je hoche la tête pour toute réponse. Il observe mon visage avec minutie et perd peu à peu son sourire.

– Qu'y a t-il Isaac ?

Il détourne les yeux avant de les reposer sur moi avec un nouvel éclat.

– Si tu ne l'avais pas rencontré. Tu aurais accepté de sortir avec moi ?

Je le dévisage à mon tour avant de sourire. La question ne se pose même pas.

– Sans aucun doute. Mais à quoi cela te sert-il de le savoir ? Qu'en retires-tu ?

Il baisse la tête, mal à l'aise.

– Isaac ?

– Ça me donne de l'espoir.

J'ai peur de mal comprendre.

– De l'espoir pourquoi ?

– Tu es la première à m'attirer depuis Jess et je me dis que tout n'est pas perdu, que je retrouverai à nouveau quelqu'un.

Je laisse quelques secondes passer, réfléchis. J'en viens à la conclusion, qu'il n'attend rien de moi et j'en suis soulagée.

– Qui est Jess ?

Son regard prend les même reflets d'horreur, de souffrance que lorsqu'il fait des cauchemars.

– Tout, elle était tout.

Mon cœur se comprime pour lui, j'ai peur de comprendre et cela m'attriste énormément.

– Quand t'a-t-elle quittée ?

– Elle est décédée il y a bientôt deux ans. Demain, dit-il d'une voix sourde.

– Est-ce pour cela que tu veux sortir ?

– Entre autre. Change-moi les idées Kiara, me demande-t-il de cette même voix d'outre tombe.

J'acquiesce avant de le serrer contre moi, essayant d'éponger son chagrin.

Nous passons ainsi, les semaines suivantes, à sortir, boire, rire et pleurer ensemble. Nous avons même fini par nous embrasser au détour d'une ruelle mais c'était tellement étrange que nous avons finalement explosé de rire et n'avons jamais réitéré l'expérience.

Dans cette histoire, j'ai perdue un bout de moi mais j'ai gagné un ami en or. Maintenant, à quelques jours de la rentrée, j'angoisse légèrement mais je sais que Kiara la guerrière est de nouveau là. Nouvelle année, nouveaux challenges. Isaac m'a proposé de vivre en coloc avec lui, Ashton et Luke mais j'ai tout de suite refusé, je suis une guerrière pas une sadomasochiste. Je ne veux pas le croiser ou le moins possible. En parlant de Luke, Isaac n'a pas beaucoup de nouvelles et c'est bien la première fois depuis qu'ils sont petits. Il s'inquiète, je le vois, mais n'en parle pas et, pour le coup, je suis lâche, je ne préfère pas savoir. Il m'a envoyé une fois un message me disant qu'ils allaient bien, je ne sais pas qui était le « ils » et je n'ai pas cherché à savoir. Il a ajouté, qu'il avait hâte que l'on se revoit, que je lui manquais et que c'était compliqué. Je n'ai pas su quoi répondre sinon un simple « moi aussi » dépitée.

Tout ce que j'espère, c'est que mes nouvelles pages blanches se remplissent de belles choses et je ferai en sorte que oui.